La confiance, l’agilité et la résilience des territoires

La crise de la COVID-19 a mis en lumière l’agilité et la résilience des territoires. Unis derrière et avec leurs élus, les citoyens, les entreprises et les associations ont brillé par leurs ingéniosité et leur réactivité redonnant sens à la proximité, la solidarité et la confiance.

Alors que nous rentrons dans un nouveau mandat électoral pour les Maires, l’enjeu est de tirer les enseignements de cette crise, capitaliser sur cette dynamique pour faire perdurer ce terreau fertile des collectivités audacieuses.

Rencontre avec Christophe Bouillon, Maire de Barentin, président de l’Association des petites villes de France et ancien député.

Propos recueillis par Mélanie BENARD-CROZAT

Le député Christophe Bouillon a quitté ses fonctions au sein de l’Assemblée nationale après son élection aux municipales de Barentin en Normandie.

C’est donc au plus près de ses administrés et électeurs qu’il entend poursuivre son engagement.

Nos territoires se sont illustrés de manière exceptionnelle lors de la crise de la COVID-19 que nous venons de traverser. Mais il nous faut rester très prudents. Si la crise sanitaire n’est pas totalement derrière nous, c’est en parallèle une crise économique et sociale que nous devons anticiper pour mieux les circonscrire.

Une politique de confiance

Les collectivités locales bénéficient de la confiance des citoyens. Les élections municipales sont, avec l’élection présidentielle, le scrutin auquel la participation est la plus élevée en France.

Le Maire est l’élu préféré des Français. La collectivité est une institution en laquelle on a confiance. Elle est proche des habitants, elle oeuvre pour le bien commun. Les administrés ont la compréhension de ce qui est fait à l’échelle du terrain.

Capitaliser sur ce socle de confiance est essentiel pour affronter les 5 prochaines années et refondre nos modèles de fonctionnement en mettant au coeur de nos actions un pacte productif et démocratique renouvelé.

L’agilité et la résilience des territoires dont nous venons d’être les témoins ont démontré de notre capacité collective à nous adapter, à nous réinventer et à nous reconstruire.

Ce collectif prouve toute l’importance de refonder la subsidiarité entre les différents niveaux qu’ils soient local, régional, national ou européen pour rétablir la confiance. La qualité du processus collectif garantira un succès durable. Les sociétés qui résistent le plus sont celles qui font vivre la solidarité.

La création de l’Agence nationale de la Cohésion des territoires (ANCT) fin 2019 avec une mise en place opérationnelle en ce début d’année devrait représenter l’arrivée de ce que nous espérons comme étant un nouveau partenaire impliqué et au plus proche des collectivités territoriales pour faire réussir nos projets de territoires. Elle devrait nous accompagner en matière d’ingénierie technique et financière, de partenariats, de subventions… et développer des programmes d’appui innovants pour répondre aux défis que nous allons devoir relever. En somme, nous attendons qu’elle nous donne les moyens de l’émancipation territoriale.

Quel modèle pour demain ?

Un territoire de confiance mêle des aspirations aussi bien économiques, environnementales, sécuritaires que sociales.

Les fractures qui minent le pacte social aujourd’hui engendrent 4 défis majeurs que nous allons devoir relever collectivement : celui de la transition écologique, démographique, numérique et démocratique.

Pour un pacte productif, social et écologique réussi, nous devons résorber les inégalités et nous engager dans la durabilité en créant des richesses, mieux partager ; et en refondant la fiscalité. Cela nécessite de développer une éducation innovante et apprenante, de mettre en place un plan pluriannuel de soutien à l’industriepour favoriser la relocalisation par exemple. Doté de moyens suffisants, ce plan devrait porter sur la recherche, l’innovation, les investissements stratégiques, etc.

Recréeer du lien et de la confiance passera par l’amélioration des services au public : accès aux soins de santé, accès au numérique pour tous.

Nous l’avons vu pendant la crise de la COVID-19 où à l’heure du confinement et de la distanciation sociale imposés, le seul moyen de maintenir le contact avec nos proches, les plus isolés et les plus fragiles, fut le numérique.

Cela appelle donc à définir des politiques publiques de développement qui soient à la fois durables et solidaires en matière d’énergie, de logement, de mobilité, d’agriculture et d’alimentation. Liées entre elles, ces politiques doivent améliorer la vie quotidienne et permettre l’adaptation de notre société aux changements globaux. Elles participeront aux besoins d’anticipation et de planification essentiels. Cela nécessitera des investissements importants que nous devons programmer. Le plan de relance annoncé par le gouvernent devrait nous permettre de les conduire dans de bonnes conditions.

Ce pacte doit reposer au niveau local sur des projets de territoire, co-construits avec les parties prenantes. Les mesures prises ne seront acceptées et appliquées, seulement si les populations concernées peuvent participer à la définition de l’intérêt général. C’est donc le processus d’élaboration des décisions qui est déterminant pour rétablir la confiance, autant que les décisions elles-mêmes. Tel est l’essence même du pacte démocratique qui nécessite de renforcer la démocratie représentative en soutenant, développant et évaluant des expérimentations de démocratie participative, notamment à l’échelon communal et intercommunal. A cette fin, faciliter le recours et développer la formation à l’ingénierie du débat public serait pertinente.

Ces 4 enjeux ont tous été globalement portés lors des élections municipales. Les collectivités sont déjà impliquées sur de nombreux projets pour relever ces défis, à différents niveaux de maturité. L’objectif maintenant, va être d’accélérer le mouvement initié.

Une loi d’aménagement du territoire

La montée en puissance des collectivités locales est autant attendue que complexe.

Pour être totalement efficace, ce pacte devra s’accompagner d’une responsabilisation et d’un témoignage de confiance de la part de l’Etat envers les collectivités. Nous avons besoin d’un Etat stratège qui nous laisse gérer les dossiers pour lesquels nous avons les compétences et l’expérience nécessaires. Complexes et structurants, ces projets demandent un engagement sur le long terme, et doivent être traités au niveau le plus adapté, du niveau communal au niveau national, voire européen.

Une loi d’aménagement du territoire s’appuyant sur une décentralisation marquée par un approfondissement de la démocratie locale est attendue.

Nous avons amorti la crise. Les territoires peuvent aussi être « le carburateur » économique. Nous en avons la certitude : la relance économique, sociale et culturelle comme la transition écologique passeront nécessairement par les territoires, outils essentiels du monde résilient de demain.


Une révision de la Loi 3D attendue

Le projet de loi 3D pour décentralisation, différenciation et déconcentration, a pour ambition de transformer les relations entre l’État et les collectivités territoriales sans constituer pour autant un nouveau « big bang » territorial. Cette loi a été pensée avant la crise du coronavirus. Aussi, nous appelons à ce que ce texte soit révisé car la crise interroge notre modèle de société, de consommation et de résilience.

A un système trop vertical, nous appelons à plus d’horizontalité pour une égalité et une équité territoriales, mais aussi à l’émergence de filières courtes et de proximité et à une recomposition des chaînes de valeur au service d’une interdépendance territoriale.

Vers des territoires intelligents

De la transition numérique déjà engagée naissent les territoires dits intelligents, connectés. Pour être de confiance, dans ce monde où la prochaine crise pourrait bien être cyber selon de nombreux experts, les territoires doivent bien entendu se préparer à cette sécurité numérique et bâtir des scénarios à l’échelle des territoires. Le travail à accomplir est là encore considérable : nombre de collectivités sont la cible des cybercriminels, sans être préparées et pourtant déjà emportées par la vague de la e-administration. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) est saisie du sujet et nous accompagne. Ce travail devrait se renforcer en coopération avec l’ANCT.

Les territoires de confiance se dessinent au cœur de nos collectivités. Face aux enjeux sanitaires, économiques et sociaux post-confinement qui nous attendent, plus que jamais la notion de confiance sera au centre de toutes les préoccupations des territoires.