L’engagement citoyen au service d’une sécurité globale

L’effacement progressif de la frontière entre sécurité intérieure et Défense ainsi que la globalisation de la menace, amènent le continuum de sécurité à évoluer. Pour se faire, d’anciennes unités ont été réinventées comme la Garde Nationale et le Service National Universel et d’autres formes plus récentes telles que la sécurité privée et la police municipale prennent, elles aussi, leur place dans le continuum.

La « société de vigilance », selon les mots du Président, repose en grande partie sur l’engagement citoyen. Ces derniers sont de plus en plus animés par l’esprit de Défense, élément structurant du lien armée/nation. Dans un contexte de crise sanitaire, cet engagement est mis au service de la résilience et du lien de confiance.

Par Simon DOUAGLIN

Le besoin de résilience

« La crise sanitaire a montré des défaillances mais elle a surtout mis en lumière la capacité des citoyens à être résilients. Dans la vision que les Français se font du devoir de Défense du citoyen, nous sommes passés du citoyen-soldat au citoyen résilient. [en référence à 1789 ndlr] » clame Annie Crépin, docteure en histoire et spécialiste de la conscription. Et de poursuivre : « La résilience est un réflexe de solidarité et de sang-froid ».

Ce besoin de résilience touche souvent les jeunes. « Ils sont en effet de plus en plus conscients des enjeux notamment en matière de protection de l’environnement. La résilience est bien plus liée à une logique de résistance que de résignation et fait appel à la responsabilité citoyenne et à l’esprit critique. Il s’agit davantage d’un état d’esprit que de l’apprentissage d’une technique. »

Encourager l’esprit critique est une des missions de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN) qui favorise « la confrontation intellectuelle, le débat, les échanges interpersonnels et le partage, car la réponse à ces grands défis passe avant tout par l’individu nourri de la diversité de ce que nous sommes. » complète le général de corps d’armée Destremau, directeur de l’IHEDN.

Le goût de l’engagement

L’IHEDN est une des structures canalisant cette volonté d’engagement. « L’institut a été créé il y a 80 ans afin de contribuer à forger une « unité de pensée et d’action » qui permet au pays de faire bloc et de contribuer à la cohésion et à la résilience nationale. Cette mission trouve aujourd’hui un écho tout à fait particulier. Des sessions nationales, régionales et internationales font vivre l’esprit de Défense et renforcent l’engagement citoyen auquel les jeunes prennent une part importante. Leur curiosité et leur désir d’engagement en font les meilleurs relais de l’esprit de Défense. » Valoriser l’engagement est une des missions des Jeunes IHEDN regroupant 2200 membres de moins de trente-six ans. « La participation à une session a vocation à se prolonger par un engagement durable au service du pays et de la Nation. A titre d’exemple, l’IHEDN accompagne les auditeurs, animés par la volonté de servir, dans leur démarche pour intégrer la Garde Nationale. » précise le général Destremau.

Le goût de l’engagement repose sur une véritable volonté de cohésion. « L’esprit de Défense est tout le contraire du bellicisme. Il s’agit de faire vivre une passion commune, à laquelle pourrait d’ailleurs être intégrée la dimension européenne pour donner naissance à une « culture de Défense européenne » » interpelle Annie Crépin.

La Garde Nationale

Créée suite aux attentats de 2015, la Garde Nationale regroupe l’ensemble des réserves qui interviennent en renfort des unités professionnelles : « Les réserves manifestent la volonté forte de toutes les composantes de la Nation de garantir la sécurité de notre pays et de contribuer à sa défense. Elles constituent aussi une partie intégrante du modèle d’armée défini par le présent Livre blanc. Elles représentent en effet un renfort pour les forces de défense et de sécurité nationale qui, sans elles, ne pourraient être en mesure de remplir lensemble de leurs missions, notamment sur le territoire national ou en cas de crise» définit le livre blanc Défense et Sécurité Nationale de 2013.

Les résultats de cette récente montée en puissance est en demi-teinte mais présente de riches alternatives. « L’évolution de la Garde Nationale dans les prochaines décennies va dépendre de l’attractivité du statut et de la facilité pour les entreprises d’employer des réservistes. » Des freins d’ordre matériel, financier et légal sont à noter et « susceptibles de favoriser une lassitude après 4 ou 5 années de service. Pour y remédier on peut imaginer mettre en place une réelle politique d’attractivité notamment par le biais de campagne de communication. » détaille Christian Sommade, directeur général du Haut-Comité Français pour la Résilience Nationale. « Le renforcement de la territorialité des réserves et l’intégration de toutes les forces supplétives (sécurité civile, réserve sanitaire) à la Garde Nationale pourraient constituer d’autres pistes d’évolution. »

D’autres pays bénéficient déjà de réserves larges et expérimentées. Et Christian Sommade d’ajouter : « les réserves suisse et singapourienne mettent l’accent sur la formation, notamment la formation initiale commune qui confère un solide socle de compétences. Par la suite, les réservistes peuvent choisir leur voie de spécialisation qui offre aussi des perspectives d’évolution. »

Renforcer le continuum de sécurité

« Pour qu’il y ait un vrai continuum de sécurité, il faudrait un apprentissage modulaire intégré d’initiation à la Défense afin d’accompagner les jeunes tout au long de leur parcours. » plaide Annie Crépin. Cet engagement pourrait démarrer « dès le secondaire afin d’entretenir l’esprit de Défense auprès des citoyens et irriguer l’ensemble de la société. » précise Christian Sommade. Et le général Destremau de compléter : « L’IHEDN joue un rôle singulier dans le continuum de sécurité puisqu’il met son expérience au service de nouveaux projets de Défense. Les anciens auditeurs de l’IHEDN ont par exemple mis leur expérience, leurs compétences et leur réflexion au service du module Défense du projet pilote du SNU ».

Un projet de société

L’engagement citoyen revêt un caractère multidimensionnel adapté aux enjeux de société. « Au moment de la crise des banlieues, lorsque le débat sur le service national a resurgi, les partisans du retour du service national ne questionnaient pas la pertinence de la professionnalisation des armées mais bien l’absence d’un outil de brassage culturel et social à l’origine du vivre-ensemble. » partage Annie Crépin. En ce sens, le SNU, la Garde Nationale et même le service civique se sont adaptés aux nouveaux enjeux contemporains. « Nouveaux enjeux qui seront également au coeur de la refonte de l’IHEDN. A partir de l’été 2021, l’évolution des rapports de force internationaux, le risque climatique et la sécurité économique prendront davantage de place dans les nouvelles sessions IHEDN. » détaille le général Destremau.

De la réflexion jusqu’à l’action, le citoyen est engagé sur tous les fronts.