Coordination et coopération de sécurité au cœur des JOP 2024 : un maillon essentiel

Portrait de Pierre LIEUTAUD, Coordinateur Nationale pour la Sécurité des Jeux olympiques et paralympiques 2024 (CNSJ)

Créer un environnement sûr et sécurisé dans lequel tous les participants pourront évoluer dans un climat de confiance tout en célébrant l’esprit des Jeux est un défi considérable. Nous devons donc pouvoir impliquer et compter sur tous les acteurs car la réussite ne sera que collective.

Face à la multitude de menaces à laquelle nous devrons faire face en 2024, et à la grandeur de l’objectif qui nous a été assigné, le travail de préparation, de concertation et de coordination va massivement s’intensifier.

A moins de 4 ans de l’échéance, toutes les forces sont mobilisées.

Rencontre avec Pierre Lieutaud, Préfet Coordonnateur national pour la sécurité des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et des grands évènements sportifs internationaux au ministère de l’Intérieur

Le champ d’application du programme de sécurité olympique et paralympique vise à réduire les menaces de nature terroriste ou criminelle pendant la phase de construction des sites, pendant les épreuves tests et pendant la période opérationnelle des Jeux. Ce programme concerne les sites de compétition et d’hébergement, les réseaux de transport, ainsi que toute autre infrastructure stratégique pour l’organisation des Jeux.

La responsabilité de la sécurité publique incombe à l’État français. Le ministre de l’Intérieur est l’autorité suprême en matière de sécurité pendant les JOP. Toutes les expériences, en matière de lutte contre le terrorisme, les crises sanitaires, cyber, etc. sont intégrées dans la planification de la sécurité des Jeux.

Les risques et les menaces de demain doivent en effet être pensés dès à présent. Des ajustements et des mises à jour constantes seront ensuite effectués pour adapter le dispositif au contexte sécuritaire national et international de 2024.

Malgré le ralentissement provoqué par la crise COVID-19, nous travaillons de concert avec Paris 2024 sur la matrice des responsabilités et le référentiel national d’analyse globale des risques ce qui permettra, avec l’organisateur des Jeux (CIO – COJO), d’élaborer la planification de sécurité et de sûreté sur la base de ces éléments et des informations provenant des services de renseignement nationaux. L’élaboration du concept des opérations est enfin la déclinaison opérationnelle du protocole avec une répartition missionnelle. Ces documents essentiels seront finalisés d’ici à septembre 2020.

Nous tiendrons les délais et sommes prêts à accélérer le rythme sur le second semestre. Toutes les équipes sont mobilisées et je sais pourvoir compter sur l’énergie de tous pour réussir. Les pôles de la CNSJ sont composés de cadres choisis pour leur solide expérience et leurs compétences diversifiées.

4 volets technologiques majeurs

Les travaux autour des technologies ont débuté dès 2018. Une offre au spectre large nous a été présentée afin de répondre aux menaces et aux 4 sujets technologiques majeurs à mettre en œuvre à l’occasion des grands événements sportifs internationaux : gestion des flux et de contrôle des sites périphériques et périmétriques, détection automatisée des incidents, sécurisation des centres de commandement et enfin cybersécurité.

Le contrat de filière signé en janvier 2020 à l’occasion du Forum International de la Cybersécurité (FIC) de Lille a été marqué par un engagement important de l’Etat : la constitution d’une Equipe de marque interministérielle, placée sous la responsabilité de la CNSJ, regroupant les experts étatiques des technologies de sécurité et de la cybersécurité. Cette Equipe de marque doit réfléchir sur la doctrine d’emploi des technologies de sécurité susceptibles d’être déployées, d’en assurer la cohérence entre tous les acteurs participants à la sécurité des JOP, de dialoguer avec le consortium des industriels et d’accompagner les partenaires qu’il s’agisse des organisateurs, des exploitants actuels de sites, des opérateurs d’importance vitale (OIV), des collectivités territoriales ou des effectifs de la sécurité privée. Les travaux s’appuieront sur les conclusions du Livre Blanc de sécurité intérieure du ministère de l’Intérieur.

Nous étudions notamment l’intérêt du recours aux drones et aux outils de lutte anti-drone, à la vidéoprotection intelligente, aux outils de reconnaissance faciale, de communications sécurisées en lien avec le réseau radio du futur…

En matière de cybersécurité, champ majeur d’investigation face à la menace exponentielle que représente la cybercriminalité, nous analysons, en étroite collaboration avec l’ANSSI, l’ensemble des risques mais aussi des solutions autour de l’identité numérique, du cloud, de l’analyse des risques cyber, du chiffrement, du cloud, de l’intelligence artificielle, de la 5G…

Enfin, la question de l’héritage conditionnera l’acceptabilité de nombreuses de ces technologies qui pourront, pour certaines, nécessiter des évolutions ou des adaptations législatives. Ces technologies devront permettre d’économiser les forces de la sécurité publique et de la sécurité privée déployées sur le terrain à l’occasion de cette manifestation majeure.

Les industriels sont en demande de réponses rapides et claires. Nous y travaillons. Nous devrons également mener des expérimentations sur des temps courts. Reste également la problématique budgétaire et la mise à disposition, dans un premier temps au moins, d’un budget dédié au lancement des opérations de R&D et des expérimentations en situation réelle. La proposition de créer, même s’il n’est pas détaillé, un budget dédié aux Jeux dans le contrat de filière signé en janvier 2020 est un autre engagement important de l’Etat.

Quant à la sécurité privée, nous travaillons là encore avec les différents acteurs pour pouvoir associer la filière professionnelle et la faire monter en puissance. Elle a déjà entamé de nombreux chantiers pour se structurer, se professionnaliser.

Dans la poursuite de notre objectif commun, nous nous appuierons sur les propositions du rapport parlementaire Fauvergue-Thourot et sur celles émises par le groupe de travail dédié dans le cadre du Livre Blanc de la sécurité intérieure. L’objectif de renforcement de cette filière est autant qualitatif que quantitatif, avec des prérogatives supplémentaires de reconnaissance par des équipes cynotechniques en matière de recherche d’explosif par exemple, l’enjeu de la féminisation de la filière ou encore l’absorption du pic d’activité.

Rationalisation des investissements

Nous devrons, avec Paris 2024, réaliser des choix concertés. Assurer la rationalisation des investissements est essentiel. Ils sont nombreux et des arbitrages devront être rendus. Cela nécessitera une étude associant l’utilité, l’intérêt et l’apport de ces technologies en matière de sécurisation, d’économie d’effectif et de coûts.

Nous devrons étudier les offres présentées et là encore, les Français et les Européens sauront répondre aux attentes et mettre en valeur leurs compétences, leurs capacités et leurs axes différenciants. Je sais qu’ils se sont mis collectivement en ordre de marche. Les échanges avec leurs équipes sont réguliers. Nous devrons bien entendu respecter la législation en matière d’achats mais les équipements français auront, dans toute la mesure du possible, notre préférence. Nous adopterons un jugement empreint de sagesse et d’équité.

Des évolutions législatives indispensables

Demandé avant l’été, le calendrier en matière d’évolutions législatives sera une nouvelle fois bousculé, compte tenu de la crise actuelle qui nous oblige à nous adapter. Mais nous avons et nous aurons, dans les prochaines semaines, des échanges à la demande des parlementaires qui suivent nos travaux de près.

Plusieurs options sont possibles : fixer un cadre législatif ad hoc pour la durée de l’évènement, ou adopter un texte pérenne, ce qui implique des délais plus longs. Je suis favorable, pour ce qui me concerne, à la seconde option qui reflète ainsi notre engagement en termes d’héritage dans la construction de ces Jeux. Les avancées, qu’elles soient technologiques ou législatives, doivent être bénéfiques pour nos concitoyens post JOP 2024.

Ces évolutions et les investissements réalisés nécessiteront des explications auprès des citoyens. Les cas d’usage seront présentés et expliqués. Cette étape pédagogique sera essentielle si nous voulons une acceptation et donc une appropriation et une utilisation des dispositifs choisis et déployés.

Une approche systémique intégrée

Le succès des jeux de Paris 2024 sera assuré par une planification méticuleuse et intégrée, et une mobilisation collective sans précédent.

Il s’agit d’un défi considérable où chacun a un rôle clé à jouer. Un projet structurant, porteur, fédérateur qui appelle aussi à une grande responsabilité. C’est donc une approche systémique vitale que nous devons adopter. Nous sommes au sein de la CNSJ, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur et en lien direct avec le délégué interministériel aux JOP, garant de cette vision d’ensemble pour élaborer la sécurité globale des Jeux.

C’est en intégrant et en combinant les composantes opérationnelle, technologique, économique, juridique, sociétale et environnementale au cœur de notre approche que nous réussirons à faire de ces Jeux Paris 2024, l’évènement sportif et festif attendu de tous.