Enjeux et opportunités des JOP 2024 : une mobilisation d’acteurs pour répondre à l’ampleur de l’événement

Le quatrième et dernier séminaire du cycle Safe & Smart JOP 2024 pour l’année 2019 est venu apporter un éclairage sur les évolutions de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) 2024. Cet événement sportif de grande ampleur qui durera plus de deux mois et dont la magnitude inédite représentera l’équivalent de « quarante-six coupes du monde de football » comme l’illustre Daniel Le Coguic, Responsable de la sécurisation des JOP 2024 au sein du Conseil Stratégique de Filière (CSF), bouleversera les pratiques actuelles dans la gestion des risques.

Par Hugo Champion


Les chiffres clés des JOP 2024

Les chiffres annoncés traduisent le caractère hors norme des JOP. La France accueillera plus de 15.000 athlètes, 28 sports olympiques et 22 sports paralympiques qui auront lieu sur 40 sites différents. 250.000 accrédités (famille olympique), environ 9 millions de spectateurs et 5 milliards de téléspectateurs sont attendus pour l’événement. Les JOP attendent également la présence de 15.000 journalistes et environ 12 millions de billets pourraient être vendus. L’ampleur spectaculaire des JOP représente pour la France autant d’opportunités que de menaces à anticiper.

La gestion des flux physiques

La sécurisation et la gestion des transports seront des enjeux primordiaux qui auront pour objectif d’optimiser le bon déroulement de l’événement. Pour les 250.000 accrédités présents aux JOP, un service de transport exceptionnel sera mis à disposition : 1000 bus et autocar ainsi que 4000 véhicules légers. Environ 40.000 lits ont été réservés dans des ensembles hôteliers. Les bailleurs sociaux sont également invités à prendre part aux dispositifs mis en place pour les JOP. Ainsi, l’article 18 I de la loi du 26 mars 2018 prévoit que les bailleurs sociaux mentionnés à l’article L.411-2 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) peuvent, en vue de l’organisation des JOP 2024, acquérir et construire des locaux, à usage d’habitation ou non, dans les départements de la Seine-Saint-Denis (93) et des Bouches-du-Rhône (13) afin de les mettre à disposition du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJO), de façon temporaire, dans le cadre de contrats conclus pour l’organisation de cet événement. Au terme du contrat, ces immeubles seront dédiés à plusieurs usages (logements libres, logements locatifs sociaux, locaux commerciaux etc.). Thomas Collomb, responsable sécurité et mobilité Paris 2024 au sein COJO rappelle en effet que « le caractère inédit de l’événement appelle les acteurs à mettre en place des mesures inédites ».

A Saint-Ouen et Saint Denis, 85% des athlètes seront présents et sur un rayon de 10km, 22 sports s’effectueront durant les deux mois des Jeux. Ainsi, les sites d’entrainements, d’hébergements, de célébration qui seront au nombre de 100 en Ile-de-France seront pris en compte dans la planification des enjeux des flux humains durant ces JOP. Thomas Collomb précise « qu’environ 11 millions de voyageurs traverseront la petite et grande couronne tous les jours soit 2 millions de plus qu’en temps normal ».

La gestion du flux numérique

Le flux numérique est un sujet très complexe qui mérite d’être traité à part en tant que risque, par l’instance de Coordination Nationale pour la Sécurité des Jeux olympiques 2024 et des grands événements sportifs internationaux (CNSJ). « L’ANSSI et la CNSJ se sont emparés du sujet dès 2018 pour optimiser la sécurité des flux numériques » explique Emmanuel Germain, Directeur général adjoint de l’Agence nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI). La cartographie réalisée a dégagé quatre types de réseaux impliqués : le réseau du comité des JOP, le réseau de l’organisation des Jeux par eux-mêmes, la sécurité des populations, les fonctions supports ou de soutien. Afin d’optimiser la sécurité des réseaux en général, et durant les JOP en particulier, l’analyse de risque se relève être un outil concret et indispensable de l’ANSSI, à travers la méthode EBIOS Risk Manager qui utilise une approche réalisant une synthèse entre conformité et scénarios.

Dans un contexte de développement de la smart & safe city, favorisé par le déploiement imminent de la 5G et par la digitalisation des infrastructures et des transports, la cybersécurité constitue un domaine sur lequel la CNSJ travaille ardemment. « C’est un sujet qui nous préoccupe aussi en raison du nombre considérable d’attaques qui se sont produites à Pyeongchang, à raison de 20 attaques par seconde… » précise Gilles Furigo, coordonnateur national adjoint pour la sécurité des Jeux et des grands événements sportifs du ministère de l’Intérieur.

Les événements antérieurs à la tenue des JOP 2024 fournissent des éléments de réflexion sur l’élaboration des dispositifs de sécurité à mettre en place. Ainsi les débats se font encore entendre sur la reconnaissance faciale, qui sera utilisée lors des JOP de Tokyo en 2020. L’objectif de la reconnaissance faciale « est d’améliorer la sécurité et l’efficacité en permettant de vérifier l’identité d’une personne cherchant à pénétrer dans un établissement avec une rapidité et une précision supérieures à celles du personnel », explique l’entreprise japonaise NEC qui fournit cette technologie. La reconnaissance faciale en France dérange autant qu’elle fascine et devrait connaître « une loi d’expérimentation au niveau national qui participerait à la réflexion entamée au niveau européen sur les implications éthiques de l’intelligence artificielle et qui contribuerait à façonner un cadre assurant la souveraineté industrielle de l’Union dans le respect de ses valeurs », d’après les députés Stéphane Séjourné, élu européen (Renew Europe) et Didier Baichère, élu LREM des Yvelines. Ce dernier participera par ailleurs avec deux autres députés très impliqués sur ces sujets, Jean-Michel Mis et Christine Hennion au colloque « Reconnaissance faciale : Interdiction, expérimentation, généralisation, réglementation. Où en est-on ? Où allons-nous ? » organisé par le Think-Tank Renaissance Numérique le 19 décembre prochain à l’Assemblée nationale.

La retransmission des événements sportifs devra également être prise en compte dans la sécurisation des flux numériques. France Télévision a acquis les droits des JOP 2024 et a pour ambition « d’offrir une continuité de l’antenne à tous les français », selon Muriel Sobry, Directrice sécurité et sûreté, France Télévision, et Présidente de la commission Grands événements et JOP 2024, CDSE (Club des Directeurs de Sécurité et de Sûreté des Entreprises).

Les enjeux pour les JOP 2024 sont d’autant plus forts qu’on « joue à domicile », poursuit Muriel Sobry. Le CDSE a pour ambition de faire en sorte que le « back office gère et intègre les questions de sécurité en lien avec les pouvoirs publics » précise Muriel Sobry. La Coupe du monde de rugby en 2023 ayant lieu en France servira d’exemple pour le CDSE mais aussi pour les autres acteurs.

Les acteurs privés, notamment de l’industrie française se mobilisent pour accompagner les organisateurs dans la sécurisation de ces grands événements. Le groupe de travail du Comité stratégique de Filière (CSF) JO2024 a notamment permis de dégager des solutions qui pourront atteindre un niveau de maturité opérationnelle en amont des jeux.

Le Groupement des Industries de Défense et de Sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) travaille sur les Jeux olympiques de Paris 2024 « depuis plusieurs mois » dans le cadre du CSF, souligne Gérard Lacroix, Délégué général adjoint aux questions de sécurité du GICAT. Le délégué général met en exergue les freins législatifs empêchant le déploiement de technologies telles que la reconnaissance faciale. Même si les industriels « savent faire », le cadre réglementaire doit évoluer pour permettre aux industriels de finaliser les processus technologiques qui seront mis en œuvre lors des JOP 2024. Aussi Gérard Lacroix explique que les industriels vont profiter allons « de la porte qui nous est offerte par le ministère de l’Intérieur dans le cadre de ses réflexions conduites au sein du livre blanc pour faire passer certains messages ».

Capitaliser sur les événements de grande ampleur passés

Durant le G7, 3.200 policiers et gendarmes épaulés par des forces militaires étaient présents pour assurer la sécurité de l’événement. La coordination avec des forces de sécurité étrangères et notamment « la Guardia civil espagnole a permis d’assurer une coopération efficace en matière de renseignement et de contrôle aux frontières » souligne Fabrice Blanc, Chef de projet « Sécurité des mobilités » à la Direction générale de la gendarmerie nationale.

Également, l’utilisation des drones et des véhicules connectés offrent des opportunités à la Gendarmerie nationale dans la sécurisation de l’événement. La gendarmerie et la police françaises sont déjà dotées de matériels pour remplir des missions de sécurisation de sites, comme de lutte anti-drones. Comme la France lors de l’Euro 2016, les Russes durant la Coupe du Monde 2014, ont déployé des technologies de neutralisation des drones sur les villes qui accueillaient les matchs et ont également procédé à la sécurisation des fans zones. En effet, l’utilisation du drone et l’amélioration de la lutte anti-drone malveillant sont indispensables. Comme le souligne le Préfet Pascal Bolot à propos de l’organisation russe en 2014, « pour garder le caractère festif de l’événement et ne pas empêcher l’existence de ces fan zones, ils ont sécurisé les lieux et se sont adaptés en temps réel, pour éviter les voitures béliers par exemple ».

Le groupe Genetec qui a participé à la sécurisation des Jeux Olympiques spéciaux de Los Angeles 2015 a développé la plate-forme Federation-as-a-Service (FaaS) pour permettre aux organisations disposant de systèmes de sécurité distribués de centraliser leurs opérations de surveillance et de réduire les coûts opérationnels associés à la surveillance et à la maintenance des systèmes multi-sites.

L’héritage des JOP 2024

L’ambition du COJO est de mettre à profit les dispositifs mis en place durant ces JOP et qui donneront lieu à un développement urbain, technologique et économique important. Les JOP devraient générer la création de 150.000 emplois : 78.300 pour l’organisation (transport, événementiel, communication, etc.), 60.000 dans le tourisme (hôtellerie-restauration, etc.) et 11.700 dans la construction. Ces emplois seront à pourvoir principalement entre 2021 et 2024.

Un fonds de dotation sera ouvert aux sponsors, qui pourront contribuer, comme l’ont déjà fait les parties prenantes du COJO, à hauteur de 50 millions d’euros.

Mais le lègue vient au-delà de la collecte de fonds. Comme le rappelle Tony Estanguet, triple champion olympique et président du COJO : « Notre objectif est d’avoir un impact. Bien sûr ces Jeux seront magiques. Nous ferons tout pour qu’ils soient inédits. Mais cela ne suffit pas, nous voulons utiliser ces années avant les Jeux pour développer la place du sport. L’héritage matériel, les infrastructures, c’est bien, mais ce n’est pas la finalité. La finalité c’est de faire bouger les Français. C’est le facteur humain qui fera la différence ».