La Chine est à nos portes

Malgré les turbulences économiques que connaît actuellement la Chine, les opportunités que présente la 2e puissance économique du monde restent entières.

En matière de sécurité, le budget pourrait atteindre près de 156 Mds EUR d’ici à 2022. Le plus élevé au monde.

En effet, au coeur de la Chine, la sécurité est un sujet pris en compte avec beaucoup de sérieux. Le 13e plan quinquennal qui portera jusqu’en 2020, met notamment l’accent sur l’automatisation et la « smartification » de la sécurité, le développement des marchés de la sécurité civile et des smart cities s’appuyant sur les avancées majeures réalisées en matière de big data, de cloud computing, d’internet des objets, d’intelligence artificielle et de reconnaissance faciale.

Par Mélanie Bénard-crozat

Les secteurs d’avenir

L’engouement pour les smart cities se matérialise au coeur du programme de développement du même nom lancé par le gouvernement dès 2012 et encourage l’utilisation de technologies telles que l’internet des objets, l’intelligence artificielle, afin d’améliorer la circulation, l’efficience énergétique et la sécurité des personnes et des biens. « Aujourd’hui, le pays compte environ 500 projets de smart cities, soit autant que le reste du monde, dont une centaine en phase de réalisation. »explique Frank Sizun, Chef de Pôle Export Industries & Cleantech Business France Chine.

Ce programme qui a permis au marché des caméras connectées de quadrupler en 4 ans, laisse aujourd’hui entrevoir de nouvelles opportunités dans les villes de second et troisième rang. « Le secteur de la surveillance est en effet très dynamique en Chine. Les deux acteurs locaux majeurs : HIKVISION et Dahua Technology, affichent un taux de croissance respectif ayant dépassé les 30 % par an sur les trois dernières années. »

Le marché des drones est aussi en fort développement tout comme celui de la robotisation. « La Chine doit désormais lutter contre la concurrence des pays émergents et notamment de lASEAN (Vietnam, Laos, Philippines, etc.). En robotique, la France et lEurope en général sont en avance. Les Chinois sont donc à la recherche de nouvelles compétences quils ne possèdent pas encore. » soulignent les experts Business France.

L’intérêt se porte également sur des équipements innovants répondant aux problématiques de maintien de l’ordre et de lutte anti-terrorisme.

Des équipements et des technologies de haute qualité, à valeur ajoutée, voilà donc ce qui intéresse l’Empire Céleste. Un domaine où la France excelle. Pour autant, malgré les nombreux atouts que les entreprises tricolores possèdent pour adresser les opportunités du marché chinois, elles restent, pour le moment, peu nombreuses.

Enfin, bien que ne représentant actuellement qu’environ 10 % du marché des équipements de sécurité en Chine, la sécurité civile est en forte hausse et pourrait driver un tout nouveau marché très porteur.

Le marché de la confiance numérique et de la cybersécurité

77 % des cartes d’identité de deuxième génération seront à renouveler d’ici à 2022. Par ailleurs, d’ici à 2025, le marché de la RFID devrait doublé avec une demande croissante dans les secteurs des transports en commun, de la logistique, des paiements électroniques, de la traçabilité du matériel médical et des systèmes de sécurité alimentaire et de l’industrie manufacturière. On estime ainsi le marché des dispositifs RFID en Chine à 16,9 Mds USD en 2021.

Le marché des paiements mobiles représentait en valeur 8 456 Mds USD en 2016, avec une augmentation de 381,9 % par rapport à 2015 selon l’analyse iResearch. En 2017, elles ont atteint 14 955 Mds USD en Chine.

Les principaux décideurs

La Chine est aujourd’hui portée par plusieurs décideurs parmi lesquels figurent sans surprise, China Union Pay qui dispose d’un monopole de fait ; Mastercard et Visa n’ayant pas l’opportunité d’émettre des cartes en Chine : une contrainte imposée par les autorités locales.

Pour la reconnaissance faciale et biométrique, Hanwang a déposé un brevet pour la capture d’images. Le marché compte quelques start up dont Face++, Sensetime ou encore Iflytek.

Dans l’univers du e-paiement, Alipay reste la plateforme leader qui domine le marché chinois des paiements en ligne tierces en valeur, suivi de Tenpay (Wechat Payment) et UnionPay Merchant Services.

L’écosystème français peu représenté en effet, présente tout de même de belles références à l’image d’Idemia qui fournit des systèmes de détection d’explosifs à plus de 80 aéroports, des systèmes de reconnaissance faciale aux agences de police (de Shanghai, Tianjin, Heilongjiang, Jilin, Jiangxi, Guangzhou et Wenzhou), et des systèmes d’identification biométrique au gouvernement, aux agences d’immigration et aux forces de police. Gemalto-Thales est également présent avec la première voiture « Internet » connectée en Chine lancée par Banma en 2017, ou encore Atos qui occupe une place importante sur le marché des cartes avec 40 à 50 % de parts et d’importantes références.

Aborder le marché chinois

L’accès au marché de la sécurité chinois reste complexe pour les entreprises étrangères.

Aborder le marché chinois nécessite donc une préparation minutieuse, une stratégie bien définie, où il vous faudra aussi bien anticiper votre entrée comme penser votre sortie du pays…

Il est par ailleurs nécessaire de bien appréhender l’écosystème et le rôle des différents acteurs avec notamment le ministère de la sécurité publique chinois qui encadre les échanges en matière de produits de sécurité, ainsi que les équipements pour la police.

« L’an dernier, la Chine a également créé un nouveau ministère dédié à la gestion des risques et des secours. Une réforme majeure qui va donner lieu à une normalisation et à l’expression de nouveaux besoins. Il s’agit là du reflet de l’importance que prend la gestion des catastrophes et des secours, avec notamment les risques industriels qui sont prépondérants en Chine » souligne Frédéric Lhomme, coopérant Sécurité Civile en Chine. Une bonne compréhension du marché et de son environnement réglementaire, en perpétuelle évolution, qui permettra d’obtenir les certifications nécessaires, vérifier la comptabilité de sa technologie ou encore saisir de nouvelles opportunités. « Le marché chinois est un marché à signaux faibles. Il faut veiller en permanence, arriver à les percevoir, les comprendre et les interpréter.» soulignait Frédéric Recordon, spécialiste de la Chine, dans une interview précédemment accordée à S&D Magazine. Des évolutions qui peuvent faire naître de nouvelles opportunités – en termes de projets gouvernementaux par exemple – comme ce fut le cas lors de la « Regulation for the Implementation of the Government Procurement Law », publiée début 2015, dont la vocation est de mettre en place des processus d’achats « ouverts et transparents ».

Une relation intuitu personae essentielle

Il est donc vital de trouver un partenaire chinois qualifié disposant de bonnes relations, notamment dans le secteur public.

Se développer sur le marché chinois impliquera une présence régulière, de la patience et le développement d’une relation de confiance avec ses interlocuteurs chinois. « La relation intuitu personae est une base fondamentale en Chine. Décisive dans le développement des affaires, elle se développe au sein dun réseau quil faut entretenir, nourrir, et où il faut être présent avec des interlocuteurs de très bon niveau. Les relations sont fragiles en Chine. Un passage à Pékin, une semaine dans l’année, conduira à l’échec. »soulignent nos experts à l’unisson.

Une protection juridique essentielle

Au-delà du réseau, il sera nécessaire de s’appuyer sur un contrat rédigé avec l’appui « d’avocats biculturels qui vont également participer aux négociations. Un accompagnement dans ce domaine est primordial pour se protéger efficacement. »

En effet, au paradis de la contrefaçon, il est vital de protéger sa marque et sa propriété intellectuelle et pour cela un arsenal juridique existe, conforme aux règles fixées par l’OMC.

Cela commence par vérifier que les dépôts de brevets, marques et modèles sont effectués auprès de l’Inpi avec une demande d’extension en Chine. Il faut également protéger ses brevets, marques et modèles auprès de l’Office des Marques, équivalent chinois de l’Inpi, car les démarches auprès de l’Inpi avec une demande d’extension en Chine ne suffiront pas à vous protéger ! Malgré toutes les précautions, il est vivement conseillé de vérifier que les extensions de propriété intellectuelle déposées auprès de l’organisme étranger soient bien reconnues par les autorités chinoises… Ce qui n’est pas toujours le cas. Lors d’un contentieux en Chine, la propriété intellectuelle pourrait donc être contestée…

Quelle puissance sera la Chine de demain ?

François Godement, sinologue et historien, conseiller pour l’Asie de l’Institut Montaigne soulignait précédemment dans les colonnes de S&D « On nest jamais sûr avec la Chine de quoi demain sera fait ; quelle que soit la situation présente, on est peut-être dans un cycle ou, à l’inverse, peut-être dans un tournant. Ce qui est certain malgré tout, cest que la Chine avance. »

Elle avance, en effet, à tel point qu’elle est à nos portes : titre du nouvel ouvrage de François Godement, co-signé avec Abigaël Vasselier (Editions Odile Jacob).

Un ouvrage né des défis que pose la Chine de Xi Jinping aux Européens. La Chine est omniprésente et nos technologies de pointe sont déjà la cible de ses investissements.

Et nos deux auteurs de rappeler : « Si l’Union européenne est désormais plus réaliste, elle doit passer à la vitesse supérieure. Un impératif qui suppose quelle sache identifier ses intérêts fondamentaux et fasse les bons choix dalliance. » face à un eldorado chinois qui séduit toute l’Europe et ses décideurs – politiques, hauts fonctionnaires, intermédiaires d’affaires comme universitaires…

1. La Chine est à nos portes – ouvrage co-écrit par François Godement et Abigaël Vasselier aux Editions Odile Jacob. Publié en octobre 2018.