Covid-19, le temps de la résilience à venir

Lors de son arrivée à la présidence de l‘association Résilience France, anciennement Haut Comité Français pour la Défense Civile (HCFDC), le 2 juillet dernier, Jean-Marie Le Guen – médecin, ancien président du conseil d’administration de l’AP-HP et ancien ministre – tirait les leçons de la première vague de la Covid-19 en réaffirmant l’urgence de préparer la société civile aux crises futures. Alors qu’une deuxième vague de contamination déferle sur la France, il expose son point de vue sur la gestion de cette crise inédite et ses espoirs pour un avenir résilient.

Par Philipine Colle

L’ombre de la grippe A(H1N1) de 2009

Bien que d’ampleur inédite, la crise sanitaire actuelle n’est pas la première crise de cette nature à laquelle la France doit faire face. Le travail de réflexion et de préparation qui a été mené en amont de la première vague de la pandémie de Covid-19 est donc empreint de l’histoire de la gestion de crise française. Nous avons connu, en 2009, la crise de la grippe A(H1N1) pour laquelle la réaction fut plus forte que la réalité du danger existant. À l’arrivée du nouveau coronavirus, les autorités politiques, juridiques et comptables ont été dans la facilité de l’exagération de la critique de la gestion de la crise précédente. Ces accusations de malfaçons lors de la crise précédente ont abaissé les débats et concentré ses derniers sur la peur de la surprotection. Le contexte de méfiance a considérablement ralenti les prises de décisions et engendré une mauvaise préparation.

Les occasions de reconstruire un système.

Alors que la reprise de l’épidémie défie toutes les prévisions scientifiques par sa rapidité et sa virulence, il est nécessaire d’effectuer un bilan de la gestion de la première vague afin d’améliorer nos pratiques. Bien que des structures ad hoc aient été créées, des éléments d’articulation pratique ont manqué entre la direction centrale trop concentrée dans le fonctionnement interministériel classique et ces nouvelles structures. La stratégie adoptée a négligé toutes les initiatives prises en dehors du secteur hospitalier. Or, l’hôpital est encore très insuffisamment préparé du fait d’un manque chronique de formation du personnel depuis ces trente dernières années. La jonction entre la médecine de ville et l’hôpital apparaît alors comme un enjeu crucial pour la réussite de l’endiguement de la pandémie. Les campagnes massives de dépistage puis de vaccination – espérée pour la fin du premier semestre 2021- vont nécessiter une coordination accrue entre les différentes entités médicales. En effet, aucune structure de ville n’est en capacité d’absorber l’onde de choc produite par ces campagnes. En comparaison avec l’Allemagne, la France dispose de moindres capacités de production d’analyse biologique. Les faiblesses auxquelles les acteurs du domaine biomédical font face actuellement sont révélatrices de la difficulté de faire fonctionner le système de santé français en mode extra-ordinaire. Les défis à venir sont des opportunités pour transformer le système et renforcer les partenariats entre médecine de ville et système hospitalier.

La crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19 n’a pas seulement remis en question le système de santé. Tous les secteurs économiques de notre société ont été touchés. Des lenteurs et des interruptions logistiques dans des secteurs d’importance vitale ont été mises en lumière, remettant en question le modèle de mondialisation et déclenchant une volonté de relocalisation industrielle. Si une investigation doit être faite quant à la réalité de la faiblesse du tissu industriel national, la constitution d’un nouveau rapport public/privé est un enjeu de résilience. En effet, au printemps dernier, des groupes privés ont fait preuve de capacités de sourcing plus importantes que celles de l’Etat et il pourrait être opportun d’utiliser ces capacités afin de faire face aux crises actuelles et futures.

La mondialisation s’est également vue remise en cause sur le plan politique. Avec la fragilisation de la légitimité de l’OMS induite par le non-respect de certaines de ses recommandations par les Etats, c’est tout le modèle reposant sur l’idéologie multilatérale de gouvernance mondiale qui est ébranlé. La coopération internationale ne pourra plus fonctionner sans adaptations. La crise sanitaire ouvre alors de nouvelles voies particulièrement intéressantes pour l’Europe qui peut porter ses valeurs lors de la refondation nécessaire du modèle de coopération internationale.

Une prise de conscience grandissante porteuse d’espoir

Face à l’arrivée de la Covid-19, la volonté, tant des Français que des politiques, de ne pas vouloir croire au pire, a engendré un retard important dans la mise en place de mesures d’endiguement. Si la prise de conscience a été tardive, la pandémie actuelle participe à la construction d’une résilience collective. Cette force citoyenne passant par le développement de techniques et d’habitudes à implanter à toutes les échelles de la société, est impulsée par la gravité de la situation sanitaire qui fait renaître des conduites oubliées. Cette crise pousse un nombre grandissant d’entreprises à se doter de services spécialisés dans la prévention des risques. Alors que les crises de formes multiples sont amenées à se multiplier, notamment en raison du réchauffement climatique, l’idée de penser à leur gestion s’impose désormais dans toutes les actions humaines. L’association Résilience France, dont l’objectif est d’œuvrer à la prise de conscience et à la diffusion des habitudes à avoir afin de minimiser l’impact des crises diverses, est donc optimiste quant à l’amélioration des capacités de résilience des Français.

C’est bien l’importance du concept de défense civile qui est remise en lumière par l’expérience de la crise actuelle, sont développement sera inévitable afin de faire face aux crises futures.