L’agent augmenté de demain pour une performance des prestations de sécurité privée

Recruter plusieurs milliers d’agents de sécurité et les former, de façon à ce qu’ils soient opérationnels à l’échéance 2022/2023 est un réel défi. « Le chantier est complexe et délicat, la sécurité privée étant un marché sous tension. La difficulté à recruter réside principalement dans le manque d’attractivité de cette activité. De nouvelles prestations doivent émerger dans les deux prochaines années », prévient Philip Alloncle, Préfet, Délégué aux coopérations de Sécurité, au sein du ministère de l’Intérieur.

Par Virginie Cadieu

Ainsi, la révolution numérique que nous vivons actuellement, touche également le secteur de la sécurité privée. « Cette révolution doit être prise en compte par les professionnels qui n’ont pas d’autre choix que de l’intégrer dans leurs activités de surveillance humaine » conseille Philip Alloncle et d’ajouter « Dès que la profession nous aura montré des prototypes, l’Etat pourra alors l’accompagner en définissant un cadre ». Le Préfet rappelant, par ailleurs, qu’« il est indispensable que le donneur d’ordre paie les prestations au juste prix ; comme cela fut le cas pour l’Euro 2016. »

Pour Claude Tarlet, Président de la Fédération Francaise de Sécurité privée (FFSP) « les technologies sont déjà prises en compte, notamment dans le cadre de grands événements. Les parkings lors de la dernière Ryder cup étaient notamment couverts par des drones ». Néanmoins, pour le Président de la FFSP, c’est « du côté logiciel, et notamment l’analyse vidéo intelligente en temps réel, que l’on trouvera les technologies les plus disruptives pour le secteur. »

La mutation du métier d’agent de sécurité

Les sociétés de sécurité privée doivent donc se préparer à proposer, pour ces grands événements sportifs, « des agents augmentés, via des outils dont certains ne sont probablement même pas encore sur le marché, aujourd’hui. Il est manifeste que des objets intelligents interconnectés seront leur accessoire, au quotidien, à commencer par la tablette ou le smartphone. L’objectif étant de favoriser l’échange d’informations et de consignes, en direct, d’anticiper, mais également d’adresser des images vidéo permettant notamment une rapide levée de doute et/ou une demande d’intervention » assure Baudouin Delescluse, Directeur général de Samsic Sécurité.

Chez Securitas, « nos agents de sécurité ‘augmentés’, plus performants, apportent un service différenciant à nos clients ; ils se sentent également davantage reconnus et valorisés, dans leur travail », explique Laurent Zaffran, Directeur commercial de Securitas Technologies.

Cette mutation du métier d’agent de sécurité a bien commencé selon Baudouin Delescluse. « Aujourd’hui, certains agents effectuent des rondes avec l’aide d’un smartphone, outil connecté grandement apprécié pour sa facilité d’utilisation et sa contribution à une meilleure efficacité. »

Concernant d’autres technologies à venir « l’utilisation de caméras piétons, par les agents de sécurité privée, devrait être acceptée, avant 2023, a minima dans les fans zones. » déclare Baudouin Delescluse.

Les caméras piétons

Le marché des caméras piétons, Franck Le Fur, dirigeant d’Allwan security, le connait bien, ayant remporté l’appel d’offre, voici un an, lancé par le SAELSI (1) ; soit plus de 10 000 caméras portatives fournies aux forces de l’ordre, en quelques mois. Selon ce dirigeant, être une PME « est un atout », de par « notre flexibilité et notre réactivité. Je pense que c’est une des raisons pour laquelle nous avons été retenus », avoue t-il et d’ajouter « nous avions décidé de proposer un produit que nous pouvions aisément personnaliser, de façon à respecter intégralement le cahier des charges et obtenir l’homologation ministérielle ».

Face aux perspectives d’accroissement des demandes pour ce type d’équipement, dans les prochaines mois, Franck Le Fur est optimiste et très serein. « Nous sommes prêts à répondre aux nombreuses demandes émanant des polices municipales, depuis la publication du décret (1). Nous sommes capables de livrer quelques dizaines de milliers de caméras, huit semaines après la réception de la commande. Nous commençons également à répondre à des demandes pour équiper des agents de sécurité sur des sites privés. »

Concernant l’utilisation inédite de ce nouvel outil, « force est de constater l’engouement des services de sécurité publique pour l’utilisation de cette technologie, celle-ci ayant pour effet de calmer les éventuels fauteurs de troubles, dès que l’enregistrement est déclenché », admet le Délégué aux coopérations de Sécurité. Quant aux agents de sécurité privée, « nous n’avons pas, aujourd’hui, de position définitive. Etant en pleine phase de déploiement de ce nouvel outil pour toutes les forces de sécurité publique, nous nous laissons le temps d’observer et analyser sa pertinence pour les agents de sécurité privée », précise t-il.

Autres technologies en appui de l’humain

Quant aux drones et robots, « je ne pense pas qu’ils prédomineront, demain, dans la sécurité privée mais ils seront des outils complémentaires aux agents » déclare Baudouin Delescluse. La tendance serait donc à un développement de drones « pour certains usages spécifiques ne pouvant être couverts par les caméras de videoprotection », selon Claude Tarlet, pour qui « cela reste un marché de niche car les contraintes sont lourdes par rapport à une installation fixe ». Ainsi, selon le Président de la FFSP, les drones terrestres ou volants « peuvent aider à combler les faiblesses de la vidéoprotection sur les grands sites industriels et entrepôts. Mais plus on explore ces sujets, plus on constate que la présence humaine reste essentielle et le demeurera longtemps. »

En outre, d’autres outils « fonctionnent déjà et pourront continuer à se développer sur le marché à l’image des gants améliorant l’efficacité de la palpation, en détectant les métaux ou les explosifs » souligne le dirigeant de Samsic Sécurité.

Les protections mécaniques, de plus en plus connectées, sont également en plein développement, comme en témoigne la société KOPP, créée en 1965 par la famille Bertozzi. « Nous allons sortir des prototypes dans les prochaines semaines », confie Philippe Grison, Directeur commercial de cette PME française, qui travaille depuis de nombreuses années auprès des collectivités et sites sensibles, « en leur proposant notamment des dispositifs temporaires, défensifs, assez discrets et comportant de l’intelligence, afin de limiter l’intervention humaine », comme la Plakosol Mobilis, dispositif d’obstacle véhicule mobile anti-terroriste ayant permis à KOPP d’être Lauréat des Trophées de la Sécurité, en 2017.

Vers une sécurité prédictive

La technologie et les besoins des clients évoluent. Aussi, « les futurs défis devront être relevés avec les outils de demain, à savoir une combinaison de capteurs, d’analyses, ainsi que les connaissances de personnes expérimentées sur site, » souligne Laurent Zaffran annoncant qu’une équipe de chercheurs, au sein de Securitas, travaille actuellement sur l’analyse de ces données. « Nous les recueillons et les utilisons pour mieux appréhender le passé, le présent et le futur, de façon à mieux guider nos actions, par l’anticipation. En réunissant tous ces éléments, nous sommes en mesure d’atténuer les risques avant même qu’ils ne deviennent des menaces, d’agir en temps réel en cas de besoin et d’échanger avec les clients sur ce qui se passe. C’est en quelque sorte le nouveau visage de la sécurité. »

Equipes cynotechniques : efficacité reconnue des techniques de détection par l’odeur

Une équipe cynotechnique, composée d’un chien détecteur d’explosifs et d’un agent de sûreté cynophile, semble un réel atout pour prévenir des risques d’attentats. La capacité olfactive des chiens, trente fois supérieure à celle de l’homme, leur attribue de larges capacités de détection d’explosifs, d’armes à feu, de stupéfiants et de fumigènes.

Et les besoins sont croissants, ces dernières années, « notamment liés aux risques attentats », déclare Bruno Babilas, Directeur du Développement des Activités Cynophiles chez SERIS. Il précise « nous avons réalisé des tests, lors d’un match très sensible, au stade Orange Vélodrome, à Marseille, en 2018, pour la détection de fumigènes, prohibés dans les enceintes sportives depuis 1993, sous peine de sanctions financières et/ou sportives. Sur un premier virage, des binômes cynotechniques avaient été déployés, avec détection sur personne. Des fumigènes ont alors été décelés et confisqués. Aucun n’a été utilisé durant la soirée. Durant la même période, des agents de sécurité ont pratiqué uniquement la palpation, sur les supporters présents sur le second virage. Pendant le match, de multiples fumigènes et bombes artisanales ont craqué au coup d’envoi du match. »

Des enjeux pour l’aéroportuaire

Pour exercer cette activité, ce binôme doit préalablement suivre une formation spécifique de 10 semaines, « de façon à obtenir une certification (1) délivrée par la DGAC (2) mais ne peut, à date, exercer règlementairement, en dehors du cadre aéroportuaire », précise Bruno Babilas. De ce fait, il est aujourd’hui « très difficile de mettre en place des dispositifs efficaces, en dehors de l’aéroportuaire et des zones de fret », déplore Bruno Babilas, qui espère que « les donneurs d’ordre trouveront rapidement des accords avec la DGAC, pour créer de nouveaux référentiels cynotechniques, par secteur d’activité et surtout border l’événement. Et ce, avant les Jeux Olympiques de 2024. »

Trois enjeux majeurs

« Trois enjeux majeurs freinent, en effet, le développement de cette activité, malgré l’efficacité prouvée », affirmeBaudouin Delescluse.

Le 1er enjeu est d’ordre législatif et réglementaire. « La DGAC est aujourd’hui la seule autorité, en France, à reconnaitre officiellement la qualité d’équipes cynotechniques privées et à les certifier. Or, il semble indispensable que le ministère de l’Intérieur s’empare du sujet. Il doit mettre en place un cadre législatif et réglementaire, de façon à éviter que l’activité ne se développe de manière arbitraire. En outre, il apparait nécessaire de mettre en place d’autres organismes de certification pour valider la compétence technique et le niveau de qualité de la prestation réalisée par ce binôme agent de sécurité/chien ; l’objectif étant de développer cette compétence dans d’autres secteurs d’activité que celui de l’aéroportuaire. » Le 2e enjeu concerne la responsabilité. « Si un chien ne détecte un explosif, quand bien même un entrainement régulier et des tests annuels sont effectués, et qu’un attentat est commis, qui va porter la responsabilité ? » interroge Baudouin Delescluse.

Le 3e enjeu est enfin lié à l’acceptation du public. « Nous devons véhiculer une image positive de l’équipe cynophile, en convainquant l’opinion publique qu’elle représente un vecteur de sécurité, et non de danger ; ce binôme ayant davantage joué, jusqu’à présent, un rôle dissuasif. »

(1) Article 12.9.1.7 de l’annexe au règlement de l’union européenne 185/2010.

(2) DGAC : la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) a pour mission de garantir la sécurité et la sûreté du transport aérien en plaçant la logique du développement durable au cœur de son action.

  1. Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure du ministère de l’intérieur
  2. Décret n° 2019-140 du 27 février 2019  portant application de l’article L. 241-2 du code de la sécurité intérieure et relatif à la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel provenant des caméras individuelles des agents de la police municipale.