Cloud, Edge computing, IoT, IA et stratégie globale : quelles prévisions pour 2020 ?

L’incertitude économique a demeuré l’année dernière, notamment en raison de l’accélération des bouleversements provoqués par l’évolution croissante des technologies. Par le passé, les DSI ont dû accomplir deux tâches principales en période difficile : réduire les coûts informatiques et contribuer à accroître l’efficacité au sein de leur organisation. En 2020, avec les guerres commerciales en cours, les suites de Brexit, les élections américaines et le resserrement de la réglementation, les dirigeants devront aller vers plus d’adaptabilité.

Cloud, Edge computing, IoT, IA et stratégie globale, décryptage des prévisions 2020 avec le cabinet Forrester.

Par Hugo Champion

La stratégie des géants sur le marché du cloud

Jusqu’à présent, les entreprises utilisent le cloud principalement pour créer de nouvelles applications et réhéberger l’infrastructure, mais en 2020, « les leaders mondiaux du cloud public à grande échelle formeront de nouvelles alliances et se recentreront sur leurs capacités de base, conduisant les fournisseurs d’applications professionnelles à abandonner leurs infrastructures propriétaires. » souligne Dave Bartoletti, vice-président et analyste chez Forrester. En outre, le calcul haute performance (high-performance computing – HPC) prendra son envol dans le cloud public, l’écosystème natif du cloud va départager les maillages de services et l’informatique sans serveur, et les fournisseurs de gestion du cloud vont se concentrer sur la sécurité après une brèche dans les données du cloud public dont on a beaucoup parlé.

Durant l’année 2019 se sont déroulées plusieurs transactions importantes, comme l’acquisition de Red Hat, considéré comme « le numéro un de l’open source » par IBM, pour 34 milliards de dollars. De plus, IBM et Oracle, qui sont entrés en partenariat avec Microsoft dans l’objectif de créer une passerelle entre leurs services cloud, ont choisi de concentrer leurs efforts sur le service cloud entreprise, reconnaissant ainsi que Google, Alibaba et bien sûr Amazon Web Services dominent désormais le marché du cloud public. « IBM et Oracle se retireront en territoire familier, tandis qu’Alibaba menacera Google. » précise Dave Bartoletti. En effet, IBM, ayant perdu le quart de son chiffre d’affaires en cinq ans, entend jouer la carte de l’open source alors que la tendance actuelle est à l’hybridation du système d’information et au multicloud. En effet, « aujourd’hui, 20% des applications sont dans le cloud public. Nous abordons aujourd’hui une nouvelle phase avec la question : comment les entreprises traditionnelles peuvent se transformer tout en valorisant leur capital data et humain existant. Nous voulons être leader de ce chapitre 2 du cloud », affirme Agnieszka Bruyère, vice-présidente en charge du cloud et de l’informatique cognitive chez IBM France.

En effet, les géants du web continueront de se partager le marché, bien que de légères évolutions se feront sentir. Ainsi, sur les 75% du marché détenu par les géants numériques, on assistera à une hausse des ventes d’Alibaba (à hauteur de 4,5 milliards de dollars), dépassant ainsi Google sur la scène mondiale. La firme de Mountain View devrait néanmoins garder sa troisième place sur le marché américain, Alibaba étant peu présent en Amérique du Nord. Tous les acteurs du cloud privé et public vont renforcer leurs offres de sécurisation de leur cloud. Cette prédiction fait écho au rachat de Carbon Black par VMware en été 2019, et aux lancements récents de solutions Security Information and Event Management (SIEM) dans le cloud par Microsoft (Azure Sentinel) et Google (Chronicle BackStory).

L’utilisation du HPC dans le cloud public augmentera de 40% et les fournisseurs de SaaS sortiront des plates-formes propriétaires et passeront aux leaders de l’hyperscale.

L’avènement du Edge computing

L’avènement du edge computing sera pour 2020 avec une croissance de 50% du marché du Edge Cloud. L’expansion des investissements s’explique notamment par la maturité croissante des plates-formes du edge, le développement croissant de technologies telles que la connectivité 5G et Wi-Fi 6, et l’augmentation des cas d’utilisation pour l’analyse et le machine learning.

En effet, en raison de l’augmentation incessante des IoT, dont le nombre devrait atteindre 50 milliards cette année, la maîtrise du flux de données sera un enjeu crucial. Aujourd’hui, ce qui risque de freiner le développement des IoT provient avant tout de la question du déploiement des réseaux à haut débit, ainsi que les temps de latence dans le transfert des données entre les serveurs Cloud centraux et les équipements terminaux en périphérie du réseau. C’est pourquoi l’edge computing offre aujourd’hui l’opportunité d’éviter ces deux problèmes à travers l’introduction d’un changement de paradigme dans l’univers du Cloud computing. Plutôt que de transférer les données générées par des appareils connectés IoT vers le Cloud ou un Data Center, le edge computing permet de traiter les données en périphérie du réseau directement où elles sont générées. Toutefois, bien que la forme d’architecture informatique fait office d’alternative au Cloud computing, la vocation du edge computing n’est pas de remplacer pas le cloud ou les centres de données, mais d’étendre son écosystème.

L’expansion inédite des IoT

La prolifération des IoT entraîne une réduction de leur coût à la vente, contribuant à leur expansion mondiale. Ainsi, Amazon, Baidu et Google favoriseront l’adoption d’écrans intelligents au sein des foyers américains : des haut-parleurs intelligents dotés d’un téléphone, un appareil photo ou un écran de la taille d’une tablette pour permettre d’obtenir des réponses et des interactions visuelles entre l’usager et l’IoT. Ces dispositifs pourront également décrocher un rôle croissant sur les lieux de travail des salariés américains. Bien que le nombre d’IoT augmente considérablement, les menaces seront à anticiper pour les fabricants d’équipement d’origine (FEO) qui seront les cibles privilégiés des hackers. En effet, alors que jusqu’à présent, les cyber attaquants ciblaient les entreprises avec des ransomwares en piratant leurs systèmes informatiques internes, les cyber attaquants bloqueront désormais la connexion ou le fonctionnement des produits connectés tels que l’éclairage domestique ou les machines de fabrication jusqu’à l’obtention de la rançon du fabricant de l’appareil. Les entreprises devront donc faire preuve d’une diligence raisonnable en ce qui a trait à l’évaluation et à la gestion du risque de responsabilité civile des fournisseurs qui travaillent avec les produits qu’elles choisissent d’utiliser et à la posture de sécurité de ces derniers.

Le développement de l’intelligence artificielle au sein des entreprises

53% des données globales et des analyses établies par les décisionnaires témoignent que l’intelligence artificielle est implantée ou se développe au sein de leur entreprise. En effet, « de nombreux groupes au sein de l’entreprise (développeurs de logiciels, spécialistes du marketing B2C, décideurs en matière de données et d’analyse, décideurs en matière de mobilité, etc.) ont déjà opté pour une forme d’IA », rappelle Srividya Sridharan, vice-présidente et directrice de la recherche au sein du cabinet Forrester.

De même que 54 % des décisions concernant le traitement de l’IA au sein du secteur informatique dans lequel les entreprises concernées travaillent, constitueront les bénéfices les plus importants. D’ici la fin 2020, l’IA conversationnelle alimentera toujours moins de 20% des interactions avec le service client. On estime également à 25 %, les entreprises Fortune 500 qui prévoient la mise en place de centaines de processus IPA (Intelligent process automation), c’est-à-dire une automatisation de certaines tâches grâce à l’utilisation de l’IA. Ainsi, les entreprises vont recourir à l’analyse de texte et à l’apprentissage automatique dans le cadre de la mise en place de certaines tâches robotiques automatisées. L’IA sera utilisée pour l’établissement de réponses automatiques ou de chatbots. Néanmoins, en raison du nombre conséquent de clients qui ne trouvent pas de solution satisfaisante lorsqu’ils utilisent les chatbots, réclamant in fine l’intervention d’une personne, le développement des compétences humaines sera particulièrement demandé par les entreprises. Ainsi, un équilibre devra être trouvé entre le développement de l’IA et la place de l’humain au sein des entreprises avec l’épineuse question du recrutement. Car, si certains visionnaires défendent que le quantique règlera l’ensemble des problèmes à l’avenir, des cabinets spécialisés en Expérience design, saisissent l’opportunité en proposant à leur clients de les aider dans la transformation digitale de leurs plateformes, principalement dans la mise en place de l’intelligence conversationnelle, à l’instar de Frog ou IDEO. En effet, des entreprises exercent ailleurs que dans le domaine de la technologie, et peine à recruter des personnes possédant des capacités permettant de développer les programmes IA.

Enfin, bien que des dangers persistent quant aux emplois liés à l’IA, notamment en raison de la désinformation due au filtrage de certains algorithmes sur les réseaux sociaux, ou à la discrimination algorithmique, l’investissement IA ne diminuera pas dans les entreprises. En revanche, celles-ci devront défendre l’importance et la nécessité de l’IA, et devront faire preuve de transparence dans son utilisation ou dans les améliorations à apporter.

La tâche grandissante des DSI

Actuellement, les DSI, sous le contrôle des directions financières ou administratives, sont majoritairement évalués sur des objectifs financiers ou opérationnels, et moins sur des initiatives stratégiques, incluant l’expérience utilisateur. « Les entreprises dont les DSI sont rattachés aux DAF et COO n’atteindront pas les objectifs de croissance. » souligne Brian Hopkins, vice-président et analyste principal au sein du cabinet.

La plupart des DSI intègrent le fait qu’une stratégie basée uniquement sur la réduction des coûts et la recherche de l’efficacité peut être contre-productive. « Traditionnellement, les responsables informatiques réagissaient aux temps incertains en se recroquevillant et en passant en mode efficacité et réduction des coûts. Nous pensons que c’est une recette pour l’échec dans l’environnement actuel », déclare Brian Hopkins.

Les technologues avisés tirent parti de l’échelle et de la vitesse de l’automatisation globale pour atteindre de nouveaux niveaux de valeur pour le client, comme une personnalisation plus poussée des produits et des services, une livraison plus rapide des produits et l’amélioration de la sécurité des transactions. Cependant, elle a également un effet démontrable sur l’avenir et le Future of Work. Les leaders technologiques peuvent s’attendre à ce que l’automatisation progresse sur plusieurs voies en 2020. L’automatisation, le Future of Work et les économies mondiales seront ainsi discutés à l’ONU. Le marché des services RPA atteindra 7,7 milliards de dollars. « Les îlots d’automatisation devenant insurmontables, des équipes de choc vont émerger – une nouvelle approche organisationnelle qui se situe entre les experts informatiques traditionnels et les experts du domaine. » souligne Chris Gardener, analyste principal Forrester.

Alors que l’automatisation devrait supprimer plus d’un million d’emploi, seulement pour les Etats-Unis, les DSI vont d’abord s’intéresser aux emplois très standardisés et répétitifs, comme le support technique de premier niveau et le provisioning facile. Dans un deuxième temps, ils devraient chercher à former leurs équipes à des tâches plus complexes dans le cadre du développement agile pour renforcer des initiatives de type DevOps. En effet, le recrutement sera au cœur des enjeux dans les entreprises voulant acquérir les meilleurs talents. L’évolution de la dynamique de l’effectif et de la gestion de la direction poussera l’humain au top des priorités des CIO. «  Les équipes de direction se tourneront alors vers leurs DSI pour trouver des solutions technologiques permettant de résoudre ces problèmes de composition de la main-d’œuvre » ajoute Brian Hopkins.

Ces prévisions, s’inscrivant dans un contexte économique et politique mondial troublé, invitent les dirigeants à définir pour certain, ou repenser pour d’autres, leur stratégie. L’humain est au cœur de l’agenda, dont les compétences devront être valorisées et remises sur le devant de la scène.