Se former aujourd’hui pour mieux agir collectivement demain

Si la notion de continuum de sécurité – à savoir la coopération secteur public / secteur privé en matière de sécurité – n’a gagné ses lettres de noblesse qu’en 20181, elle est traitée depuis longtemps par la gendarmerie. Le MBAsp2 « management de la sécurité » , outre donner aux auditeurs l’occasion de vivre une expérience humaine extrêmement riche, favorise le croisement des expertises et des expériences. Il permet une meilleure prise en compte et un traitement plus approprié des questions de sécurité-sûreté aujourd’hui mais également à l’avenir. Illustration avec la cheffe d’escadron commandant la compagnie de Lyon, Caroline Claux, et Raphaël Caillet, responsable d’un service de police municipale.

Une formation innovante

Le MBAsp « management de la sécurité » a été mis sur pied en 2014 par la gendarmerie nationale et destiné à favoriser la co-production publique-privée de sécurité-sûreté grâce à une promotion rassemblant 1/3 d’officiers de gendarmerie et 2/3 de professionnels issus du secteur privé et public. Donner aux auditeurs « une culture commune de la sécurité », c’est tout l’enjeu du MBA selon la Capitaine Dupeyré-Chancerelle, responsable communication. Or il faut composer avec les horizons variés des auditeurs et leurs connaissances qui le sont tout autant. Ils affichent une forte appétence pour le continuum de sécurité, fil conducteur du programme : « ce MBA s’inscrit dans la poursuite de mon parcours universitaire constitué d’un Master 2 de droit et d’un certificat d’intelligence économique. J’y ai vu l’occasion de poursuivre ce cursus orienté sur le partenariat public privé » explique Caroline Claux. D’autre part, ils apprécient la pertinence de la méthode utilisée, « une ingénierie de formation unique » selon Raphaël Caillet, due en grande partie à l’excellence des enseignements dispensés appuyés sur « des échanges directs et poussés avec les meilleurs spécialistes de chaque domaine qu’ils soient gendarmes, militaires ou civils » et à l’originalité de la promotion en formation: « un rapprochement d’auditeurs officiers de gendarmerie, militaires, magistrats, fonctionnaires spécialisés, responsables sécurités de grand groupes, entrepreneurs qui se sont enrichis mutuellement pendant un an ». Comme le note Caroline Claux « Ce mix permet de s’enrichir de l’expérience de chacun, de partager nos visions et nos contraintes respectives. Sur le traitement de problématiques de sécurité, nous avons tous une lecture légèrement différente qui permet, par l’échange, d’aborder toutes les dimensions d’une situation. »

Un Continuum de sécurité en construction permanente

Parce que ce « continuum de sécurité », véritable colonne vertébrale du MBA, est une notion complexe, le programme du master, développé en partenariat avec l’Université Paris II Panthéon-Assas et la participation d’HEC Paris, est ambitieux. 400 heures de cours, une douzaine de déplacements destinés à voir la sécurité en action : aéroports de Paris, rencontre avec les forces spéciales, centrale nucléaire… Sans oublier une attention forte portée aux réalités du terrain rapportées par les auditeurs qui expérimentent dans leur quotidien professionnel ce continuum : « A mon niveau, je vais à la rencontre des Maires pour avoir leur lecture du terrain, j’associe la police municipale à certaines actions, j’agis avec les réservistes gendarmerie et les référents sûreté auprès des entreprises pour leur sécurité, j’organise des réunions au sein d’entreprises pour avoir du renseignement et créer des échanges informels… Tout cela débouche sur une coproduction de sécurité » explique ainsi Caroline Claux. Raphaël Caillet note quant à lui que « la complémentarité s’articule naturellement » et permet d’optimiser les compétences : « la synergie permet une efficacité accrue des partenaires, supérieure à la somme des parties. ». Quant au programme de la formation, il est systématiquement remis en question chaque année.

Croiser les expertises pour mieux répondre aux enjeux de demain

La démarche poursuivie par le MBA tant dans le recrutement de la promotion que dans le choix des contenus et des intervenants lui permet d’avoir une longueur d’avance, qu’illustrent bien les sujets de mémoire choisis par les auditeurs : lutte contre la cybercriminalité pour Caroline Claux et la cybersécurité des « smart cities » pour Raphaël Caillet. Tous deux sont convaincus que le continuum de sécurité est un passage obligé pour traiter ces problématiques pour lesquelles le champ des possibles est encore largement ouvert : « L’expertise du quotidien est à rechercher entre collectivités et entreprises privées » estime Raphaël Caillet, «  les décisions d’impulser une smart & safe city aujourd’hui conditionneront les infrastructures IT fondamentales de demain et l’environnement global de la cité d’après-demain. La smart city doit donc être pensée de manière sécurisée dès sa conception ».

La cheffe d’escadron de gendarmerie entend elle porter une réflexion sur ce que pourrait être le service de lutte contre les cybercriminalités de la gendarmerie « dans un esprit de continuum au cœur duquel notre institution apporterait aux entreprises un véritable service visant à la protection des entreprises grâce, par exemple, à l’analyse des signaux faibles de compromission informatique des entreprises au sein d’une plateforme de partage. La coopération est, à mon sens, une obligation si nous souhaitons être dans une démarche proactive de production de sécurité et non dans une posture simplement de réaction à un fait judiciaire » défend ainsi Caroline Claux.

1 FAUVERGUE JM, THOUROT A. « D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale », rapport parlementaire, septembre 2018