Les Français méritent que l’on monte au front pour eux et pour leur sécurité

« J’ai consacré ma vie à la sécurité des Français. Pendant quarante ans, jai servi en tant que policier. Jai commandé des unités prestigieuses, composées dhommes et de femmes admirables, en sécurité publique, en police judiciaire, aux stups, à la police aux frontières, en coopération internationale, en unité d’intervention. Jai achevé mon parcours dans lhorreur des attentats de 2015 et 2016 à la tête du RAID, mais jai sauvé des vies et cest ma fierté. Au fil des ans, jai vu la situation des forces de sécurité se dégrader, leur efficacité baisser, leur présence sur la voie publique diminuer. Aujourdhui, beaucoup de Français ont peur. Il est temps de réagir. »

Rencontre avec Jean-Michel FAUVERGUE, député, auteur de son quatrième ouvrage « La sécurité des français » aux éditions Michel Lafon.

La sécurité des Français est un livre politique et pragmatique car nous manquons aujourd’hui de programme élaboré sur les politiques à mettre en place et sur la réorganisation des forces de sécurité au coeur du ministère de l’Intérieur.

Des campagnes, il y en a eu. Répressives ou de prévention, selon l’alternance politique au pouvoir. La société évolue, les menaces et les besoins aussi. La réponse doit être une vision et une stratégie globales qui peine à trouver leur place au coeur du ministère de l’urgence et de l’immédiateté.

Les forces en présence font front face aux évènements violents, et avec efficacité. Mais nous n’avons pas suffisamment travaillé sur l’évolution du trafic de stupéfiants, l’évolution de la criminalité et de la délinquance. Une vision prospective et une capacité d’anticipation doivent absolument émerger.

Nous devrions être en capacité de présenter une offre de services sécuritaires plus complètes que ce qu’elle est aujourd’hui.

Nous avons aujourd’hui une police d’intervention mais nous avons perdu le contact avec la population. Nous essayons de recréer cette proximité essentielle mais cela est évidemment compliqué dans un contexte de défiance et avec des moyens trop limités. Nous ne pouvons prétendre faire évoluer nos forces de l’ordre en nous appuyant sur les mêmes effectifs et les mêmes équipements !

Eradiquer le trafic de stupéfiants

C’est un véritable fléau qui gangrène les cités, prises en otage. Aujourd’hui entre 70 et 75 % de la criminalité viennent du trafic de stupéfiants en modèle direct ou indirect. Les trafiquants jouent sur la déstabilisation, la déscolarisation, et la discrimination des jeunes filles. Il faut que d’ici à la fin du quinquennat les 60 quartiers de reconquête républicaine touchés par ce fléau soient ciblés et qu’un travail répressif fort soit réalisé sur les dealers. Il faut faire preuve d’une grande fermeté, nous assurer de la continuité police-justice avec des sanctions fortes, et expulser de ces quartiers les familles concernées par ces trafics ! Un travail de coopération doit s’opérer entre les forces de police, les éducateurs et les travailleurs sociaux, et associer les polices municipales et les agents de sécurité privée à cette démarche globale. Il faut ensuite garder cette cité tenue et saine. C’est ça, une politique de sécurité suivie, avec des résultats. Au-delà de l’actualité des quartiers de reconquête républicaine, le ministère de l’Intérieur a lancé un plan de lutte contre le trafic de drogue, élevé au rang de priorité par le Premier ministre le 12 juin dernier.

La police de sécurité du quotidien doit être au coeur de cette démarche

C’est une idée forte qui doit replacer le policier et le gendarme au plus près des citoyens et du terrain. Revenir au contact de la population est essentiel pour créer du lien et travailler efficacement sur le sentiment d’insécurité. C’est aussi important pour l’image de la police et la gendarmerie. Cela permet également d’obtenir du renseignement opérationnel, souvent précieux. Cette force de sécurité du quotidien doit à terme couvrir l’ensemble du territoire. Mais pour que les promesses soient tenues et que les résultats soient à la hauteur des enjeux, il faut se donner les moyens de ses ambitions !

Partisan de la légalisation

Ce n’est pas contradictoire. Nous sommes le pays le plus répressif d’Europe et malgré cela nous sommes aussi le pays d’Europe avec la plus forte consommation de Cannabis. Je pense donc qu’il nous faut réfléchir et regarder les expériences conduites par d’autres pays avec des résultats à l’appui. En 2000, le Portugal a dépénalisé toutes les drogues et après dix-neuf ans, les overdoses et le nombre de toxicomanes sont en baisse, le trafic est mieux combattu. Les résultats sont probants et les mentalités ont profondément changées.

La légalisation conduite au Canada il y a quelques mois semble également faire ses preuves même s’il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions. Mais il ne faut pas être angélique sur le sujet. Il ne faut pas, par exemple, légaliser aux mineurs. Au Canada, dealer avec un mineur entraine 2 ans de prison ferme et 5 millions de dollars d’amende. Je parlais de sanctions fortes et exemplaires. C’en est une !

Je suis donc convaincu qu’il faut frapper fort sur le répressif et ouvrir le débat sur ces sujets.

Réformer l’organisation des forces de sécurité en France

On ne voit pas assez de policiers et de gendarmes sur la voie publique.

Il faut donc réformer la Préfecture de Police, tirer les enseignements de la gendarmerie au sein du ministère de l’Intérieur depuis son rattachement il y a 10 ans, revoir les unités qui font des doublons (voire que l’on retrouve en triple ou en quadruple) pour récupérer des effectifs qui pourraient être affectés à d’autres missions dont celle de police de proximité.

Au coeur des départements, une salle de commandement unique permettrait une gestion opérationnelle plus fluide entre police et gendarmerie.

Je pense enfin que la nomination d’un chef d’Etat-major opérationnel et un adjoint, placés auprès du ministre de l’Intérieur avec un commandement mixte alterné tous les 2 ans, répondrait aux vrais enjeux auxquels nous devons faire face.

Ce chef d’Etat-major aurait sous son commandement les forces de police et de gendarmerie divisées en directions métiers. Cette structure donnerait lieu à plus de cohérence en termes de ressources humaines, d’équipements et de principe d’actions, et permettrait une meilleure coordination et cohésion.

Quand au parquet, Jean-Michel Fauvergue le verrait bien rattaché au ministère de l’Intérieur…

Alors qu’une partie de ce qui est écrit dans ce livre a été présenté au candidat Macron lors de la présidentielle, Jean-Michel Fauvergue, le redit : il faut restructurer nos forces de police et gendarmerie, redéfinir nos politiques de sécurité et renforcer l’implantation de la police de sécurité du quotidien, le grand défi de la prochaine décennie.

Ces idées sont le fruit de nombreuses discussions et de nombreux échanges avec des gendarmes, des policiers, des magistrats… Je suis conscient qu’elles puissent déranger. Mais je souhaite que le débat s’engage avec tous et bien entendu avec le ministre de l’Intérieur.

Les Français méritent que l’on monte au front pour eux et pour leur sécurité.