Technologies et innovation pour assurer la sécurité nationale

En février dernier la ville de Nice a testé pendant 3 jours lors de son carnaval un dispositif de reconnaissance faciale. Si la municipalité s’est dit très « satisfaite » de cette expérimentation, la CNIL1, l’autorité de protection de la vie privée s’est montrée beaucoup plus réservée suite au rapport qui lui a été transmis, pointant notamment un manque de transparence quant à l’algorithme utilisé et des risques de discrimination des participants.

La reconnaissance faciale figure parmi les technologies ou les domaines d’avenir identifiés par les industries de la sécurité.
Outre le quantique qui va considérablement bouleverser notre futur, d’autres domaines ouvrent de larges opportunités autour de l’internet des objets, du big data, de la conjugaison des mondes réels et virtuels, des drones et de la robotique, de l’homme augmenté, ou encore des plates formes ouvertes pour la sécurité… au service de l’amélioration de la gestion de crise, du développement responsable des Smart & Safe cities, ou encore du renforcement de la cybersécurité.

Par Eloise Tremblin

Une filière d’excellence, soutenue par une coopération publique privée

La filière industrielle de sécurité pèse 28 milliards d’euros au plan national dont 50 % sont réalisés à l’export. Plus de 4000 entreprises de tailles très diverses travaillent dans la sécurité physique et numérique et génèrent 150 000 emplois marchands – dont 100 000 emplois de haute technologie. La croissance du secteur est florissante, de l’ordre de 5 à 6% par an.

Ces technologies, du fait de la masse des investissements nécessaires d’une part et d’un cadre juridique parfois inadapté d’autre part suscitent parfois quelques réserves. Pourtant elles sont essentielles. D’un point de vue conjoncturel d’abord : elles permettent de répondre plus efficacement aux problématiques de sécurité qui, elles, se complexifient sans cesse. D’un point de vue structurel ensuite : les grandes puissances actuelles font de lourds investissements dans ces technologies, agir de même s’avère donc vital pour assurer une souveraineté technologique dans ces domaines sensibles. Raisons pour lesquelles elles bénéficient d’un soutien de la puissance publique. En effet, en novembre 2018 la filière a été labellisée dans le cadre du Conseil national de l’industrie pour donner naissance au Comité Stratégique de Filière « Industrie de sécurité ».

L’IA au service des industriels

Jalgos a développé Ukpik, une intelligence artificielle dédiée à l’analyse d’images et de vidéos pour identifier et caractériser des situations qui surviennent à l’image. Aujourd’hui, la solution est utilisée pour de la levée de doute dans le cadre de la sécurisation de sites sensibles. Elle permet de sélectionner automatiquement les situations d’intérêt pour les opérateurs en charge de la sécurité de nombreux lieux, biens et personnes. Par rapport à des solutions classique d’analyse vidéo, ses performances sont extrêmement élevées, tout en consommant moins de données et moins de puissance de calcul. Évolutive, rapide et peu énergivore elle est donc facilement embarquable (drone, IoT). Pour G. Lefebvre-Houssin, Chief Operating Officer « Cette solution permet de maximiser le traitement des alertes et donc d’assurer la sécurité de manière optimale. Demain, dans la sphère publique par exemple, elle réduira le temps d’intervention pour les situations critiques, voire une anticipation dans certains cas, et permettra une meilleure prise en charge des victimes ». Quant aux défis à relever, ils sont pour lui davantage techniques « nous devons optimiser la précision de notre solution sur les situations rares ou complexes » que réglementaires « La législation en vigueur n’est pas un frein à nos technologies, c’est un cadre ».

Faciliter la gestion de crise

Faire face à la crise nécessite des processus et outils qui permettent d’anticiper pour mieux surmonter les obstacles le moment venu. L’enjeu est souvent d’alerter les populations dans un délai réduit, de commander les secours ou de mobiliser les ressources dans un esprit de résilience. Toutes ces contraintes ont été prises en compte par des entreprises comme Block Engineering, Nuvia ou Ouvry SAS afin de proposer des innovations qui répondent aux contraintes de la gestion de crise. C’est ainsi que la technologie LaserWarn PLUS développée par Block Engineering permet par le biais d’un boîtier-laser de détecter et d’identifier de multiples menaces chimiques, y compris les produits explosifs et les substances toxiques industriels à plus de 300 mètres et en temps réel. Nuvia propose de son côté une caméra qui permet d’identifier les risques radiologiques à distance mais également les substances radioactives illicites tout en tenant compte des mouvements de foule. Un appareil portatif qui pourrait équiper facilement les aéroports par exemple. Et lorsque la contamination biologique est déjà effective, il est important de réagir rapidement. C’est ce que propose Ouvry SAS avec la « bulle de transport de patient contaminé » qui permet d’isoler la victime et donc de confiner la contamination chimique de la victime, tout en laissant la possibilité de lui prodiguer les soins pré-hospitaliers nécessaires au maintien des fonctions vitales, d’éviter les contaminations secondaires, et donc de protéger les secouristes des contaminations. Le sac d’extraction de victime contaminée, en matière étanche NRBC contient de la matière DECPOL absorbante contre le risque liquide tout en assurant une autodécontamination. « Le patient subit une décontamination durgence avant d’être pris en charge par les soignants qui stabilisent ses fonctions vitales. Les tuyaux de perfusion peuvent être maintenus pendant le transport grâce à des passe-câbles. » explique Carole Dougnac, chef de produits chez Ouvry a bien étudié et présenté ses travaux dans le cadre de son Mémoire universitaire.1 Une innovation que l’on pourra retrouver dans le contexte militaire en OPEX ou dans le contexte d’un attentat NRBC où il pourra être utilisé par les sapeur-pompiers pour transporter la victime en urgence absolue jusqu’à l’hôpital disposant d’un service d’urgence équipé d’une chaine de décontamination à l’entrée. « Il pourra aussi être utile dans les centrales nucléaires et les usines manipulant des produits chimiques pour transporter les victimes d’un bâtiment accidenté contaminé à l’infirmerie non contaminée, avant d’être pris en charge par les sapeurs-pompiers. » Ouvry est cette année le lauréat du Prix de l’Innovation dans la catégorie «  protection des primo-intervenants » de MILIPOL PARIS.

Cybermenace et cybersécurité : quelles solutions ?

Répondant à trois enjeux clés, les dernières innovations en matière de cybersécurité propose une approche basée sur la prévention et l’anticipation, la formation de l’humain, souvent considéré comme le main faible de la chaîne, ou encore le security by design adapté à des micropuces ou aux applications mobiles. Be-Strategic Solutions propose une suite logicielle qui confronte les équipes aux enjeux, aux risques et aux menaces par le biais d’une simulation, testant ainsi les réflexes et habitudes des collaborateurs. FortifyIQ propose elle, une suite logicielle de protection contre les attaques directes des micropuces. Celles-ci sont utilisées dans de nombreux domaines et une atteinte à leur intégrité peut avoir de lourdes conséquences comme la prise en main à distance de systèmes de transports ou d’éclairage. Cette protection s’applique au moment de la conception de la puce pour une sécurité renforcée et un coût moindre. Quant à la technologie Epona développée par Quarkslab, elle permet une plus grande sécurité des applications sur mobile, bureautique ou embarquées garantissant la propriété intellectuelle, la sécurisation des utilisateurs avec une protection cryptographique et protégeant les données contre la rétro-ingénierie.

Radar de détection et neutralisation laser : drone contre anti-drone

La société israélienne Copterpix propose un drone patrouilleur de surveillance compact, multirotors avec un poids inférieur à 250 grammes. Flir Systems lance un radar qui permet de détecter plus de 500 drones simultanément dans les airs et sur terre. Il peut fonctionner par tous types de climat, de jour comme de nuit. Léger et compact, ce radar est facilement transportable et permet d’informer l’opérateur de la nature de la cible : humain, drone, véhicule ou oiseau. Autre solution, anti-drone cette fois, elle est développée par la société Tar Idéal Concepts. Le Skylock Systems permet d’identifier et de repérer la cible à partir de 2,5 kilomètres. Doté d’un système capable de neutraliser les ondes radio-fréquence, il dispose également d’un laser pour détruire le drone malveillant.

1. Les travaux de Carole Dougnac ont été réalisé dans le cadre de son mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire « Sciences et Technologies Santé Publique et Sciences sociales, Risques sanitaires Radionucléaires, Biologiques, Chimiques et Explosifs » Option « Développement et évaluation d’un sac d‘extraction de victimes chimique contaminée. »

1 La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés créée en 1978 est entre autres garante de la protection des données personnelles.