6AMLD : entre durcissement et harmonisation des mesures anti-blanchiment

La crise sanitaire met de nombreuses lacunes en avant dans le système de contrôle du blanchiment. Au cours des douze derniers mois, plusieurs échecs dans les contrôles au sein des banques européennes et les scandales concernant des flux illicites (FinCen, Westpack Bank et Paypal) ont précipité l’implantation d’une nouvelle directive : 6AMLD (Anti Money Laundering Directive).

Jusqu’à présent, les discussions se sont concentrées sur la création d’une agence de lutte anti-blanchiment à l’échelle européenne avec des pouvoirs d’intervention directe auprès des États membres, des mesures qui devraient concerner les entreprises européennes de près.

Rencontre avec Charles Delingpole, PDG de ComplyAdvantage

L’importance d’une coopération étroite et renforcée

Avec les cinq dernières Anti Money Laundering Directive, on a vu une extension des règles anti-blanchiment dans plusieurs secteurs. Des modifications se rapportant au seuil de retrait des cartes prépayées et des monnaies virtuelles ou encore à l’implantation de processus KYC (Know Your Client). La 6AMLD vise avant tout à resserrer et harmoniser les réglementations à travers les différentes juridictions. Des mesures qui permettront à l’Union européenne de poursuivre sa lutte contre le blanchiment. La 5AMLD était bien plus importante en termes de réglementation sur les entreprises et le financement du terrorisme mais une harmonisation des définitions, l’extension de son champ d’action et de la responsabilité pénale étaient nécessaires. Le problème n’est plus fondamentalement une question de montants mais une question de coopération inter-étatique face à des menaces hyper-globales. Pour l’attaque du Bataclan, des Belges sont descendus vers Paris avec des fonds dissimulés en Asie et l’attentat s’est préparé avec peu de moyens. La 6AMLD permettra d’établir un langage et une compréhension communs en tirant des leçons du passé. La double incrimination introduite par cette directive met en place de nouvelles exigences pour le partage d’informations entre les juridictions qui faciliteront les poursuites pénales entre États.

Le patchwork de règlementations anti-blanchiment est désormais compris de la même manière et les infractions peuvent être réprimées uniformément.

L’apport des nouvelles technologies

Les nouveaux outils numériques ont un impact positif dans la lutte anti-blanchiment. Au cours des 5 dernières années de nombreuses technologies se sont développées comme le cloud, l’intelligence artificielle et l’implantation généralisée du machine learning et du language processing. Il devient alors beaucoup plus simple de récolter des données et de les agréger. Ces différentes avancées dans la 6AMLD et la technologie permettent de former des bases de données pour comprendre l’origine et l’ampleur des menaces. Depuis 5 ans, la compétition dans la Fintech s’est intensifiée, le personnel est remplacé par de la technologie pour réduire les coûts et tout en augmentant l’efficacité. À l’échelle de l’Union européenne, l’uniformisation des outils au sein des États membres et au sein des institutions n’est pas une priorité et le type de technologie à employer n’est pas spécifié. Il faut avant tout atteindre les objectifs fixés en matière d’anti-blanchiment et poursuivre la sensibilisation des régulateurs à l’utilisation de ces nouveaux outils.

Conseils pour les entreprises

Une liste d’infractions détaillée est accessible sur le site de ComplyAdvantage, incluant désormais les crimes environnementaux et la cybercriminalité. Il faut dès lors s’assurer qu’aucun client n’a utilisé de techniques de blanchiment ou été accusé d’un crime cité par la 6AMLD car la « complicité » devient répréhensible et les « facilitateurs » dans le processus de blanchiment deviennent également coupables sur le plan juridique. Ces modifications montrent que les nouveaux outils de compliance permettent d’agir au bon moment, en détectant les crimes passés des clients ou des anciennes implications. Pour les entreprises, il est donc essentiel de « screener » leurs clients et de faire du monitoring : une attaque terroriste ou un crime grave remontant jusqu’aux entreprises impliquées dans le blanchiment, les soumettront au paiement d’amendes élevées ou à des contrecoups publics et politiques très importants. Les entreprises ont avant tout besoin d’investir dans la compréhension et l’implantation de technologies améliorées et de s’assurer qu’elles soient totalement conformes à la 6AMLD. Les risques encourus étant bien plus contraignants sur le long terme qu’un investissement dans une technologie efficace.

Une prise de conscience post-COVID ?

La crise de la COVID-19 a été d’autant plus révélatrice. Les soutiens massifs des États pour leur économie implique qu’un fragment important des dettes nationales allaient directement dans les entreprises. Elle a également révélé des fraudes massives, souvent liées à de la grande criminalité. Ce contexte souligne qu’il faut des infrastructures efficaces pour empêcher les criminels d’agir, notamment dans le trafic d’êtres humains, le terrorisme ou la fraude.

Améliorer la structure sera certainement bénéfique pendant mais surtout après cette pandémie.

La mise en œuvre de la 6e AMLD a été avancée au 3 décembre 2020. Cette nouvelle directive modifiera le cadre actuel de lutte contre le blanchiment d’argent dans l’UE. Dès la semaine prochaine, les États membres devront adapter leurs lois locales et les institutions financières de l’UE devront adhérer à la nouvelle directive anti-blanchiment.