Le monde du transport à l’épreuve des JOP 2024

D’après une étude de l’Institute for Transportation and Development Policy (ITDP), publiée en 2016, Paris serait la ville du monde la mieux desservie par les transports en commun. Néanmoins, dès que le périphérique de la petite couronne est franchi, les problèmes de mobilité se dessinent. Dans ce contexte, les JOP 2024 pourraient donner une impulsion significative à des projets ambitieux en matière de mobilité. « 100 % des spectateurs disposeront d’une solution en matière de transport en commun pour se rendre sur chacun des sites de compétition », a déclaré Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Ile-de-France. Pour atteindre cet objectif, les différents travaux menés devront s’appuyer sur deux impératifs : réduire les inégalités d’accès aux transports et favoriser la transition écologique.

Par HUGO CHAMPION

« La révolution des transports »

« Souple, efficace, capacitaire, écologique »… autant de leitmotivs consacrés par la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, pour annoncer cette révolution des transports à venir. Les projets visant à développer le réseau francilien sont de taille : plus de 700 rames de trains et RER, neuves ou rénovées et l’accélération du projet de Grand Paris Express (GPE), avec également de nouvelles lignes et des lignes existantes prolongées. « 268 gares seront accessibles en 2024 en Ile-de-France, contre 146 actuellement », annonce le directeur général d’IDF Mobilités Laurent Probst. Dans le cadre du GPE, quatre nouvelles lignes de métro (15, 16, 17 et 18) seront créées et deux stations de métro se verront prolongées (les lignes 11 et 14). Avec ses 200 km de lignes automatiques, soit autant que le métro actuel, et 68 gares, le Grand Paris Express s’impose comme le plus grand projet urbain en Europe.

« Environ 11 millions de voyageurs traverseront la petite et grande couronne tous les jours soit 2 millions de plus qu’en temps normal », rappelle Thomas Collomb, responsable sécurité et mobilité Paris 2024 au sein COJO. La nouvelle architecture du transport francilien profitera aux 10 millions de spectateurs des JOP 2024, aux 15 000 athlètes et aux 20 000 journalistes et le futur réseau de transport épousera les exigences de l’évènement. Les dernières lignes conçues et leur prolongation permettront de relier le centre parisien au village olympique, réparti sur 3 communes : Saint-Denis, Saint-Ouen et L’Ile-Saint-Denis. « Il existe une parfaite articulation entre les deux projets. Les sites olympiques s’appuient sur le réseau en 2024 », expliquait en 2017, Patricia Pelloux, directrice des études à l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR). Toutefois, si de nombreuses lignes devraient être opérationnelles pour le lancement des Jeux, le calendrier des travaux pourrait se voir perturbé par la mise à l’arrêt des 150 chantiers en cours, provoquée par la crise sanitaire du COVID-19.

Vers une démocratisation de la mobilité ?

Alors que la création de lignes va dans le sens d’une démocratisation de la mobilité, des voix s’élèvent pour interroger voire dénoncer les projets en cours. La mise en service de la future liaison ferroviaire CDG Express entre la gare de l’Est et l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle prévue pour 2024 a finalement été reportée à 2025. La maire de Paris, Anne Hidalgo, et Valérie Pécresse, ont toutes deux alerté le gouvernement sur les risques d’interférences avec les travaux du RER B qui dégraderont une qualité de service déjà largement critiquée sur cette ligne qui transporte 900 000 voyageurs par jour. « Nous avions fixé une limite : que l’impact de la réalisation du CDG Express ne soit pas trop pénalisant pour les voyageurs du quotidien », avait expliqué la ministre des Transports, Elisabeth Borne et d’ajouter : « 500 millions d’euros de travaux du CDG Express bénéficieront directement à l’amélioration du RER B ». La construction du CDG Express suscite également des oppositions en raison de son coût, estimé à 2,1 milliards d’euros avec un prêt étatique de 1,7 milliard d’euros. Le montant du billet, prévu à 24 euros, amène certains élus, issus notamment du parti socialiste (PS) et communiste (PCF), à qualifier le CDG Express de « train des riches ». L’autre point qui génère des oppositions au projet est la superposition du CDG Express à la ligne 17, dont la mise en service est prévue pour 2030, et qui desservira le terminal 2 de l’aéroport de Roissy, mais aussi le futur terminal 4. Le prix du trajet sera celui d’un ticket de métro (soit 1,90 euros actuellement) et la ligne sera accessible au passe Navigo. « En 2025 comme en 2024, le CDG Express est une catastrophe pour les Franciliens », s’indignent les élus PCF d’Ile-de-France Mobilité.

« Le Grand Paris Express vise à doter l’Île-de-France d’un métro automatique en rocade pour décongestionner le centre de l’agglomération parisienne, désenclaver les banlieues, et soutenir le développement économique de la région en mettant en réseau les grands pôles métropolitains », explique le ministère de la Transition écologique et solidaire. Le projet du Grand Paris a pour but de faire de la capitale et de l’Île-de-France « un moteur de la croissance économique française, en même temps qu’un des pôles urbains les plus attractifs du monde », ajoutent en 2014 les députés Yves Albarello et Alexis Bachelay dans leur rapport sur le développement durable et l’aménagement du territoire. Et Yves Albarello d’ajouter : « il s’agit de créer d’ici 2025, 800 000 emplois, attirer 1,4 million de nouveaux Franciliens, et générer 1,2 % de PIB supplémentaire ».

Le pari écologique des JOP 2024

« C’est une révolution écologique, économique, sociologique, comportementale, qui va profiter à toute la région », se félicite Valérie Pécresse. Les JOP 2024 représentent une occasion d’accélérer la transition écologique. Les pouvoirs publics se sont engagés à organiser les premiers Jeux olympiques à neutralité carbone. Pour atteindre cet objectif, la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) a établi un partenariat avec les Haropa-Ports de Paris, Voies navigables de France (VNF) et la Préfecture de Région d’Ile-de-France pour la construction des deux futurs sites du village olympique de Paris 2024 à Saint-Ouen dont la SOLIDEO a la maîtrise d’ouvrage. La Seine sera utilisée pour le transport fluvial des matériaux, évitant l’encombrement des camions. Un des projets de la SOLIDEO consisterait à installer une « bande convoyeuse » sur pilotis, permettant de réduire de près de 80% l’empreinte carbone des chantiers.

Le pari écologique des Jeux se remportera par un mode de déplacement responsable des spectateurs. « Chaque spectateur qui vient assister aux JO doit réduire son propre impact », affirme Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. C’est dans ce sens que la maire actuelle de la capitale Anne Hidalgo a présenté son plan Vélo, qu’elle pourra conduire en cas de réélection aux prochaines élections municipales. Le projet entend donner une voie nouvelle aux deux roues dans Paris. 100 000 nouvelles places de stationnement, aménagement d’au moins une vélorue par arrondissement, généralisation du double-sens cyclables en zone 30… l’objectif est de faire de Paris une capitale mondiale de la petite reine. Le plan Vélo devrait « permettre à 73 % des spectateurs d’être à moins de 30 minutes à vélo des sites de compétition depuis le centre de Paris », explique la maire de Paris. La tenue des JOP 2024 à Paris est donc synonyme d’accélérateur de projet. Un nouveau plan de bus électrique a ainsi été lancé par la région. « Si on veut que les flottes de bus de la RATP aient entièrement basculé vers une nouvelle motorisation, le bon calendrier, c’est 2024. […] Et les Jeux Olympiques vont être un accélérateur de cette transition écologique », confirme-t-elle. La RATP, via l’IDFM, s’est engagée dans un plan de renouvellement complet de son parc de 4700 bus, qui doit devenir 100 % propre (environ 2/3 électriques et 1/3 biogaz) à l’horizon 2025.

L’innovation au cœur des JOP 2024

« La candidature Paris 2024 a fait de l’innovation un marqueur de son projet », a déclaré Tony Estanguet. L’innovation entend répondre aux exigences multiples que posent les JOP 2024, notamment en matière de mobilité écoresponsable. Les Jeux représentent ainsi une occasion inédite de valoriser les start-up et les TPE-PME françaises et leurs technologies. C’est pourquoi la SOLIDEO a créé un fond de 48 millions d’euros afin « de soutenir les PME porteuses de solutions innovantes pour la ville durable de demain », explique Benoît Piguet, le directeur des relations institutionnelles de la structure chargée de construire les sites olympiques. En 2016 a été lancé par le comité de candidature en partenariat avec Numa, un appel – « Smart Paris 2024 » – aux start-up pour proposer des innovations dans cinq domaines : smart city, smart event, smart experience, smart mobility et smart sport. Dans le cadre de la smart mobility, la start-up Navya proposera ses véhicules électriques autonomes pour transporter les athlètes sur le village olympique à la demande. « L’idée est de les amener à faire évoluer leurs navettes vers une sorte d’hybride entre taxi et transport collectif », précise Nicolas Ledoux, associé au cabinet de conseil Algoé, organisateur de l’appel à innovation. La société a récemment annoncé une hausse d’environ 90% de ses investissements de R&D afin de lancer les premiers tests en autonomie complète de ses véhicules en 2020. Navya s’est d’ailleurs illustrée à Jacksonville, en Floride, où elle a mis à disposition quatre véhicules pour transporter des tests de dépistage du COVID-19. L’utilisation de taxis volants pour les JOP 2024 pourrait contribuer davantage au rayonnement des prouesses technologiques de la France. La RATP et Airbus se sont associés pour proposer un premier service entre Roissy-Disneyland Paris et Roissy-Saint-Denis. L’appareil électrique pourra à terme transporter quatre personnes à une vitesse de 120 km/h. Si la technologie est éprouvée et opérationnelle, les différentes problématiques liées à son usage doivent encore être réglées : cadre réglementaire et législatif, gestion des flux, pistes d’atterrissage, etc.

Quant au train du futur, permettant de rejoindre Paris-Marseille en 40 minutes à une vitesse de 1 200km/h, il pourrait transporter ses premiers voyageurs dès cette année et être opérationnel à plus grande échelle en 2024. La société américaine Hyperloop Transportation Technologies (HTT) a construit en Haute-Garonne sur l’ancienne base aérienne de Francazal près de Toulouse, un tunnel d’essais de 320 mètres de long. « Nous sommes plus près que jamais du moment où nous transporterons des personnes dans l’Hyperloop pour la première fois », a déclaré Bibop Gresta, président de HTT.

Ainsi, les JOP 2024 pourraient, depuis Paris, et sous le regard de toute la planète, ouvrir les portes du réel aux nouveaux moyens de transport. Des écrans de cinéma où le Cinquième Elément, Blade Runner ou encore Retour vers le futur nous ont fait rêver, les JOP 2024 pourraient exaucer le vœu de voir voler votre taxi ou vous permettre de rejoindre Paris-Marseille en un éclair…