La sécurité au cœur des élections municipales 2020 : cap sur la cité phocéenne.

Thème central des préoccupations citoyennes, l’insécurité quotidienne est trop souvent traitée comme une problématique nationale, masquant les réponses locales qui peuvent y être apportées. En effet, bien que cette approche holiste témoigne d’une tendance globale sur le territoire national, l’élu local doit pouvoir disposer des outils nécessaires à la lutte contre l’insécurité. C’est pourquoi la majorité des citoyens réclament une augmentation des prérogatives et des budgets pour permettre aux maires de lutter efficacement contre l’insécurité, selon la baromètre Fiducial, réalisé par Odoxa. Dans ce contexte, si les candidats en lice constatent quasi-unanimement cette hausse du sentiment d’insécurité, leurs propositions diffèrent. Les questions de la vidéoprotection, du renforcement des compétences du maire et du risque terroriste seront au cœur des débats, notamment à Marseille.

Par HUGO CHAMPION

Quels besoins sécuritaires à Marseille ?

Dans la cité phocéenne, deuxième ville de France et dirigée depuis vingt-cinq ans par Jean-Claude Gaudin, les candidats en lice s’emparent unanimement des enjeux sécuritaires, bien que la priorité des Marseillais s’avère être la propreté de leur ville. Les chiffres de la délinquance en 2018 (les statistiques pour 2019 seront publiés fin mars) montrent la hausse des atteintes aux personnes (+10,7%), des violences intrafamiliales, du harcèlement de rue et de l’outrage sexiste ainsi que des règlements de compte liés au trafic de drogue (21 contre 13 en 2017).

Parmi les différents programmes présentés, la hausse du nombre de policiers municipaux ne fait pas débat. Tous plaident en faveur d’un renforcement du nombre de policier et d’un redéploiement par secteurs, « principalement dans ceux où l’on ne voit pas de police municipale actuellement », précise Michèle Rubirola du Printemps marseillais. Les candidats s’alignent sur la nécessité de renforcer les compétences du maire en matière de politiques publiques de sécurité. « Même si la sécurité publique relève du régalien, le maire peut et doit agir », souligne Bruno Gilles (dissident Les Républicains).

Néanmoins, les bracelets anti-rapprochements pour les femmes victimes de violences conjugales – mesure sécuritaire prioritaire pour 72% des Français, selon le baromètre Fiducial -, ne figurent pas sur les programmes des quatre candidats en haut du tableau des intentions de vote. La mise en place de maisons pour héberger les femmes victimes de ces violences – mesure prioritaire pour 67% des Français – est quant à elle intégrée dans les programmes des candidats Stéphane Ravier (Rassemblement national) et Sébastien Barles (Europe Ecologie Les Verts). Le développement des systèmes d’éclairage, la mise à disposition de bips d’alertes pour les commerçants et le renforcement des moyens de la police municipale – mesures particulièrement attendues par les citoyens – sont entendus par la majorité des candidats.

La vidéoprotection : un outil sécuritaire plébiscité par les citadins ?

Selon le baromètre Fiducial, 49% des Français considèrent l’installation de caméras de télésurveillance comme une priorité, et 40% comme une mesure importante. L’intensification de l’utilisation de cet outil ne fait pas l’unanimité dans la campagne municipale. Martine Vassal propose d’en déployer 1.000 pour atteindre 2.500 caméras actives en 2026. Stéphane Ravier rejoint la candidate des Républicains tout en plébiscitant l’acquisition de caméras mobiles « déployables partout rapidement dans les zones de deal ou d’attroupements nuisibles ». Sébastien Barles juge quant à lui « inefficace » le système de vidéoprotection et appelle à un moratoire sur son utilisation. A l’instar du Printemps marseillais, il défend le rôle de l’humain à travers les médiateurs. « Nous recentrerons la police municipale sur sa mission : la proximité, la relation avec la population, les commerçants. Nous la redéploierons sur le territoire et nous renforcerons la prévention » défend-il.

Le risque terroriste : des mesures de prévention

Les attentats djihadistes ont provoqué une terreur accrue dans l’Hexagone depuis 2012 et notamment depuis 2015. Les Français craignent particulièrement les « attaques d’individus isolés qui s’en prennent au hasard à des passants (74 %) », informe le baromètre Fiducial. La réponse des autorités n’atténue pas la hausse du sentiment d’inquiétude des citoyens. « 60 % des Français estiment que la France n’est pas mieux protégée qu’avant contre les attaques terroristes », poursuit le baromètre.

Le risque zéro n’existant pas, les mesures prises dans le cadre de la lutte anti-terroriste ne semblent pas convaincre les Français. L’attentat perpétré par Mickaël Harpon au sein de son lieu de travail, la préfecture de Police de Paris, en témoigne. Cette lutte se fait sur le terrain de la prévention de la radicalisation et doit inclure tous les acteurs et notamment les communes qui « sont les premiers guichets républicains, en contact direct avec le terrain et les habitants. Elles sont aussi au cœur de l’information nécessaire à cette prévention », explique les sénateurs Jean-Marie Bockel et Luc Carnouvas dans un rapport d’information publié en 2017.

C’est dans ce contexte qu’ont été créées les cellules municipales d’échanges sur la radicalisation (CMER). « Les élus, les acteurs des mairies de secteur, peuvent détecter un certain nombre d’individus qui présentent des signaux faibles en matière de radicalisation pour pouvoir communiquer ces informations aux services de l’État », a expliqué le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur Laurent Nunez, alors qu’il inaugurait l’ouverture de CMER dans le 2e et 3e arrondissement de Marseille en juillet 2019.

La lutte contre le terrorisme apparaît alors comme une prérogative davantage régalienne que municipale, bien que les mairies commencent à jouer un rôle dans la prévention de la radicalisation. Les candidats en lice pour la mairie de Marseille ne traitent pas de ces problématiques, excepté Stéphane Ravier qui propose quelques mesures, dont « le recensement des mosquées clandestines et/ou islamistes et des écoles coraniques illicites ».

En amont des politiques publiques de sécurité…

Si les besoins sécuritaires des Marseillais sont significatifs, une réponse uniquement sécuritaire de la part des politiques ne saurait palier aux problématiques de sécurité de la ville. Refuser de prendre en compte ces besoins serait également une erreur. La cité phocéenne présente la particularité de cumuler les besoins urgents, notamment en matière d’emplois, de transports collectifs, de logement et d’écologie. « Marseille est une ville qui s’effondre et qui s’étouffe » rappelle Sébastien Barles.

Si le chômage a reculé de 0,5 point en 2019 par rapport à l’année 2018, il stagne à 10,9% soit 2,5% de plus que la moyenne nationale. Dans un rapport publié en juin 2019, l’Observatoire des Inégalités dévoile les quartiers les plus pauvres de France. Ainsi les quartiers de Pyat Auphan (3e) et Zoccolat (15e) font partie des dix quartiers, de plus de 1.000 habitants dans des villes de plus de 10.000 habitants, où le taux de pauvreté est le plus élevé en France. « Si l’on considérait comme des communes les arrondissements des plus grandes villes de France, cinq arrondissements de Marseille figureraient alors dans les vingt premières places les plus mal loties », souligne le rapport de l’Observatoire des Inégalités.

L’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne en novembre 2018, ayant causé la mort de 8 personnes, a mis en exergue les dysfonctionnements des services municipaux, qui avaient été alertés par des experts à de multiples reprises avant le drame, et la politique d’urbanisme déficiente de la municipalité dont Jean-Claude Gaudin.

La mobilité est un sujet abordé par tous les partis, notamment par le Printemps marseillais qui veut « mettre fin à ce couvre-feu qui touche Marseille et particulièrement certains secteurs », explique Christian Pellicani, conseiller d’opposition (PCF) et candidat dans les 1er et 7e arrondissements. L’inégal accès au transport des Marseillais figure parmi les priorités des citadins. Dans ce contexte, le Printemps marseillais entend déployer des navettes électriques desservant tous les quartiers de 5h à 1h dès 2022, et assurer la gratuité des transports pour les 0-25 ans.

La ville de Marseille offre un terrain d’étude particulier, dans la mesure où plusieurs attentes urgentes se cumulent : propreté, sécurité, emploi, transport et logement… autant de défis qui attendent le futur maire de Marseille. Si la demande en sécurité est réelle, à Marseille comme à l’échelle nationale, la réponse ne peut être que sécuritaire. Les mesures mises en place aussi bien sur le terrain l’emploi, que sur celui de la mobilité et de l’urbanisme jouent un rôle dans l’endiguement de la délinquance. La cité phocéenne, dirigée depuis plus de 25 ans par Jean-Claude Gaudin, assistera certainement à un tournant significatif les 15 et 22 mars prochains.