Formation et compétences : enjeux et défis au coeur de la cyber

Par son dynamisme dans les télécommunications, la région rennaise a pris le pas du développement numérique et de la cybersécurité. Les entités étatiques telles que la DGA, ou l’école des transmissions de Cesson-Sévigné sont déjà présentes depuis plusieurs années. Les entreprises du secteur poursuivent leur implantation, accompagnant l’accroissement de l’offre de formation. Cet atout breton a été mis en valeur par Destination Rennes à l’occasion de l’European Cyber Week, où se sont rencontrés acteurs de l’Etat, de l’entreprise et de l’université.

Par Simon DOUAGLIN


« Décloisonner, fédérer, animer » : le pôle d’excellence cyber comme outil mobilisateur du potentiel rennais

« Une Structure d’influence » : c’est ainsi que M. Philippe Verdier définit le pôle d’excellence cyber dont il est le président. Le projet est de rassembler les différents acteurs du domaine cyber afin de mettre en commun les forces de chacun. Cela implique le rapprochement des entreprises, des structures universitaires et des moyens publics dans un objectif d’efficacité. Il est important que ces acteurs soient capables de travailler ensemble et d’échanger de l’information. A titre d’exemple, un acteur victime d’une attaque doit pouvoir témoigner, sensibiliser, alerter rapidement afin que cela serve aux autres acteurs. Et le Président Verdier d’ajouter : « Le pôle d’excellence cyber se voit donc comme un outil pour décloisonner les univers constitués ». Il est important de rappeler que la coopération nationale implique une diversité d’acteurs à la fois issus du public et du privé. Ils sont complémentaires et, bien que l’offensive cyber est réservée à l’Etat, entreprises privées et services étatiques se retrouvent dans la coopération défensive. Il s’agit là de l’une des réussites de l’ANSSI qui dispose cette capacité à mobiliser les ressources de manière transversale. Il est aujourd’hui crucial de parler le même langage, facteur d’efficacité et de réussite. « C’est ce que propose le pôle d’excellence cyber avec le référentiel Cyber V5.0, référentiel commun à tous les acteurs nationaux. Ainsi, étudiants, services des ressources humaines ou acteurs académiques pourraient l’utiliser pour renforcer leurs coopérations » explique Pierre-Arnaud Borrelly délégué-général du pôle d’excellence cyber.

La formation cyber : un enjeu majeur pour l’avenir

Il y a un manque criant de candidats comparé à une grande offre de postes. La France se retrouve donc, comme les autres pays du monde, à devoir anticiper la formation de ses futurs ingénieurs et techniciens. Si le pays a pris la mesure de l’enjeu, il lui faut encore mobiliser ses ressources humaines et matérielles pour former ses futurs cadres et les garder. En effet, les besoins sont mondiaux et des pays comme les Etats-Unis offrent de grandes opportunités de carrière.

Les besoins du marché reflètent un manque de techniciens de niveau bac +2 ou bac +3. Pour l’avenir de la filière, l’enjeu commence donc dès le lycée, voire dès le collège.

Alors, comment parvenir à intéresser les candidats ?

D’abord, par la sensibilisation aux risques et par la formation aux règles de sécurité de base. Ensuite, en développant des jeux, des approches ludiques afin de les impliquer et les intéresser à ces problématiques. Les femmes représentent également une cible de recrutement particulièrement recherchée. « Elles représentent seulement 10% des candidats qui s’inscrivent dans les filières numériques sur Parcours Sup’ » explique Gilles Desventes, directeur de l’unité de formation et de recherche en informatique et électronique de l’université de Rennes 1.

Entre formation universitaire et partenariat public : le rôle pivot de l’entreprise

Si le bassin rennais est l’un des pôles cyber les plus dynamiques de France, c’est grâce à un subtile équilibre entre dynamisme des entreprises et soutien public. Thales, le groupe phare dans le domaine des cyber technologies, vient d’inaugurer son nouveau site dédié à la cyberdéfense : « La Ruche ». Situé à la Courrouze à Rennes, le site rassemble une soixantaine de collaborateurs et devrait en accueillir plusieurs dizaines de plus d’ici 2020. Les équipes de Thales travaillent sur deux projets de cyberdéfense : CybAIR qui vise à sécuriser les opérations militaires aériennes en approfondissant l’analyse du flux de données grâce à des technologies d’intelligence artificielle. Le second projet, au profit du COMCYBER, permettra d’analyser les vulnérabilités des systèmes existants et de procéder à l’investigation numérique dans le cadre de la lutte contre les attaques cyber. Le développement d’outils numériques souverains permet également de renforcer l’indépendance et la résilience du ministère des Armées dans la lutte contre les menaces cyber. « La Ruche fonctionne selon des méthodes et des approches « agiles ». Elle vise à l’intégration rapide des solutions, élaborées en co-innovation dans les équipements des forces armées. » explique la société Thales.La localisation de ce site, dans le même bâtiment que des équipes de la CyberDéfense Factory, permettra de renforcer cette coopération.

La Cyber School, une nouvelle école cyber en septembre 2020

Par ailleurs, l’évènement rennais a été l’occasion de l’annonce de la création de la Cyber School. Sur le modèle des graduate school anglo-saxonnes, cette nouvelle école va proposer des formations dans le domaine de la cybersécurité en mettant l’accent sur la recherche. Les étudiants des deux années de master et les doctorants seront encadrés à la fois par des enseignants-chercheurs et des professionnels. L’objectif sera pour les étudiants d’acquérir un haut niveau de connaissances tout en se confrontant aux exigences du secteur économique. L’offre de formation couvrira de nombreux domaines : de la cryptographie au droit ainsi que les méthodes formelles de sécurité, l’intelligence artificielle et la sécurité des logiciels et systèmes. 580 étudiants sont attendus pour une première rentrée en septembre 2020. Porté par l’université de Rennes 1, le projet de CyberSchool est soutenu par le CNRS, l’INRIA, Sciences Po Rennes ou encore l’INSA Rennes.

Intéresser les jeunes talents par le challenge

2 millions. C’est le nombre d’ingénieurs qu’il va manquer à l’horizon 2022. Face ce constat, Frédéric Julhes, directeur Airbus Cybersecurity France répond « deux options s’offrent à nous : les former ou bien ralentir le développement du numérique. »

La stratégie pour ces entreprises est donc d’accompagner ces jeunes avec des outils parlant à la génération Y et Z : du concret, du dynamique, du collaboratif et du ludique D’abord en les sensibilisant puis en les impliquant par le challenge. C’est tout l’enjeu de la « Cyber Range », développée par Airbus Cybersecurity, qui va équiper le Pôle Sup de la Salle de Rennes. Déjà utilisée par une dizaine d’universités en France, cette plateforme d’entrainement va permettre aux étudiants de se tester sur des simulations réalistes avec un objectif : se former par la pratique. Elle a d’ailleurs servi de support lors du « Challenge européen : capture the flag » qui s’est tenu lors de la European Cyber Week. « Les scenarios peuvent être offensifs ou défensifs et sont très régulièrement mis à jour afin d’être toujours au plus près des exigences du domaine cyber. » souligne Bruno Daffix responsable de la communication pour le groupe Airbus. Dans le cadre de sa mission de formation, la région Bretagne participe au financement de cet atout à hauteur de 50%.

Le Bug Bounty fait également partie de cette culture du challenge qui anime les jeunes talents. Un atout majeur développé par la start-up française YesWeHack qui vient de lancer YesWeHack EDU, une plateforme éducative dédiée à la formation à la cybersécurité. Ainsi, l’utilisateur peut s’entrainer à la recherche de failles de sécurité, s’appuyant sur des scénarios réalistes. « La cybersécurité est un enjeu à la fois économique et sociétal, et ce secteur souffre dun déséquilibre entre l’état de la menace et les capacités de défense du marché » commente Guillaume Vassault-Houlière, CEO et co-fondateur de YesWeHack. Il ajoute : « Pour remédier à cette situation, il faut renforcer rapidement la capacité des acteurs publics et privés à détecter et corriger les failles de façon professionnelle et éthique ; ceci passe par la formation de profils spécialisés et un meilleur partage de l’information. » Chaque étudiant va ainsi pouvoir se confronter aux enjeux du secteur, favorisant de la même manière la formation de futurs talents pour les entreprises du secteur.

Cette nouvelle plateforme s’inscrit donc dans le mouvement porté par le domaine numérique, associant entreprises, écoles, académiques et organismes publics en faveur d’une cyberdéfense et d’une cybersécurité collectives où l’humain fera la différence.

copyright photo : Denis Abbonato Photography.