Paix et dignité pour le Liban

Arrivé à Beyrouth peu de temps après l’explosion qui a ravagé la capitale en août dernier, Emmanuel Macron a proposé un nouveau pacte politique aux dirigeants Libanais. Le drame du 4 août a ravivé la contestation populaire déjà bien présente dans un pays qui subit, depuis des mois, une crise sans précédent. La chute des derniers gouvernements face à la pression de la rue, ouvre la possibilité d’un renouveau politique pour le pays.

Alors que le chaos économique s’ajoute à la faille politique, la crise sociale et humanitaire s’abat sur un peuple épuisé et en colère.

Si la France et ses partenaires souhaitent accompagner le peuple Libanais dans sa transition politique, économique, sociale et culturelle, les défis à surmonter sont dithyrambiques.

Rencontre avec Gwendal Rouillard, député de Lorient, membre de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées et Vice-Président du groupe Amitié France-Liban à l’Assemblée nationale. Entre inquiétudes et espoirs.

Des réformes essentielles à la survie du pays

La chute des derniers gouvernements libanais (Hariri, Diab) illustre la mort programmée du système politique et financier bâti depuis la fin de la guerre en 1990. Les Libanais sont bien conscients de la nécessité de changer ce système gangréné par la corruption afin de façonner un véritable Etat. Il va donc falloir qu’ils assument des réformes politiques et économiques en profondeur. Par exemple, le système bancaire du pays, qui reposait jusqu’alors sur les investissements étrangers, l’argent de la diaspora et les services, est en faillite. Une restructuration du secteur bancaire est vitale dans un pays officiellement en défaut de paiement depuis le mois de mars. Plus globalement, la situation exige de restructurer la dette et de construire un nouveau modèle économique, social et environnemental. La production d’électricité nationale ne fonctionne plus que deux heures par jour. C’est inadmissible dans un pays comme le Liban et il s’agit incontestablement d’un frein aux investissements, à l’économie et à la confiance.

D’autre part, beaucoup de familles font désormais face à la misère et à la famine avec une monnaie dévaluée de 100% en 18 mois. Il s’agit d’un drame humain insupportable et inacceptable. Cette situation est criminelle ! Le Liban, si fier de la qualité d’enseignement de ses écoles et universités privées, doit, aujourd’hui, développer l’enseignement public pour assurer un avenir à ses enfants, dont certains, de plus en plus nombreux, se voient privés d’instruction. En effet, leurs familles ne peuvent plus s’acquitter des frais de scolarité. Pire encore, des enfants se voient contraints de travailler afin de contribuer aux ressources familiales pour survivre. Nous parlons de l’éducation et des conditions de vie des jeunes Libanais. Ils sont l’avenir de ce pays et que leur est-il offert ? Un chaos dépressif, un pays mafieux et le règne de l’impunité pour les corrompus. Cela ne peut plus durer.

Une aide internationale toujours pertinente ?

L’aide humanitaire française et internationale est mobilisée pour couvrir les besoins vitaux de la population et reconstruire Beyrouth. Il s’agit de la priorité et nous coordonnons notre action avec les ONG, l’armée libanaise et bien sûr les Nations Unies. Concernant le financement du nouveau modèle, nous sommes toujours au point mort à cause de l’incurie des dirigeants libanais. Deux ans après avoir récolté 11 milliards de dollars de prêts et de subventions dans le cadre de la Conférence Cèdre à Paris, les réformes indispensables n’ont toujours pas été décidées et appliquées. Ce dispositif garde son sens mais le Président Emmanuel Macron et notre ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, sont catégoriques : aucun versement ne sera effectué sans que les réformes ne soient conduites pour lutter efficacement contre la corruption. Le FMI et les acteurs de la communauté internationale, réunis sur ce dossier, appellent tous au sursaut des politiciens face à la situation de désintégration que vit le pays. Cela doit se faire urgemment. Le temps est l’ennemi car la survie du Liban est en jeu.

Reconstruire les âmes et garantir la sécurité du pays

Si le pays doit faire face à des défis humanitaires considérables, l’autre défi à relever est la reconstruction des âmes des Libanaises et des Libanais traumatisés. Les familles effondrées, font, pour beaucoup, le choix de l’exode pour fuir les répercussions de l’explosion du 4 août et la misère qui guette depuis des mois. Il faut absolument redresser le pays, redonner espoir et traiter la pauvreté pour éviter des départs massifs. Sur un autre plan, il faut aussi éviter que des Libanais, ou des réfugiés Syriens et Palestiniens, rejoignent des organisations islamistes ou terroristes pour des raisons essentiellement économiques (Daesh, Al Qaida et leurs alliés). En ce sens, la France est très mobilisée et elle soutient les forces de sécurité intérieure (FSI) et l’armée libanaise. Notre pays coopère avec notre partenaire pour lutter efficacement contre les organisations terroristes et leurs combattants.

Le Hezbollah face à ses responsabilités politiques

Le rôle du Hezbollah pour l’avenir du pays pose question. Parti politique majoritaire au parlement avec le parti chrétien du Courant Patriotique Libre (CPL) du président Michel Aoun, le Hezbollah est reconnu par la France comme une entité politique libanaise à part entière. Les divergences de point de vue au sein de la communauté internationale quant à son statut de « groupe terroriste » sont une réalité. Pour autant, il est aujourd’hui nécessaire d’avancer dans l’intérêt du Liban. Face à la situation, le Hezbollah doit prendre ses responsabilités politiques comme les autres partis de la majorité. Si le groupe se revendique « libanais », il ne peut se cantonner à un agenda iranien en menaçant ses opposants de « guerre civile » et en brandissant ses armes illégales. Cela doit cesser car l’urgence est au sauvetage du Liban et de son peuple. Aujourd’hui, le Hezbollah est un facteur asphyxiant dont une majorité de citoyens ne veut plus et il entrave les relations extérieures du pays. Si le pays coule, il coulera avec.

Un « Liban message »

Le Liban est un pays mosaïque. Ses citoyens appartiennent à 18 communautés et confessions différentes. Cela représente la richesse et la beauté du pays mais également sa complexité. Ce qui se joue au Liban est aussi une conception de l’humanité, de la citoyenneté et de la diversité au Moyen-Orient et dans le monde. Le Liban est en ce sens un « pays message ». Si depuis 20 ans les Libanais sont reconnus pour leur « résilience », faisant écho aux armes de la guerre, ils exigent aujourd’hui un sursaut des autorités et un changement de « classe politique ». La « société civile », dont beaucoup de femmes et de jeunes, se mobilise avec des partis de l’opposition, pour conquérir la dignité, la prospérité et la paix. La France est aux cotés du peuple libanais pour l’aider à bâtir un « nouveau Liban ».