Réveiller la conscience citoyenne chez les jeunes : le ministère des Armées en première ligne

Le chômage endémique, le décrochage scolaire, le communautarisme, le sentiment de défiance vis-à-vis de l’Etat et de ses dépositaires, sont devenus aujourd’hui des problématiques profondes et entre-mêlées. Pour faire face à ces difficultés rencontrées notamment par les jeunes générations, qui peinent, parfois, à trouver leur place dans la société, les ministères des Armées et de l’Education nationale s’engagent. Service civique, Cadets de la défense, Service militaire volontaire… autant de dispositifs mis en place ces dernières années qui visent à encourager la jeunesse à l’engagement citoyen. Et la Secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq, de rappeler « la jeunesse n’est pas un problème ; elle est la solution ».  

Par Hugo Champion

Tisser le lien patriotique des jeunes à la Nation

Inscrites dans le protocole interministériel de 2016 développant les liens entre la jeunesse, la défense et la sécurité nationale, les Classes Défense et Sécurité Globales ou « CDSG » s’adressent aux établissements scolaires du secondaire relevant du ministère de l’Education nationale et de la jeunesse et du ministère de l’Agriculture et de l’alimentation. La mise en place d’une CDSG se réalise en coordination avec le délégué militaire départemental (DMD). Les objectifs de la CDSG doivent s’inscrire en lien avec le projet d’établissement et bénéficier de l’accompagnement au niveau départemental et académique de la mission « éducation défense ». Les activités et le programme sont ainsi co-construits par les équipes du DMD et l’établissement scolaire. Les enseignements liés à la défense globale et à ses enjeux ainsi qu’un aperçu de la géopolitique contemporaine trouvent une place de choix dans les programmes enseignés. Participer aux évènements patriotiques, à une journée de découverte de la sécurité civile par exemple ou encore effectuer un stage d’intégration avec une formation militaire viennent compléter la formation qui s’étend sur une année, à raison de deux heures par semaine. En 2019, quelque 260 CDSG ont été créées, avec près de 6.000 élèves participant et 200 unités militaires marraines.

Les dessous de la CDSG : quelle réalité ?

Sous l’œil de sa caméra, Sylvie Perrin, réalisatrice, propose aux spectateurs une immersion dans l’univers d’une CDSG. Au travers de son documentaire « Allons enfants ! », diffusé à la première édition de la Fabrique Défense de Paris, elle nous plonge au cœur du quotidien d’une classe du lycée professionnel des Métiers Japy de Lyon, composée de 17 élèves. Les 52 minutes du documentaire dépeignent la réalité d’une classe, où la plupart des élèves manque d’aspirations futures tant sur le plan professionnel que personnel et souffrent, pour certains, d’une perte de repères profonde. Ce film met en exergue « les prémices d’une réflexion nouvelle sur les problèmes d’intégration de cette génération qui a bien souvent le sentiment d’être lâchée à son propre sort », explique la réalisatrice. Une scène interpelle alors. Le lieutenant-colonel Denis Cochet, en charge de la classe, interroge l’un des élèves : « Et toi, si on t’appelle pour aller combattre pour la France, qu’est-ce que tu ferais ? », la réponse du lycéen ne se fait pas attendre : « Je rentre au bled direct ! Je me cache, je ne combattrais pas ». La professeure principale Nadia Nami, présente lors de l’échange, intervient : « Tu ne te sens pas français ? ». L’élève conclut : « Non ». L’officier lui rappelle alors qu’« actuellement, il y a 200 000 jeunes Français qui sont prêts à mourir pour vous. Je ne suis pas sûr qu’ils seraient ravis de vous entendre, mais ça ne changera pas leur engagement ».

Reste ainsi un objectif pour les équipes en charge de la CDSG : trouver des remèdes aux maux constatés, dont celui d’un sentiment d’appartenance, un sentiment patriotique, qui ne trouvent plus écho chez certains jeunes. Il est absolument primordial pour les encadrants que les jeunes tendent à « dépasser les clivages sociaux et culturels » souligne Sylvie Perrin. Le but de ces CDSG est de « faire comprendre à ces enfants qu’ils sont des fils de France », explique le lieutenant-colonel. Confiant et très investi, il est aussi convaincu « qu’on peut les aider à découvrir en eux-mêmes de nombreuses richesses. ». Il croit en la « lueur que représente la France », et que « ces jeunes peuvent porter ».  

Le ministère des Armées au cœur de la « fabrique de la citoyenneté »

Plusieurs dispositifs pensés par le ministère des Armées ont vu le jour, notamment depuis les émeutes de 2005 avec la volonté de recréer un lien entre la Nation et sa jeunesse dont une partie « méconnaît partiellement ou totalement les institutions » , « n’arrive plus à se projeter ou à rêver, et succombe tout autant à un individualisme marqué qu’aux tentatives de récupération communautaire[1] ».Proche de la CDSG, le dispositif des cadets de la défense a été créé en 2008, dans le cadre d’un partenariat décentralisé avec l’Éducation nationale. Ce programme s’étend sur une année scolaire au cours de laquelle des jeunes de classe de 3e suivent des activités de formation et de sensibilisation au domaine militaire au sein d’une unité proche de chez eux, encadrés par des militaires, des réservistes et des professeurs de l’Éducation nationale. Le Service militaire volontaire fait également partie des dispositifs du ministère des Armés créés sous la présidence de François Hollande, dont l’objectif pour l’armée de Terre est davantage « d’apporter ses compétences et son expertise pour former ces jeunes, pour leur redonner confiance, une certaine responsabilité, de la fierté et, surtout, un travail à l’issue de leur formation », explique le lieutenant-colonel Dugast, chef du SMV de Montigny-lès-Metz.

Vers un retour du devoir civique obligatoire ?

Déjà débattue lors des présidentielles 2017, la création du Service national universel (SNU) dont la mise en place a commencé avec une phase d’expérimentation fin juin 2019, avant une mise en œuvre progressive vers la généralisation à partir de 2026, a soulevé des débats. En effet, le rapport de février 2018 émanant de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale se montre plus favorable à la montée en puissance des dispositifs d’engagement volontaires existants. D’autant que les objectifs du SNU ne semblent pas particulièrement innovants – « (…) promouvoir la notion d’engagement et favoriser un sentiment d’unité nationale autour de valeurs communes »[2]. Néanmoins, les premières phases d’expérimentation, regroupant environ 2.000 élèves de 3ème, ont été un succès[3], bien que ces expérimentations se sont effectuées sur la base du volontariat. Le caractère obligatoire et universel, ainsi que la durée du dispositif (un mois avec une première phase de deux semaines dans une structure collective et une seconde sous la forme d’une mission d’intérêt général), témoignent de la volonté du gouvernement de « permettre à notre démocratie d’être plus unie et d’accroître la résilience de notre société », selon les mots du président de la République. En juin 2020, environ 30 000 nouveaux volontaires (entre 100 et 500 volontaires par département) devraient participer à une seconde « mise en condition réelle » dans tous les départements. Généralisé, le dispositif devrait concerner 800 000 adolescents par an.

Faire renaître cette conscience patriotique chez les jeunes, un esprit de Défense et une aspiration collective est plus que jamais nécessaire, dans un contexte social des plus tendu et confus.


[1]
            [1] Rapport du groupe de travail de la commission Armées-Jeunesse, Les cadets des armées, session 2005-2007

[2]
                        [2] RAPPORT RELATIF A LA CREATION D’UN SERVICE NATIONAL UNIVERSEL – Établi par Le général de division Daniel Menaouine, rapporteur du groupe de travail SNU, 26 avril 2018.

[3]
                [3] Selon l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), 94% des élèves se déclarés être satisfaits du « séjour de cohésion ».
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