Tracfin renforce la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

Par Lola BRETON

« En 2018, Tracfin a pleinement démontré la valeur ajoutée du renseignement financier au service de lutte contre la fraude, en répondant aux besoins et aux sollicitations de l’ensemble de ses partenaires au sein de l’Etat comme des professionnels assujettis. Le renseignement est devenu une « arme de détection massive » des activités terroristes et Tracfin a montré sa capacité de coopération au plan international comme national. » a déclaré Gérald Darmanin, Ministre de l’Action et des Comptes publics. L’activité de l’organisme du ministère en charge de la lutte contre la fraude, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a encore considérablement augmenté l’année dernière. Avec une évolution de +12% d’analyse d’informations en un an (+75% en trois ans), Tracfin s’impose comme une pierre angulaire du renseignement financier national.

Une augmentation générale des déclarations de soupçon de fraude

Assujettis au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB/FT) – issu d’une directive européenne et transposé en droit interne en juin 2017 – les professionnels des secteurs bancaire et assuranciels notamment se doivent aujourd’hui de déclarer tout soupçon qui pointerait quant aux activités financières de l’un de leurs clients. Ceci participe à multiplier considérablement la masse d’informations reçue par Tracfin, et donc son activité. En 2018, 96% des informations reçues par l’organisme émanait ainsi de déclarations de soupçons faites par les professionnels.

Parmi les professionnels déclarant, le ministère de l’Action et des Comptes Publics se réjouit de la hausse de 40% des déclarations au sein des établissements de paiement. Conséquence des nouveaux usages en vigueur dans le secteur, les déclarations provenant des intermédiaires en financement participatif et en monnaie virtuelle ont également fortement augmenté (+213% et +54%). En revanche, il reste encore du travail pour amener les experts-comptables et commissaires aux comptes – dont le nombre de déclarations a baissé l’année dernière (-9% et -18%) – et les secteurs de l’art et du sport à contribuer davantage au dispositif LCB/FT.

En 2018, Tracfin a ainsi pu réaliser plus de 14 500 enquêtes, transmises pour certaines à l’autorité judiciaire, à l’administration fiscale, aux organismes de protection sociale et aux services de renseignement.

L’indispensable lutte contre le financement du terrorisme

Tracfin travaille également à lutter contre le financement du terrorisme, enjeu central ces dernières années. En 2018, le service a ainsi adressé plus de 1000 notes à l’autorité judiciaire et aux services partenaires sur le sujet. Cela constituait une augmentation de 51% par rapport à 2017.

Cette augmentation des actions correspond à la ligne de conduite qui avait été prise en avril 2018 lors de la conférence internationale « No money for terror ». Celle-ci engageait notamment les Etats et organisations ayant répondu à l’appel à :

  • Poursuivre le renforcement de leurs cadres juridiques et opérationnels internes pour la collecte, l’analyse et le partage des informations par les autorités nationales
  • Lutter contre les transactions financières anonymes
  • Accroître la traçabilité et la transparence des fonds destinés aux organisations à but non lucratif et aux œuvres caritatives
  • Anticiper et prévenir le risque de détournement des nouveaux instruments financiers
  • Travailler en collaboration avec le secteur privé, en particulier l’industrie du numérique, pour lutter contre le financement du terrorisme
  • Réaffirmer l’utilité des mécanismes nationaux et internationaux de gel et de saisie des avoirs

Lire notre article sur la lutte contre le financement de Daesh et d’Al-Qaida

Les effets de ces principes réaffirmés ont été rendu visibles par la sanction de grandes banques françaises l’année dernière, pour défaut de déclarations de soupçons auprès de Tracfin. Ce fut par exemple le cas de La Banque Postale, qui a écopé en décembre d’un blâme et d’une sanction de 50 millions d’euros pour manquements dans son dispositif de LCB/FT. La banque avait décidé d’engager un recours devant le Conseil d’Etat contre la décision de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), le superviseur bancaire.

Un dispositif de lutte plus large pour plus d’efficacité

Dans sa lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, Tracfin n’est pas seul. Le service français bénéficie d’une forte coopération internationale avec les services étrangers, d’abord. Ainsi, en 2018, les demandes d’informations en provenance des cellules de renseignement financier étrangères ont augmenté de 38% quand Tracfin a également davantage fait appel à ses homologues étrangers (+28%).

La France peut également compter sur les actions du Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL), organe de suivi permanent du Conseil de l’Europe chargé d’apprécier la conformité aux normes européennes.

Enfin, les acteurs privés sont également en mesure d’assister les organismes dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. C’est le cas de la société Resocom, spécialiste de la sécurité et de la conformité documentaire. En contrôlant l’intégrité de documents administratifs pour ses clients, qui peuvent être des banques, notamment, Resocom assure un premier niveau de contrôle. Ces procédures de KYC (Know Your Customer), peuvent être lourdes à mettre en place, tant au niveau du nombre d’interlocuteurs que du coût que cela représente. Afin de mutualiser ces procédures de KYC, plusieurs établissements financiers européens travaillent actuellement au projet Clipeum, qui devrait voir le jour sur le marché d’ici la fin de l’année 2019.

La sortie de ce nouvel outil coïncidera avec le début de l’évaluation de la France par le Groupe d’Action Financière (GAFI). Cela devrait améliorer encore davantage l’activité de Tracfin, notamment autour des déclarations de soupçons faites par les professionnels.