Répondre présent, pour la population, par le gendarme !

Portrait officiel du général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

A l’heure où notre pays est secoué par des menaces protéiformes et très agressives, la défiance du peuple se mêle aux incertitudes économiques, sociales et politiques.

Dans un contexte tendu, la gendarmerie nationale s’illustre par sa capacité de transformation, son aptitude à se repenser et relever les défis, avec pour fil conducteur et vocation ultime : servir envers et contre tout.

Rencontre avec le Général d’armée Christian Rodriguez, Directeur Général de la Gendarmerie Nationale

L’environnement sécuritaire s’est considérablement complexifié et la Gendarmerie est confrontée à de nouveaux défis, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. La menace terroriste est constante, diffuse et multiforme comme l’illustrent les récents attentats.

À la lutte contre l’insécurité et les formes traditionnelles de délinquance, s’ajoutent de nouveaux enjeux : la préservation du cyberespace, les risques technologiques, naturels, sanitaires et environnementaux. Les crises sociales récentes, d’une ampleur, d’une intensité et d’une violence inattendues, traduisent les tensions et les inquiétudes qui traversent la Nation. Les crises se succèdent, dans un contexte de violence et de défiance à l’égard des forces de l’ordre, ce qui nous amène à considérer que nous évoluons désormais dans un contexte de crise permanente.

Au cœur de Gend 20.24

La crise des gilets jaunes puis celle de la COVID-19 ont démontré que la gendarmerie était forte de ses valeurs (cohésion, disponibilité, discipline et dévouement) et de son maillage territorial, qui lui vaut une présence jusque dans la profondeur des territoires. Avec la police nationale, elle constitue, de ce fait, une garantie pour le maintien du pacte républicain et la préservation du lien social. En s’appuyant sur ces forces et pour mieux répondre au contexte et aux nouvelles menaces, la gendarmerie doit se repenser. C’est l’objectif du plan de transformation sur cinq ans nommé « Gend 20.24 », qui doit déboucher sur un nouveau modèle de gendarmerie.

L’ambition est de répondre aux attentes des citoyens et des territoires, qui réclament une protection de proximité, portée par des gendarmes à leur écoute, animés d’un sens aigu du service public, dotés des outils modernes et concentrés sur leurs missions opérationnelles. La réforme est résumée en un axiome : « Répondre présent, pour la population, par le gendarme ».

4 piliers stratégiques

Pour mieux protéger la population en lui apportant une réponse sécuritaire adaptée, il faut aller à son contact, l’écouter et la comprendre. Nous cherchons sans cesse des solutions visant à optimiser l’emploi de nos gendarmes et ainsi leur dégager du temps pour aller à la rencontre de la population. Nous formons nos militaires et créons des structures dédiées au traitement des nouvelles menaces. Pour ne citer qu’elles : des antennes du C3N (unité nationale de lutte contre les criminalités numériques) vont être déployées sur le territoire national afin de mieux répondre au besoin de proximité ; 53 Maisons de Confiance et de Protection des Familles (MCPF), structure départementale dédiée à la prévention, l’accompagnement et l’aide aux personnes vulnérables, dans une logique partenariale renforcée, vont être créées. Par ailleurs, le succès de la brigade numérique prouve la nécessité d’offrir d’autres modes de communication à une population en recherche de proximité et d’immédiateté. Nous souhaitons, à terme, proposer l’ensemble de nos services en mobilité, c’est-à-dire sans être astreint à les réaliser depuis la brigade (prise de plaintes sécurisée au domicile des victimes par exemple).

S’engager ensemble et en confiance.

Pour que le gendarme accomplisse au mieux sa mission, il est indispensable qu’il soit bien dans son travail et dans sa vie. C’est dans cette logique que nous plaçons l’Humain au cœur de notre transformation et cherchons d’avantage encore à donner du sens à l’action, à cultiver notre esprit de corps et à rénover notre gestion RH, pour offrir des parcours de carrière plus lisibles, alliant besoins « de la maison » et désirs individuels. Nous souhaitons également former une véritable communauté de la transformation qui vise à promouvoir l’innovation interne, plaçant nos « serial-innovateurs » comme animateurs et porte-étendards de cette ambition collective.

Nous accompagnons notre transformation d’une expansion technologique visant à fournir au gendarme des outils de terrain à la pointe de la modernité. Il s’agit pour ce faire de professionnaliser notre structure capacitaire, c’est à dire de constituer une équipe à plein temps chargée de définir le besoin futur et de suivre le développement des équipements de demain. Le pôle stratégie capacitaire devient ainsi une structure permanente qui accompagne les directeurs de programme (DP). Ces DPs sont des officiers dotés d’une expérience opérationnelle avérée qui coordonnent le développement des nouveaux équipements à la tête d’une équipe-projet (juriste, ingénieur, logisticien, formateur, etc.). Nous voulons développer notre capacité de prototypage rapide pour donner plus rapidement corps aux idées des gendarmes et trouver plus rapidement des solutions aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Pour y parvenir, c’est le lien à l’industrie que nous souhaitons encore renforcer en partageant nos besoins dans une volonté de co-construction des solutions de demain qui nous apparaît prioritaire et fondamentale.

Enfin, cette stratégie de transformation doit être assortie d’un allégement des contraintes. Nous poursuivons la dématérialisation de tâches administratives chronophages afin d’accroître notre présence sur le terrain et mettons en place une véritable stratégie de la donnée en deux volets : la numérisation de l’espace des opérations pour donner la bonne donnée, au bon gendarme, au bon endroit et au bon moment, mais aussi la gestion électronique de nos données pour appuyer nos états-majors dans leur travail quotidien.

Cette démarche de transformation sera contrôlée par un service de la transformation, créé au sein de la direction générale le 01er août dernier, qui veillera aussi à la cohérence globale du dispositif. Au-delà, l’Humain étant au cœur de notre stratégie, le gendarme lui-même est encouragé à être acteur du changement. Dans cette logique, et parce que les bonnes idées viennent de tous, nous mettons en œuvre une démarche collective, basée sur la confiance, et encourageons les initiatives, les idées et les innovations, à tous les niveaux.

Recréer des liens de confiance

J’en suis convaincu, le contact et la proximité sont les clés d’une relation de confiance avec la population. C’est dans cette logique qu’est née notre opération #RépondrePrésent pendant la crise COVID et qu’elle va se poursuivre. De manière très concrète, nous avons apporté notre aide à la population, en livrant des médicaments à des personnes âgées, en distribuant des masques aux côtés des élus ou en promulguant des conseils de prévention aux entreprises. Ces actions de solidarité, éloignées de nos missions traditionnelles, ont été une réussite, tant pour la population, qui a trouvé une main tendue, que pour le gendarme, qui a trouvé tout son sens à son engagement. C’est sur ce capital sympathie que nous devons miser et dans cet esprit que le contact doit perdurer. C’est d’ailleurs ce que recherche le citoyen qui souhaite être davantage acteur de sa sécurité dans une logique de co-production de sécurité.

Renforcer la coopération nationale et européenne

La coopération avec la police nationale existe dans de nombreux domaines. D’abord au travers d’unités mixtes gendarmerie/police : le STSI² pour les systèmes d’information et de communication, la DCI pour la coopération internationale, le SCRT pour le renseignement et les offices centraux pour la lutte contre la délinquance organisée, pour ne citer qu’eux. Ensuite, au niveau local, les échanges sont réguliers, sur les questions opérationnelles ou en matière de renseignement notamment.

La coordination de la sécurité sur les territoires est devenue un enjeu majeur de la réussite des politiques publiques de sécurité. Les conventions de coordination, signées entre les maires et L’État, en sont la pierre angulaire. Basées sur un diagnostic de sécurité concerté, elles définissent une stratégie partenariale de lutte contre la sécurité, des objectifs à atteindre et le cadre d’action dans une logique de coopération renforcée. Cela se matérialise par des patrouilles de contact mixtes gendarmerie / police municipale, des rencontres régulières entre responsables de service et la mise en œuvre de dispositifs communs de sécurisation d’événements. Dans le même esprit, depuis octobre 2019, des conventions sont signées entre les forces de l’ordre et les sociétés de surveillance et de gardiennage afin de favoriser la connaissance des acteurs, l’échange d’informations et la coopération opérationnelle.

Localement, les coopérations entre services sont désormais bien intégrées, même si la démarche doit être poursuivie et élargie, par exemple avec les entreprises de sécurité privée, ou au sein des métropoles pour favoriser une approche globale et intégrée de la sécurité associant tous les acteurs : police nationale, polices municipales, élus et partenaires publics et privés.

Le citoyen lui-même prend une part active à sa propre sécurité au travers des dispositifs de participation citoyenne, des réunions de prévention ou de la réserve.

L’ouverture des frontières au sein de l’Union Européenne a entraîné une évolution de la délinquance. Les frontières sont désormais poreuses et les enquêtes relèvent de plus en plus d’une délinquance transfrontalière qui complexifie les investigations et les interpellations de mis en cause.

La Commission européenne a présenté, le 24 juillet dernier, une nouvelle stratégie pour une Union de la sécurité 2020-2025 qui met l’accent sur trois domaines : la criminalité organisée, le terrorisme et la radicalisation et la lutte contre les délits à l’ère numérique. Forte de sa stratégie de transformation « GEND 20.24 » et dans la perspective de la présidence française de l’UE en janvier 2022, la Gendarmerie propose de décliner la stratégie de sécurité intérieure de l’UE en s’appuyant sur la généralisation de bonnes pratiques existantes (par exemple, la formation commune d’élèves gendarmes français et espagnols), le développement de pôle d’expertise à l’échelle européenne (réseau de cyber-gendarmes, lutte contre la criminalité environnementale, lutte contre les traites humaines, etc.) et la participation aux travaux normatifs majeurs (la protection de l’espace public, lutte anti-drones, la sécurité des données…).

Fierté, courage et résilience

Aux gendarmes, je voudrais leur redire à quel point je suis fier du travail qu’ils accomplissent. Chaque épreuve traversée à leurs côtés me prouve leur courage, leur sens du service public et leur capacité de résilience. Je repense à ces militaires de la brigade de Saint-Martin-Vésubie rencontrés après la disparition de leur unité dans la tempête Alex qui n’ont qu’une idée en tête, reprendre le service, mais aussi à ce militaire de la brigade de Tende qui, une fois recousu à la tête, secourt 17 personnes en péril.

À l’ensemble de nos partenaires, je veux leur dire toute ma satisfaction des collaborations mises en œuvre et mon souhait de les approfondir pour toujours mieux répondre présent pour la population.