Guerre et paix : le nouveau défi numérique

Le 1er octobre 2020, la banque d’investissement Klécha&Co, spécialisée dans les fusions-acquisitions sur les marchés de la technologie, des logiciels, des services informatiques, du matériel et de l’IoT, nomme Arnaud Coustillière en tant que Senior Advisor. Membre de plusieurs comités de défense et de technologie sur le marché français, cette nomination sera pour lui l’occasion de contribuer directement au développement et au renforcement de l’écosystème numérique de confiance. Un choix en cohérence avec le rapport publié en septembre 2020 par Klecha&Co sur la Défense à l’ère du Numérique, censé porter en lumière les possibilités d’innovation et la contribution des nouvelles technologies dans le secteur.

« Les conflits non conventionnels sont la nouvelle convention »

Avec le développement du numérique, de nombreuses modifications dans l’approche théorique des conflits voient le jour. Dana Deasy, Chef de l’Information du ministère de la Défense des États-Unis (CIO) a d’ailleurs affirmé que « les progrès technologiques rapides réduisent considérablement l’écart entre les mondes numérique et physique. Nous sommes en train de faire passer la mentalité et la culture du ministère d’une force centrée sur le matériel et l’ère industrielle à une ère axée sur les logiciels et l’information. La modernisation numérique devient synonyme de modernisation de la guerre. »

Une modernisation qui se solde par des conflits asymétriques d’un genre nouveau, aujourd’hui caractérisés par une course à la donnée sensible. Selon la Commission Européenne, la cybersécurité s’est transformée en une guerre multidimensionnelle, multicouches dans un espace de combat asymétrique. « Alors que les cyberarmes et les capteurs et véhicules sans pilote deviennent des éléments militaires clés, les équipements critiques, y compris les satellites, deviennent des cibles particulièrement séduisantes » précise le rapport. 

Au service de la contre ingérence

La recrudescence de ces conflits, tout d’abord exacerbée par le terrorisme, revient aujourd’hui au cœur des prises de décision avec des cyberattaques de plus en plus variées, perfectionnées et étendues. Les secteurs les plus touchés ont été identifiés comme se rapportant à l’énergie, la sécurité publique, la finance et les transports, qui sont autant de secteurs assujettis à la transformation numérique. Klécha&Co apporte un aperçu des quatre nouvelles technologies qui contribueront à un rééquilibre de ces guerres irrégulières

L’importance de l’intelligence artificielle, incluant le Machine Learning et le Natural Language Processing a montré ses points forts dans le renseignement et la cybersécurité. Elle permet aux opérationnels d’avoir accès à des bases de données intelligentes et d’agir rapidement face à des failles de sécurité pré-identifiées ou face à des menaces potentielles à la sécurité intérieure du pays. Un potentiel qui a déjà été largement salué par le Département de la Défense des États-Unis en 2018 avec la création du Joint Intelligence Center, visant à « saisir le potentiel de la transformation de la technologie de l’intelligence artificielle ».

Le cloud computing permettrait d’améliorer la diffusion de données en temps réel et des informations de renseignement qui pourrait véritablement changer la donne en matière de défense. Outre l’efficacité opérationnelle et l’optimisation du budget, cette technologie permet encore une fois d’accélérer le transfert d’information tout en bénéficiant d’une meilleure sécurité en standardisant les exigences des agences de défense.

La modernisation des entraînements militaires avec le développement des casques de réalité virtuelle (HTC Vive Pro), permettrait d’optimiser le budget de la défense en ayant accès à des technologies peu couteuses qui donneraient une immersion totale et moins dangereuse pour les soldats. Une technologie qui pourrait s’étendre sur le terrain, comme le projette l’armée américaine avec les HaloLens, utilisés aujourd’hui uniquement à des fins d’entrainement.

La nécessaire coopération des entreprises spécialisées en cybersécurité et le public n’est plus un mystère, et le rapport Klecha&Co marque encore une fois l’importance de ces partenariats. En janvier 2020, un groupe chinois présumé a ciblé Mitsubishi dans une attaque qui a compromis des données personnelles mais aussi des informations relatives aux entreprises partenaires et aux agences gouvernementales, comprenant des projets liés aux équipements de défense. En août 2020, des hackers potentiellement engagés par le gouvernement iranien ont tenté d’accéder à des informations sensibles détenues par des entités nord-américaine et israéliennes dans divers secteurs incluant la défense et la santé. Gartner prévoit une hausse du budget accordé à la cybersécurité s’élevant à 2,4%.

De l’importance de l’industrie de défense

L’année 2020 a été le théâtre d’une numérisation importante de différents secteurs sensibles et d’un décloisonnement des secteurs privés et publics. En février 2020, Thales signe un contrat avec le ministère des Armées pour le développement d’une plateforme (DDP) à l’usage des militaires, défense civile et le personnel affilié. En contrepartie, Thales apporte son expertise cloud dans la conception de nouveaux services numériques, censés fonctionner dans le futur cloud du ministère en garantissant un haut niveau de sécurité. Parallèlement, le ministère britannique de la Défense a signé un contrat de 19,5 millions d’euro avec Microsoft pour la construction d’une infrastructure cloud basée sur Azure. La Direction Générale de l’Armement a également souhaité travailler avec le groupe en collaboration avec Sopra Steria pour le projet Artemis pour tester la robustesse des solutions de cybersécurité. Thales travaille également sur la sécurité des systèmes aériens avec la DGA pour l’approche CybAIR et avec les forces armées françaises dans le cadre de COMCYBER.

En octobre 2018, le Conseil de l’Union Européenne a sélectionné Airbus et Atos pour fournir une expertise des produits, services et solutions en matière de cybersécurité afin de protéger les systèmes d’information de 17 institutions, services et agences européens. Airbus devient le fournisseur privilégié de solutions de cybersécurité pour les institutions européennes, ce qui permet d’octroyer une solution de cybersécurité coordonnée entre les 17 entités. Cette solution comprend un système de surveillance hautement automatisé, une détention et une réponse aux alertes ainsi que des études afin de développer une feuille de route de cybersécurité.

Alors que les marchés du numérique et de la sécurisation des systèmes d’information fleurissent, les cyberattaquants profitent de nouvelles opportunités économiques mais aussi sociales qui appelent à une remodélisation des stratégies de sécurité nationale et internationale. « Les méthodes hybrides sont utilisées pour brouiller les frontières entre la guerre et la paix et tentent de semer le doute dans l’esprit des populations cibles », souligne le rapport, faisant de la paix internationale une priorité incontournable de la digitalisation.