La Blockchain, notre nouvel atout ?

Pur produit de l’invention d’idéalistes utopistes, la Blockchain émerge au moment de la crise financière de 2008 et a depuis, parcouru des kilomètres et se dresse désormais comme une technologie prometteuse des 5 années à venir. Popularisée dans un premier temps par la cryptomonnaie Bitcoin, la Blockchain s’étend désormais dans toutes les sphères de la société et fait parler d’elle, tant son potentiel est important. Mais que connaît-on vraiment de cette technologie pleine de promesses ?

Il faut remonter aux fondements mêmes de la Blockchain pour comprendre sa philosophie, la vision de la société qu’elle entend donner et ce qui fait d’elle une promesse pour « le monde d’après » : la garantie d’une confiance retrouvée. Comment engager le virage vers cette nouvelle révolution technologique ?

Par Julien Furlanetto, Manager et expert Blockchain chez Wavestone et Karen Jouve, Consultante Secteur Public spécialisée sur les questions de Sécurité Intérieure et Blockchain chez Wavestone

La Blockchain, de quoi parle-t-on ?

La Blockchain puise d’abord son fondement dans le désir de se libérer d’un contrôle central, opéré par un organe comme dans le cas des banques par exemple, et lui permet ainsi d’être totalement décentralisée. Sa deuxième raison d’être est de garantir confiance et transparence notamment à travers un procédé technique cryptographique qui la rend ainsi immuable et sécurisée. Enfin, elle constitue une immense base de données permettant de stocker un nombre illimité d’informations et parvient à garder l’ensemble de l’historique de ses échanges, à la manière d’un immense livre de comptes. Technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, fonctionnant sans organe central de contrôle, la Blockchain fait déjà sa révolution dans le monde des affaires.

Le dernier élément clé de la Blockchain est son caractère partagé, puisque l’ensemble des données stockées sont fractionnées entre les différents utilisateurs, leur permettant de vérifier la validité de la chaîne.

Les caractéristiques uniques de la Blockchain font d’elle un atout prometteur de l’activité économique de nos sociétés et peut se résumer en trois catégories :

– Le transfert d’actifs de tout ordre : actifs monétaires, titres, votes, actifs immobiliers, actions, ou encore obligations ;

– La création de registres afin de garantir traçabilité des produits et authentification des actifs : c’est notamment le cas dans les domaines de l’agroalimentaire, la logistique, le luxe, l’industrie pharmaceutique… ;

– la création de smart contracts, c’est-à-dire de programmes autonomes qui exécutent de façon automatique et décentralisée des conditions définies auparavant : c’est largement utilisé dans le monde de l’assurance, du droit ou encore l’énergie.

La Blockchain ouvre donc de nos nouvelles possibilités, pour répondre différemment à des cas d’usage existants en apportant décentralisation et transparence, mais également pour permettre d’innover et d’accélérer l’émergence de nouveaux services dans tous les secteurs.

La Blockchain : une technologie pour renouer avec la confiance

C’est en tout cas la promesse que fait la Blockchain en tentant de réinventer notre rapport au tiers de confiance. Aujourd’hui, l’ensemble des systèmes économiques reposent systématiquement sur un organe central de contrôle auquel nous faisons confiance. C’est notamment le cas des banques, des huissiers ou encore des notaires qui constituent des tiers de confiance, eux-mêmes contrôlés par un régulateur, puis, par l’Etat, garant de la cohérence et de la stabilité de l’ensemble du système en place : le tiers de confiance ultime !

La spécificité de la Blockchain est qu’elle se positionne comme un tiers de confiance, non pas humain, statutaire ou organisationnel, mais numérique.

La Blockchain a la capacité de simplifier et effacer cet empilement de tiers de confiance au profit d’une technologie partagée et infalsifiable. C’est en cela qu’elle constitue une petite révolution dans le monde des affaires.

Cette confiance numérique repensée ouvre ainsi la voie à de nombreux usages et permet à une multitude d’acteurs d’effectuer des transactions sans limite.

Ainsi, qu’il s’agisse de certifier un document (diplôme), de prouver l’identité d’une personne, de tracer de bout-en-bout un produit ou encore de bancariser des millions de personnes dans les pays non développés, la Blockchain amène à repenser notre rapport à l’autre, notre vision de la confiance et notre degré d’acceptabilité technologique.

Construire une nouvelle société de confiance demain

Parmi le panel de cas d’usages existants et à venir, certains semblent sortir du lot et bénéficier d’un niveau de maturité et d’un potentiel d’acceptabilité intéressant les décideurs.

D’abord, l’identité numérique, fortement médiatisée ces dernières semaines, trouve un réel intérêt à utiliser la technologie Blockchain. En effet, le concept d’identité souveraine consiste à créer un modèle dans lequel chaque citoyen aurait le contrôle total de ses données, au moyen d’un portefeuille de données personnelles. Dans ce cadre, la Blockchain pourrait être utilisée pour stocker l’ensemble des informations de façon cryptée et sécurisée, et laisser libre l’utilisateur de décider quand et comment ses informations peuvent être partagées. Exit les nombreux codes d’identification et les papiers qui se perdent, chaque citoyen pourrait détenir l’ensemble de ses informations essentielles dans un même portefeuille et ainsi retrouver le contrôle sur ses données.

Le deuxième cas d’usage fortement popularisé est celui de la traçabilité et de l’authentification. C’est le cas dans la Supply Chain où la technologie Blockchain a le potentiel de devenir l’indispensable maillon de la chaîne logistique, grâce à l’historique des transactions effectuées et la preuve de responsabilité à chaque étape. Par extension, le suivi du matériel sensible (celui des Armées par exemple) pourrait profiter d’un registre unique mais partagé de chaque mouvement effectué tout au long du cycle de vie. En cas de problème ou de dysfonctionnement, cette traçabilité améliorée offrirait la possibilité de retrouver les éléments et de connaître leur historique d’utilisation, de façon fiable.

Enfin, la Blockchain pourrait offrir une solution alternative pour déployer des systèmes de messageries sécurisées. Basée sur la Blockchain, une messagerie sécurisée pourrait présenter un intérêt pour les échanges dans le secteur de la Défense ou de la Sécurité Intérieure, jusqu’au partage instantané d’informations critiques en opération (sous réserve de couverture réseau bien évidemment) – le tout fonctionnant sans organe central de contrôle. En prenant l’exemple de Tchap (la messagerie sécurisée de l’Etat français), la Blockchain pourrait permettre de redéfinir le rôle de tiers de confiance de l’exploitant du service, tout en continuant d’offrir un moyen sécurisé et fiable pour communiquer.

Pour répondre à ces cas d’usages, il y a deux façons principales d’utiliser la technologie Blockchain :

  • Utiliser une Blockchain publique existante (Bitcoin par exemple), ouverte à tous et accessible via Internet. La validation des transactions repose sur la notion de « consensus décentralisé », c’est-à-dire qu’elle est effectuée par ses membres et s’affranchit d’un organe central de contrôle.
  • Créer ou utiliser une Blockchain privée. Ce type de Blockchain est soumis à un contrôle d’accès et à une gouvernance centralisée. Pour la rejoindre, les participants doivent être préalablement approuvés par l’entité qui l’administre. C’est cette entité centrale qui définit les règles de fonctionnement. C’est sans doute ce modèle de Blockchain privée qui pourrait correspondre le mieux aux usages possibles pour la Sécurité et la Défense.

Dans cette catégorie, on distingue également une forme hybride, de type Blockchain privée de consortium. La gouvernance y est partiellement décentralisée entre plusieurs entités qui forment un consortium (différents leaders de secteurs non concurrents par exemple).

Reste à considérer les principales limites techniques existantes de la Blockchain. Concernant l’utilisation d’une Blockchain publique, le nombre de transactions possibles par seconde pourra être dans la plupart des cas un facteur limitant, contrainte qui sera moins forte sur une version privée et dédiée à un usage. Enfin, la taille des informations stockées doit être minimale et optimisée, la conception des applications Blockchain (Smart Contract) doit être pensée définitive, compte tenu de la faible ou complexe évolutivité de ces dernières.

Enjeux et perspectives : la Blockchain demain

La Blockchain se situe à un moment crucial de son existence : encore balbutiante à certains endroits, elle accélère véritablement la transformation de pans entiers de la société dans une ambition forte de décentralisation et de changement de paradigmes. Nous avons la conviction qu’avec une transformation telle des usages et des modes de fonctionnement, la Blockchain deviendra incontournable dans les 5 prochaines années, et fait déjà l’objet de toutes les attentions, des pouvoirs publics à la sphère privée. Néanmoins, elle pose nécessairement des défis d’ordre social, éthique et sécuritaire : comment limiter l’action de cybercriminels ? Comme éviter des attaques de cybersécurité ? Comment concilier Blockchain et transition énergétique ?

Son incroyable potentiel réside enfin dans le défi d’acceptabilité de ses principes fondateurs, dans sa capacité à s’allier avec des technologies émergentes comme l’intelligence artificielle ou l’IoT (internet des objets). Ce constat d’une accélération de l’adoption et de la généralisation de la blockchain dans l’ensemble de la société nécessite en outre un accompagnement fort de ces changements sur les enjeux techniques, fonctionnels (RH, achats, finances…) mais aussi dans les usages métiers qui sont amener à évoluer.

La révolution Blockchain ne fait que commencer !