La vidéosurveillance entre perspectives d’innovation et enjeux sécuritaires

Par Lola BRETON

La ville de Nice pourrait bien avoir ouvert la porte à de nouvelles innovations. Avec ses quelques 2350 caméras et l’expérimentation d’un système de reconnaissance faciale en février dernier, la préfecture des Alpes Maritimes semble prête à voir venir le futur de la vidéoprotection. Ce secteur florissant a également de nombreux défis à relever pour se déployer avec succès.

L’innovation des technologies vidéo : un besoin prégnant

Le compte à rebours a commencé. Dans moins de 500 jours, le Japon accueillera près de 300 000 participants officiels sur 43 sites olympiques. L’enjeu sécuritaire pour les deux semaines de Jeux est central. Pour pouvoir assurer le grand évènement sans accroc, la qualité des systèmes de vidéoprotection et vidéosurveillance sera absolument crucial. Axis Communications, leader du marché de la caméra réseau (IP), suit de près les perspectives de croissance et d’innovation que l’imminence des JO suggère. Stéphane Carré, Directeur commercial France et Maghreb du groupe, en est convaincu – et les chiffres IHS Markit semblent le confirmer – le futur de la vidéoprotection « migre vers le full IP » et la camérathermique. Un avenir qu’Axis avait su anticiper dès 2012 en créant de nouveaux capteurs.

Les JO de Tokyo sonneront aussi l’avènement à grande échelle des technologies de reconnaissance faciale. Atos, entreprise française en charge des systèmes informatiques des Jeux depuis 2001, a particulièrement innové pour 2020. Le système de contrôle d’accès, construit en partenariat avec les équipements vidéo Panasonic et le procédé biométrique du japonais NEC, permettra d’authentifier les athlètes, bénévoles et journalistes en quelques millièmes de seconde. Une rapidité censée éviter les files d’attente sous le soleil nippon brûlant du mois de juillet.

Les Jeux suivants, organisés à Paris en 2024, devront aussi avoir leur lot de nouveautés. Si la reconnaissance faciale est de la partie – et elle le sera certainement étant donné les progrès qui sont à l’œuvre et la volonté des organisateurs de grands évènements de la voir triompher – il faudra qu’elle ait encore évolué. Plus que la rapidité, l’enjeu de la biosurveillance se trouvera autour de la prévention d’attaques majeures. Le scénario catastrophe est déjà dans de nombreuses têtes. Lorsque Christian Estrosi, maire de Nice et président de la région PACA, envisage d’utiliser la reconnaissance faciale, couplée avec la liste des « fichés S » de la ville, pour pouvoir prévenir les attaques massives, la technologie biométrique prend un aspect beaucoup plus stratégique.

Avec son offre d’images panoramiques, Axis Communications est également impliqué dans les technologies de reconnaissance faciale. Comme le rappelle Jérémy Déage, responsable lancement de solutions, Axis ne développe pas cet outil ; mais les images de haute qualité qu’il fournit à l’entreprise espagnole de technologies de reconnaissance faciale, Herta Security, permettra peut-être à cette dernière de sortir du lot parmi les nombreux logiciels de biosurveillance qui émergent.

Des enjeux de cybersécurité à prendre en compte

Pour détecter les comportements suspects enregistrés par les caméras de vidéosurveillance, les machines seront d’une aide précieuse. Il est aujourd’hui de plus en plus question d’intelligence artificielle. Citylog, système de transport intelligent basé sur le deep learning, mise sur cette nouvelle réalité. Pour Éric Toffin, directeur de l’entreprise spécialisée dans la détection automatique d’incident, c’est la coopération entre machines et humains qui rendra le secteur plus fiable. L’intelligence artificielle permet déjà de résoudre les failles humaines, notamment autour de la « rapidité et de l’exhaustivité » des repérages d’accidents. Il y a tout de même « encore du travail pour réussir à analyser les comportements ».

L’un des enjeux fondamentaux du développement des logiciels intégrés à la vidéosurveillance est donc celui de leur sécurisation. Les malwares passant par les systèmes de vidéosurveillance sont de plus en plus nombreux à sévir, selon une étude de l’entreprise d’IA, Darktrace. Toutes les organisations se souviennent, par exemple, de la frayeur causée par le logiciel malveillant Mirai en 2016. Le malware avait réussi à paralyser une partie du net. La menace avait été contrôlée alors, mais elle n’a pas disparu. Plus récemment, c’est « IoT Reaper », malware basé sur le même principe d’entrée dans les failles des caméras connectées en réseau, qui a sévi, aux Etats-Unis notamment. Lorsqu’il a été découvert, en octobre 2017, ce botnet menaçait de faire vaciller quelque deux millions d’appareils connectés.

Le suivi de cybersécurité doit donc se faire à la fois sur les serveurs vidéo et sur les logiciels intégrés ; de bout en bout. C’est ce que propose déjà MOBOTIX, groupe allemand de la vidéoprotection. Depuis un an, son « Concept Cactus » propose un partenariat avec un fournisseur de solutions cyber pour tous ses clients. Quant aux partenaires d’Axis Communications, un mot d’ordre les anime pour éviter les cyberattaques : « security by design ».

Le développement des solutions de cybersécurité sera indispensable à mesure que les systèmes de biosurveillance se banaliseront. La démocratisation de la reconnaissance faciale – lors de grands évènements d’abord, puis dans un usage quotidien dans les smart & safe cities et les entreprises – engrangera une quantité spectaculaire de données personnelles. Il faudra donc s’assurer du bon encadrement de ces nouvelles technologies afin d’assurer la sécurité de tous les citoyens tout en gardant leurs données confidentielles.

Des caméras IP qui révolutionnent aussi la surveillance de sites

La propagation des menaces cyber ne doit cependant pas faire oublier la réalité des attaques physiques. L’entreprise néerlandaise Kooi Security en a fait son affaire. Depuis 2010, un ovni occupe les parcs éoliens et photovoltaïques ainsi que certains sites de construction de 17 pays du monde. C’est une large tour bleue, surmontée d’un mât où trône une caméra infrarouge Axis. Son nom : UFO. Cette Unit for Observation agrémentée de panneaux solaires qui lui donnent une autonomie d’un an, a une mission : protéger les espaces difficilement couverts par le gardiennage physique.

L’entreprise, qui se revendique comme leader européen de la vidéosurveillance mobile et temporaire, a également développé un système d’interpellation. Pour forcer les criminels venus pour voler, vandaliser, squatter ou incendier à faire demi-tour, une sirène et un flash lumineux se déclenchent à la moindre détection d’intrusion. Jordan Aoulmi, responsable commercial dans le Sud-Est, explique que, dans les rares cas où cela ne dissuade pas les intrus, les agents Kooi Security interviennent au plus vite sur le site pour tenter de les arrêter. Une solution qui serait plus efficace que le recours aux forces de police, souvent trop éloignées des sites pour agir rapidement.

Après huit ans d’existence, l’entreprise ne semble pas s’être fait dépasser par l’inventivité des criminels. Pour Jordan Aoulmi, « l’effet d’expérience sur le système n’a pas encore eu lieu ». Cette apparente absence de faille dans son dispositif pousse l’entreprise à rêver de développement. Des interventions sur des sites évènementiels sont à prévoir. Et pour les Jeux Olympiques à Paris en 2024, Jérôme Dumortier, responsable commercial dans le Nord, l’assure, ce n’est pas d’actualité pour Kooi, encore jeune ; et d’ajouter : « mais si l’opportunité se présente, on ira ! »