La domination de l’information et les technologies intelligentes

Poste SICS niveau chef de section a l'interieur d'un vehicule VAB Futur Systeme d’information du combat de Scorpion Atos

Face à l’émergence de nouvelles menaces dans un monde hyperconnecté, les systèmes de commandement et de contrôle sont entrés dans une nouvelle ère de la donnée où l’utilisateur final est au cœur des préoccupations. Dans l’infosphère de défense et de sécurité intérieure, les technologies intelligentes de prochaine génération et leur intégration dans tous les systèmes sont essentielles au succès. La domination de l’information sera essentielle pour la victoire dans ce nouveau monde.

Unification des systèmes

La course à l’info-dominance exige de repenser les stratégies de défense et de sécurité intérieure. La prise de décision, rapide et appropriée, diffusée à toutes les unités pour une réactivité optimale sur le terrain, est l’effet recherché. La collaboration des unités et des experts de terrain, l’interopérabilité des systèmes, le partage d’informations, et la coordination des acteurs sont, dans ce contexte interconnecté et interdépendant, plus que jamais nécessaires. « Il faut donc passer d’une culture de plateforme à une culture de systèmes et développer des systèmes qui réunissent métiers et niveaux hétérogènes pour atteindre ces objectifs. » souligne Cyril Dujardin, Senior VP, Responsable des activités Mission-Critical Systems chez Atos.

Parallèlement, chaque entité doit pouvoir fonctionner dans des « bulles d’information autonomes » pour prendre des décisions agiles sur le terrain, dans un cadre adapté et sécurisé. « Nous devons habilement prendre en compte les besoins de chaque métier dans la conception de l’outil, ainsi que le besoin d’en connaître propre à ces métiers, tout en intégrant les exigences spécifiques légitimes de chacun. » ajoute Cyril Dujardin.

Le décloisonnement des centres de commandement grâce à des socles techniques communs et des interfaces adaptées doit contribuer à une amélioration de l’interopérabilité entre chaque centre, chaque unité, sans nuire à la confidentialité des actions dont le niveau de sensibilité est notable.

« Plusieurs projets ont abouti et démontrent sur le terrain quotidiennement l’intérêt et l’efficacité de ces systèmes. Par exemple, le projet 112 Extremadura (GEMMA) de gestion des urgences de la région d’Extrémadure en Espagne, où policiers, pompiers et services médicaux d’urgence collaborent dans une même salle de commandement pour des interventions coordonnées et efficaces. On peut aussi citer le programme Scorpion, qui remplacera six systèmes de gestion des champs de bataille par un système d’information du combat unifié SICS1, technologie stratégique qui sera déployée sur l’ensemble de l’armée de terre française, permettant ainsi la coordination en temps réel des forces pour une guerre intelligente. Soldat augmenté, avec des drones, des armes connectées et des communications intelligentes : nous avons collaboré avec les forces armées pour développer Auxylium, un système mobile de communication 4G LTE tactique et résilient utilisé par les soldats engagés dans le cadre de l’opération anti-terroriste Sentinelle. » détaille Cyril Dujardin et d’ajouter « La convergence des silos techniques et organisationnels s’accompagne d’une conduite du changement, engagée mais délicate, qui permettra de renforcer les capacités de résilience des forces armées et de sécurité. »

Traiter efficacement des volumes croissants de données pertinentes

Les systèmes centralisés permettent ainsi la collecte d’une grande quantité de données issues de nombreuses sources d’informations. Véritable mine d’or, ces données doivent néanmoins être régulées afin d’éviter la saturation. Les capteurs déployés au plus près de la source doivent ainsi réduire « le bruit » et délivrer, grâce à un filtrage intelligent, des informations pertinentes, donnant le meilleur aperçu contextuel pour favoriser la prise de décision adaptée et rapide. Les capteurs peuvent ainsi communiquer localement entre eux pour déterminer la pertinence de faire remonter alertes et observations. Un pré-traitement à la source permet de réduire considérablement le volume de l’information.

Reste que ces outils technologiques ont besoin de reposer sur des ‘tuyaux’ de données qui ne sont pas toujours suffisamment dimensionnés face à l’augmentation de la capacité par paliers (4G vers 5G, fibre) alors que la croissance de l’information est continue. « La question des réseaux est donc essentielle, notamment sur des zones d’opérations où les conditions sont souvent dégradées. En parallèle des développements technologiques et des contraintes éthiques et légales de la capture indifférenciée, se posent des questions liées au volume des données qui croît plus vite que le nombre des humains pour les interpréter. Celles-ci doivent être intégrées dans le projet » ajoute Cyril Dujardin.

Pour aller plus loin, il est donc nécessaire d’anticiper l’augmentation des volumes d’information à l’échelle de temps visée, de différencier dans les besoins le temps réflexe / temps réfléchi, et de concevoir des systèmes pouvant accepter les futures évolutions en matière de 5G par exemple.

Enfin, l’arrivée rapide des nouvelles technologies numériques et les innovations dites « de rupture » émergentes – Big Data, Internet des objets (IoT), intelligence artificielle, sécurité prescriptive, intelligence distribuée – devraient se révéler transformationnelles dans les années à venir. La défense comme la sécurité intérieure doivent donc s’y préparer dès aujourd’hui.

L’intelligence prescriptive

Les systèmes d’armes traditionnels doivent cohabiter et tirer un avantage stratégique des nouvelles capacités apportées par le Big Data et l’intelligence artificielle dans le cadre de l’analyse du renseignement, du combat collaboratif, de la lutte contre le terrorisme ou tout autre mission de défense et de sécurité. « Nous parlons alors de l’intelligence prescriptive pour présenter aux personnels des options classées par ordre de priorité, la décision finale leur revenant. Il s’agit d’une nouvelle étape, importante dans la progression stratégique des capacités analytiques, qui joue et jouera un rôle crucial dans l’évolution des missions. » souligne Cyril Dujardin.

Parallèlement, la cybersécurité est un champ stratégique pour atténuer les cybermenaces grâce à une sécurité prescriptive alimentée par l’IA. « Nous sommes convaincus que la combinaison du meilleur de l’innovation militaire et de la technologie civile sera essentielle, unifiant les technologies électroniques et numériques renforcées à des fins militaires et de sécurité tout en tirant parti du plus grand écosystème de partenaires pour fournir une innovation efficace » ajoute Cyril Dujardin.

L’illustration la plus récente est celle du projet ARTEMIS2 dont l’objectif est de doter à terme le ministère des Armées d’une « infostructure » souveraine de stockage et traitement massif de données pour lui permettre d’agir de façon autonome dans les domaines du renseignement, du commandement des opérations et dans l’espace numérique. Au terme de la deuxième phase actuelle de développement, six cas d’usage3 permettront à des entités utilisatrices du ministère d’expérimenter de nouvelles capacités issues des technologies numériques pour le partage de connaissance, un meilleur suivi de la santé des militaires, la maintenance prévisionnelle des matériels ou le traitement et la visualisation des informations stratégiques et tactiques. « Ce positionnement et cette infostructure souveraine s’avéreront déterminants pour ancrer l’autonomie stratégique de la France et contribuer à une vision et une ambition européenne à long terme dans l’IA au service de la défense. » témoigne Cyril Dujardin et d’ajouter « Il est important, compte tenu des sujets régaliens, des données sensibles, de conserver la maîtrise de la technologie pour les projets souverains. En associant les technologies de pointe à l’éthique, à la cybersécurité et à la protection des données et des informations stratégiques, nous portons un socle de confiance essentiel. »

Une dimension majeure qui devrait également trouver une place de choix auprès du ministère de l’Intérieur, dans le cadre du livre blanc de sécurité intérieure, et par essence même lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, dont on sait que ce sujet figure parmi les 4 sujets stratégiques technologiques étudiés par la Coordination Nationale pour la Sécurité des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et des grands évènements sportifs internationaux.

  1. SICS : Système d’Information du Combat Scorpion
  2. ARTEMIS : Architecture de Traitement et d’Exploitation Massive de l’Information multi-Sources
  3. Planification et maintenance prévisionnelle, partage et synthèse de connaissance, mobilité des porteurs, état de santé des personnels, traitement et croisement de données hétérogènes, analyse des réseaux