La révolution du patient au coeur du nouveau système de santé

La crise de la covid-19 a permis de révéler les limites de notre système de santé mais impulse également une dynamique en faveur du développement de la e-santé. La dernière édition du Jeudi de la Sécurité a permis de revenir sur les enjeux nationaux, européens et internationaux de la numérisation des outils de santé au service du patient. La collecte et le stockage des données tout comme le développement de l’IA sont autant d’enjeux permettant d’entretenir un climat de confiance. Face à la covid-19 et à l’explosion des maladies chroniques, la e-santé devrait ramener le patient au centre du modèle.

Par Catherine CONVERT & Simon DOUAGLIN

La crise de la covid : accélérateur du numérique

Le système de santé français subit de lourds retards de développement depuis des années notamment dans la e-santé. La crise sanitaire a révélé ses failles mais a aussi permet une prise de conscience des enjeux. « Le système de santé est le secteur le moins digitalisé de la société marquant notamment l’échec des politiques publiques visant à développer le DMP ou les e-consultations. En ce sens, la crise sanitaire a joué un rôle d’accélérateur, visible par l’explosion de la télémédecine, la mise en place d’alliances public/privé et la prise de conscience de l’importance de protéger les données de santé. » détaille Angèle Mâlatre-Lausac, directrice déléguée à la santé de l’Institut Montaigne1. Cette accélération permettrait à l’avenir de garantir une santé universelle et accessible à tous à condition de répartir les financements de manière optimale.

Quel modèle de financement ?

Les investissements dans le domaine de la e-santé ne suffisent plus, il faut donc se tourner vers un autre modèle de financement. « Il ne suffit plus seulement d’injecter un financement public. Même en consacrant 17% de leur PIB, les Etats-Unis ne parviennent pas à obtenir des résultats assez satisfaisants. » explique Angèle Mâlatre-Lausac. En effet, « on observe un grippage du système de financement du numérique en santé alors qu’il faudrait justement une accélération. » complète Olivier Clatz, directeur du Grand Défi « IA en santé » au secrétariat général pour l’investissement (SGPI) auprès du Premier ministre. De plus, « beaucoup d’argent est consacré à la recherche dans le domaine du numérique mais peu est consacré à la sécurité des données, pourtant un élément essentiel » ajoute David Ofer, VP chez iTrust.

Constatant les limites des méthodes traditionnelles de financement, « il s’agit d’agir là où il y a des manques importants en finançant des start-up via des fonds d’investissement ou via l’Union européenne ou bien en mettant en place des appels à projet. La mise en place du concours i-Nov est également une façon de cibler les segments de l’économie qui nécessitent une dynamique d’innovation plus forte. » indique Olivier Clatz. Pourquoi ne pas profiter des données de santé pour accompagner le développement du numérique ?

L’enjeu de la protection des données

Collecter des données sensibles peut être source de défiance malgré tous les avantages pour la e-santé. Pour favoriser la confiance il faut donc mettre l’accent sur la cybersécurité. « La donnée doit être fiable et disponible pour alimenter les technologies qui en ont besoin et améliorer les soins. On peut ainsi bénéficier d’une traçabilité et d’un historique précis des pathologies patient. La sécurité est également un volet essentiel de la e-santé nécessaire pour favoriser la confiance. A ce titre, nous utilisons de plus en plus l’IA, et le machine learning, seul outil permettant de repérer les comportements déviants et d’intervenir pour éviter les fuites. » détaille David Ofer. « A long terme, il s’agit de moderniser les outils de régulation du système de santé notamment avec la réforme de tarification concernant la régulation des soins. Ensuite, il faut mettre l’accent sur la gouvernance des données de santé afin de permettre à la fois fluidité et sécurité. Enfin, la filière traditionnelle de santé (ARS, CNAM, etc) voit apparaître de nouveaux acteurs comme Doctolib ou bien Dassault. La crise a permis de créer de nouvelles alliances entre eux, mais il faudra à l’avenir essayer de les fédérer. » explique Angèle Mâlatre-Lausac.

La loi de bioéthique indique par exemple que le patient doit être informé lors de l’utilisation de ses données de santé par l’IA. « Les données de santé ont une très grande valeur comme en témoigne la marchandisation de celles-ci sur le dark web. La vente des données de santé peut atteindre des sommes très élevées ce qui renforce la menace sur les systèmes de santé numérique. » indique David Ofer.

L’utilisation et la sécurisation des données personnelles dépend de l’Etat. « L’Etat est le garant de la protection des données personnelles. Il se concentre sur les technologies socles et la valeur ajoutée doit provenir du reste de l’écosystème des entreprises du numérique. » explique Olivier Clatz.

La révolution du patient

Ces nouvelles solutions visent toutes l’amélioration des soins patient tout en protégeant les données personnelles. « La digitalisation des outils de santé doit améliorer la qualité des soins tout en garantissant un droit de regard au patient sur ses données personnelles à l’image du Blue Bouton, un programme américain qui permet au patient de choisir librement l’utilisation de ses données surtout lorsqu’il s’agit de données intimes. De même, la Mayo Clinic place l’expérience utilisateur au coeur du système : c’est-à-dire réaliser ses tâches numériques en un minimum de clics, ainsi les soignants sont les plus susceptibles d’améliorer le système. » explique Etienne Grass, directeur secteur public Europe Capgemini Invent.

Le stockage des données comprend donc un enjeu politique puisque celles-ci permettent de faire émerger les outils d’IA. L’enjeu à court terme repose donc sur le projet GaïaX en tant que cloud souverain et sur le Health Data Hub pour les données de santé. « Lorsque l’on aura un système de e-santé stable avec des outils interopérables et une protection cyber fiable, nous pourrons alimenter massivement le Health Data Hub et créer des liens numériques entre les soignants et les chercheurs. On pourra ainsi résoudre le problème de transparence au service de la confiance. » partage Olivier Clatz. Cette confiance replacera le patient au centre du nouveau modèle « la e-santé amène la révolution du patient » conclut Etienne Grass.

1 Rapport de l’Institut Montaigne