Horizon 2022 Le Qatar prépare la Coupe du monde de football

Le Qatar s’est lancé dès le début des années 2000 dans une politique sportive ambitieuse, vecteur de modernisation et de rayonnement à l’international, dans le cadre de la stratégie globale de développement du pays, dite « Vision 2030 ». En novembre-décembre 2022, l’émirat accueillera la Coupe du monde de football, le plus grand événement sportif jamais organisé dans le monde arabe. Les défis sont nombreux pour ce pays de la taille de la région Île-de-France et peuplé de 2,7 millions d’habitants, dont seulement 330 000 nationaux, y compris dans des domaines connexes tels que les conditions de travail des travailleurs migrants sur les chantiers ou la construction d’infrastructures respectueuses de l’environnement.

Par le colonel Stéphane LACROIX, attaché de sécurité intérieure à l’ambassade de France à Doha, Qatar

Dans le cadre de la Coupe du Monde de football 2022, le Qatar pourrait recevoir, selon les estimations, jusqu’à 1,5 million de fans, auquel s’ajoutent les 3,3 milliards de téléspectateurs. Quatre matchs quotidiens rythmeront les phases de poule, dans un espace dont l’élongation la plus importante n’excédera pas 55 km. Dans ce contexte, trois lignes de métro jalonnées de 37 stations, et deux lignes de tramway ont été récemment créées afin de drainer l’afflux massif de supporters, dans un pays où la culture du transport collectif est nouvelle. L’enjeu est également de construire sept stades neufs et d’en moderniser un huitième, le stade historique Khalifa. L’amélioration des infrastructures passera en outre par le développement de la capacité hôtelière du pays, estimée actuellement à 70 000 lits. Paquebots de croisière et structures modulaires (en périphérie de Doha et dans le désert) viendront compléter le besoin identifié, tout en favorisant l’attrait touristique.

De nombreux défis à relever

La crise régionale complique la bonne tenue de l’événement. Au-delà des difficultés logistiques posées par l’embargo imposé par l’Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis et l’Egypte depuis juin 2017 (contournement de leurs espaces aériens, mise en place de nouvelles routes d’approvisionnement, etc.), Doha risque de ne pas pouvoir compter sur l’afflux de spectateurs de ces pays. Il craint par ailleurs pour sa sécurité. A la gestion de la menace terroriste, de l’hooliganisme et des mouvements de foule, s’ajoute la menace de cyber-attaques qui affecteraient durablement l’image d’un pays qui ambitionne d’accueillir, à terme, les Jeux olympiques d’été.

Pour relever ces défis, le Qatar s’est structuré, dès l’annonce de sa désignation en 2010, en développant des partenariats lui permettant d’acquérir les standards nécessaires. Fixée par l’Émir, la stratégie est mise en œuvre par le Supreme Committee for Delivery and Legacy, lequel est responsable de la livraison des projets d’infrastructure nécessaires à l’organisation de cet événement. Cette structure est dirigée par un secrétaire général, Hasan Al Thawadi, une personnalité parmi les plus influentes du pays. En son sein, un comité sécurité, présidé par le Premier ministre et ministre de l’Intérieur, fixe les grandes orientations en matière de gestion sécuritaire de la compétition, conformément aux directives et standards fixés par la FIFA, avec laquelle le comité a récemment signé une joint-venture.

Une coopération internationale

Le Qatar s’appuie sur les expertises internationales afin d’acquérir les standards nécessaires. Deux objectifs principaux sont poursuivis : permettre aux forces étatiques, peu confrontées à l’adversité en temps normal dans un pays classé parmi les plus sûrs du monde, de réagir de manière cohérente et proportionnée aux événements qu’elles ne manqueront pas de rencontrer ; et créer les conditions d’une parfaite complémentarité d’action entre forces régaliennes et sécurité privée, à qui sera confiée la gestion de l’intérieur et des abords des stades, des fan zones, des hôtels, etc. Au regard du volume des forces en présence et de l’absence de sécurité privée structurée, le pays s’est engagé dans un vaste programme de recrutement (à l’appui d’accords signés avec des pays tiers, tels que le Maroc ou la Jordanie) et de formation à la gestion des foules.

La France, un partenaire singulier et solide

La sécurité constitue donc un axe fort de coopération internationale et la France entend capitaliser sur l’expérience acquise en matière de gestion des grands événements (COP 21 en 2015, Euro 2016 et Coupe du monde féminine de football 2019) et sur l’accompagnement sécuritaire qu’elle a déjà assuré, aux côtés des Qatariens et avec succès, lors de grands rendez-vous sportifs organisés par l’émirat (15e jeux asiatiques de 2006, championnats du monde de handball de 2015, championnats du monde de cyclisme de 2016, coupe de l’émir et championnats du monde d’athlétisme en 2019). La concurrence se veut plus forte que par le passé, du fait des enjeux propres à cet événement et du contexte régional, mais la France jouit toujours, grâce notamment au partenariat étroit qui unit la gendarmerie française et le pivot sécuritaire que constitue la Force de sécurité intérieure, d’une place singulière et solide.

Une coopération forte

La coopération entre la France et le Qatar, dans le domaine de la sécurité intérieure, se caractérise par sa très grande vitalité. Initié en 1996 par la signature d’un mémoire d’entente entre ministres de l’Intérieur, ce partenariat s’est structuré en 2003 avec la mise en place d’une coopération inédite entre la Force de sécurité intérieure (FSI), nouvellement créée, et la gendarmerie nationale française, laquelle s’est engagée à transférer son expertise sur tout le spectre sécuritaire (lutte contre le terrorisme, intervention spécialisée, planification et gestion de crises, formations motocyclistes, etc.). Une relation particulière, basée sur une confiance mutuelle, s’est ainsi développée au fil des années, comme en témoigne la présence de deux officiers de gendarmerie insérés au sein de la FSI, force de 4500 hommes et femmes qui compte à la fois ce qui peut ressembler à la gendarmerie mobile, au GIGN, aux démineurs et aux sauveteurs des formations de la sécurité civile, à la protection rapprochée et aux unités motocyclistes. La densité de ce partenariat a permis d’ouvrir la voie à de nouvelles coopérations avec les autres forces de sécurité du pays (sécurité publique, protection civile, garde de l’Émir, police militaire), toutes placées in fine sous l’autorité de l’Émir.

Partant du postulat que la sécurité et le bon déroulement de la Coupe du monde est dans l’intérêt de tous, la France a décidé d’accompagner le Qatar dans l’organisation de cet événement planétaire. Sur le plan de la sécurité, une mission d’évaluation, conduite en octobre 2018 par la direction de la coopération internationale, a permis de dessiner les premiers contours d’une offre de sécurité, combinant renforcement de capacités et appui à la planification, au commandement et à la conduite des opérations. Désormais, le ministère de l’Intérieur, dans ses différentes composantes (gendarmerie, police avec le concours, à titre d’exemple de la division nationale de lutte contre le hooliganisme, la sécurité civile avec une composante secours et déminage), est prêt à travailler à une offre intégrée de haute valeur ajoutée, répondant aux besoins des Qatariens et couvrant, en anticipation et pendant l’événement, tout le spectre d’un grand événement sportif (planification et gestion de crises, cybersécurité, sécurité des mobilités – bateau, avion, métro – intervention spécialisée, protection des sites sensibles, incluant la lutte anti-drones, etc.). Une déclaration d’intention a été signée lors de la visite officielle du Premier ministre, Edouard Philippe, à Doha, en mars 2019 et une feuille de route opérationnelle est en cours de finalisation.

La France espère ainsi que les échanges de bonnes pratiques autour de la Coupe du monde de football 2022 seront porteurs d’enseignements et d’expériences riches dans tous les domaines, et utiles à l’organisation de la Coupe du monde de rugby 2023 et des Jeux Olympiques et paralympiques de 2024.

Photo :

légende « vue d’ensemble du stade d’Al Janoub, premier stade inauguré en mai 2019 à l’occasion de la finale de la Coupe de l’Emir »

©comité suprême d’organisation CM 2022