Les réseaux sociaux à l’heure de la crise sanitaire

La crise sanitaire nous oblige à revoir nos comportements et notre façon d’échanger. Le numérique est un atout certain pour rester informer, et diffuser l’information. Les réseaux sociaux sont aujourd’hui le canal privilégié, y compris par les acteurs institutionnels : OMS, gouvernements, ministères. Pourtant, il ne s’agit pas de substituer la viralité du COVID-19 à celle de la fake news. Quel équilibre trouver entre diffusion large et rapide, et fiabilité de l’information ? Eléments de réponse avec Digital Africa Live.

Par Simon DOUAGLIN

Développement du numérique : de la diversité à l’uniformité

La diversité africaine inter et infraétatique est un obstacle important dans la diffusion des réseaux sociaux à grande échelle. « La fracture numérique est grande entre les populations rurale et urbaine, et elle est accentuée par la fracture sociale puisque les populations les plus pauvres ne savent pas lire. Elles pourraient utiliser les réseaux sociaux mais seulement de manière orale. » explique Sylvestre Zagba, directeur des systèmes d’information, ANSUT en Côte d’Ivoire. « A titre d’exemple, la Côte d’Ivoire compte 66 langues différentes, un obstacle supplémentaire à l’universalité et l’uniformité proposés par les réseaux sociaux. »

Face à la diversité linguistique de l’Afrique, Facebook s’adapte, en cohérence avec sa doctrine de ne pas faire de distinctions entre les cultures et les langues, au bénéfice du plus grand nombre. « Au sein des équipes Facebook, des modérateurs maîtrisent le bambara ou encore le peul et travaillent avec des linguistes pour l’ensemble des autres dialectes » indique Balkissa Ide Siddo, Public Policy Manager chez Facebook responsable de l’Afrique francophone.

Un développement lent mais progressif

L’Afrique connaît un retard de développement, en matière de numérique, qui se traduit par un manque d’équipements informatiques et d’infrastructures. Mais le continent africain n’est pas le seul concerné : « 50% de la population mondiale n’a pas accès à internet » poursuit-elle. « Il faut donc y remédier. »

Facebook contribue à développer les infrastructures de connexion en installant par exemple des réseaux de fibre optique au Nigéria. Pour les populations rurales les plus reculées, deux projets ont été lancé par le géant américain : Free Basics, qui permet d’accéder à internet et à certains services du réseau social sans frais de données. De la même manière, le projet Express Wifi vise une connexion large dans les espaces les plus reculés : « […] Nous explorons de nouvelles façons d’apporter une connexion internet fiable et rapide à ceux qui n’en ont pas. » complètent les porteurs du projet Express Wifi.

Parallèlement au développement des équipement et des infrastructures, l’enjeu réside à présent dans la formation et la sensibilisation des populations qui découvrent de nouveaux outils de communication. Il est essentiel de former les individus aux bonnes pratiques et aux usages responsables sur les réseaux sociaux et autres plateformes numériques. Ils doivent également être sensibilisés aux enjeux liés à la protection de leurs données.

Les réseaux sociaux, outil central de l’information

« 60% des questions des journalistes durant les conférences de presse proviennent des réseaux sociaux. Ce qui montre l’incroyable développement et l’influence de l’outil numérique en politique » détaille Michel Abaga, directeur général développement des réseaux numériques au ministère de l’économie du Gabon. Tous les canaux de communication sont utilisés par les gouvernements africains pour communiquer, mais le digital et les réseaux sociaux permettent une diffusion rapide et surtout une remontée d’informations, ce que ne permettent pas la télévision ou la presse écrite. « Cette interactivité est un atout majeur lorsqu’il s’agit d’informer la population dans son ensemble et le plus rapidement possible. » ajoute Sylvestre Zagba. Les réseaux sociaux possèdent désormais une influence considérable dans l’information politique. « Le rôle initial de Facebook est de rapprocher le monde et de créer des communautés de partage. » indique Balkissa Ide Siddo. « Dans cette période de crise, le rôle de Facebook est toujours de rapprocher les individus mais une exigence s’est ajoutée : celle de lutter contre la viralité de l’information. » En effet, si l’influence des réseaux sociaux est croissante, le risque de viralité de la fausse information est grand et s’impose comme un risque majeur de déstabilisation.

La recrudescence des fake news

Les périodes de crise sont des moments propices à la défiance envers les canaux officiels d’information et les réseaux sociaux voient la recrudescence et la diffusion en nombre des fake news remettant en cause la parole des entités officielles.

Conscient de la menace, Facebook prend des mesures concrètes depuis 2016. Des programmes de vérifications sont organisées par le réseau social afin de taquer ces fake news en partenariat avec l’AFP, les observateurs de France 24 ou encore avec Africa Check. Facebook prend l’engagement de supprimer toutes les informations considérées comme violant les standards de la communauté et ayant des répercussions dans la vie réelle. Concernant les informations peu fiables, le réseau social en réduit la diffusion conformément au principe de précaution. Enfin, Facebook privilégie les informations officielles. Lorsque des informations sont relayées par les utilisateurs, les modérateurs proposent de compléter les publications avec les informations accréditées émises par les acteurs officiels. « Facebook ne veut pas devenir juge de l’information mais a pris conscience du risque de l’information virale et cherche à privilégier les acteurs institutionnels. » avance Balkissa Ide Siddo.

En pleine crise sanitaire et face au développement grandissant des fake news, les entités officielles ont un rôle particulier à jouer car elles sont, majoritairement, synonymes d’informations fiables. « Nous incluons cette exigence dans notre politique de lutte contre les fausses informations en proposant des encarts publicitaires spécialement destinés aux gouvernements et aux ministères qui souhaitent s’adresser à la population. » précise Balkissa Ide Siddo.

Une opportunité pour le numérique ?

« Le numérique et les réseaux sociaux sont de formidables outils pour informer la population, redonner du lien social et de la solidarité collective en ces temps troublés et surtout pour retrouver des libertés perdues. » revendique Sylvestre Zagba.

Nouvel outil de connexion entre les hommes, permettant de maintenir un lien tout comme une continuité d’activité économique, il érige un nouveau modèle qui doit être encouragé et soutenu. « L’Etat a un rôle à jouer auprès des entreprises. En parallèle de l’aide économique apportée, il faut réfléchir à la manière dont l’Etat pourra apporter une « aide numérique » aux entreprises. Cette aide pourrait se traduire par un accompagnement dans le développement des infrastructures numériques des entreprises, un accompagnement dans la formation des collaborateurs ou bien dans l’aide à l’équipement informatique des entreprises. » développe Sylvestre Zagba.

Au-delà de la catastrophe sanitaire, la crise du COVID-19 est un formidable accélérateur de développement de l’outil numérique dont les réseaux sociaux forment l’un des moyens forts pour redonner du lien social et pourrait permettre l’émergence de nouvelles façons de travailler. « Le Gabon continue d’investir dans ces infrastructures pour offrir un accès le plus large possible à internet. Cette crise est l’occasion d’accélérer le mouvement en accentuant plus encore la digitalisation » conclut Michel Abaga.