Le new public management au service de l’innovation

Alors que l’innovation est au cœur des enjeux de demain, le secteur public français, et notamment les services de secours, s’organisent afin de développer la « force d’innovation française » en donnant « la parole à tous les profils d’agents sans minimum de grade », comme le souligne le capitaine Gilles Devantoy, chef de service évolution et prospective au Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du 95. C’est dans ce contexte que la semaine de l’innovation publique, organisée par la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP), s’est déroulée pour sa sixième édition.

Par Hugo Champion

L’évolution managériale dans le secteur public

Hiérarchie, rigidité, profit, contrôle… autant de mots qui définissent « le management d’hier » selon Cassandre Verriest et Matthieu de Vandermersch de l’Ecole de Management de Lyon (EM). L’idée de calquer le nouveau management public sur les impératifs de rentabilité se diffuse largement en Europe. Ainsi, la société néerlandaise de soins infirmiers à domicile Buutzorg qui gère 70% des soins à domicile aux Pays-Bas, a mis en exergue les problèmes de bureaucratie qui poussent à la rationalisation à outrance des objectifs. Or, l’organisation de ce service de soins de proximité s’est bâtie sur l’autogouvernance. Une petite équipe de 5 à 12 infirmières autopilote et auto-coordonne son activité sur un petit secteur géographique. L’équipe est ainsi disponible en permanence et tire sa force de son autonomie et de sa connaissance fine d’une clientèle forcément restreinte. Toutes les équipes sont connectées entre elles sur un intranet maison et sont incitées à partager leurs expérimentations qui profitent ainsi à toute la communauté dans un esprit d’open innovation, très rare dans le milieu médico-social. Ce modèle, désormais dupliqué dans une quarantaine de pays s’inscrit dans une démarche innovante de technique managérial. L’autogouvernance a permis aux patients d’économiser 3.000 euros et réduit de 30% les admissions de patients aux urgences.

Le management à distance fait également parti des approches innovantes de management. Le télétravail, par exemple devrait devenir plus facile d’accès avec la récente réforme du Code du travail, bien que celui-ci peut générer des craintes chez les employeurs. Ainsi, Daniel Ollivier, directeur associé de Thera Conseil, cabinet spécialisé dans l’efficience managériale et la conduite du management, rappelle « qu’il faut mettre par écrit les missions du salarié, les résultats attendus, etc. ». L’idée du management à distance est tout d’abord de tisser un lien de confiance fort entre le dirigeant et ses collaborateurs. « S’interroger et s’informer sur les aspirations de ses employés » sont deux valeurs prédominantes du nouveau management pour Cassandre Verriest et Matthieu de Vandermersch.

Si les différentes approches du management paraissent intuitives et découler du bon sens, l’application de ces modèles au secteur public où la prééminence du pouvoir hiérarchique est très importante est plus compliqué.

Le management au service de l’innovation dans le secteur public

L’innovation au sein des SDIS se démocratise dans l’institution grâce notamment aux convictions des hommes de terrain. Ainsi, le commandant Paul Malassigné, chef de groupement logistique au Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du 36 (Indre) a proposé des solutions innovantes à une problématique dont personne ne s’était saisi auparavant. Le commandant Malassigné, étant sensible aux questions environnementales et soucieux de porter les valeurs de l’économie circulaire au sein de l’organisation du SDIS de l’Indre, a proposé une solution innovante en matière de recyclage. Alors que les tenues de service des sapeurs-pompiers de l’Indre en fin de vie étaient jetées au centre d’enfouissement du département, le commandant Malassigné a revalorisé les tenues en les recyclant pour en faire des matériaux isolants, qui servent maintenant à deux casernes (à Déols et Éguzon). « L’innovation est en cours de certification, et devra isoler l’ensemble des casernes du département mais aussi servir aux industriels », souligne le commandant Malassigné. Celui-ci précise que la confiance apportée par son supérieur, le colonel Thierry Lahoussoy a été primordiale. Ainsi, la validation hiérarchique a donné lieu à une promotion territoriale, relayée par le président départemental. C’est ainsi que l’innovation a pu être plébiscitée. « Tout le monde a un rôle à jouer qu’importe la hiérarchie » rappelle le capitaine Gilles Devantoy, chef de service évolution et prospective au SDIS du 95 (Val d’Oise). L’intégration des sapeurs-pompiers dans les mutations actuelles en termes d’innovation est essentielle et de rappeler les six règles à respecter pour qu’un SDIS puisse innover :

  • « Se mettre en posture de vouloir innover par la création d’un service dédié dont l’autonomie de déplacement serait assurée, et doté d’un réel pouvoir de décision ;
  • Libérer la transversalité ;
  • Accorder le droit à l’erreur et ne rien interdire lors des phases d’innovation ;
  • Donner la parole à tous les profils d’agents sans minimum de grade : c’est la principale force de l’innovation ;
  • Promouvoir les bonnes idées avec notamment le prix de l’innovation dont le prochain sera décerné au mois de janvier 2020 ;
  • Casser les habitudes : rompre avec l’effet de mimétisme très fort au sein de notre corporation ».

Ainsi, les principales forces d’innovation au sein des SDIS doivent être assurées par une forte confiance accordée par les instances décisionnelles. La liberté d’action semble aller dans le bon sens au sein des SDIS puisque de nombreux dossiers sont en cours sur la mise en service d’outils innovants pour les SPP, notamment un propulseur de surface pouvant intervenir également en plongée (à 40 mètres) ou encore le système ARVA de géolocalisation de plongeurs.