Protéger la paix, ensemble

C’est dans son atelier parisien, qu’Hedva Ser nous reçoit.

Ses sculptures en bronze trônent partout… conférant ainsi une atmosphère rayonnante, un esprit de plénitude et d’apaisement chaleureux qui invite au partage et au dialogue. C’est au coeur de cet espace où l’on ressent force et puissance mêlées à une fragilité toute particulière, que nous découvrons le désormais célèbre et emblématique Arbre de la paix…

Rencontre avec celle qui en est à l’origine, Hedva Ser, Artiste, sculpteur et ambassadrice de bonne volonté à l’UNESCO pour la diplomatie culturelle.

Propos recueillis par Mélanie BENARD-CROZAT

La nature, la vie et l’art

Artiste, peintre, et sculpteur, Hedva Ser crée ses premières oeuvres dès l’enfance. « L’art est dans mon ADN. Très vite, j’ai eu envie de le partager et de lui donner du sens. J’ai choisi la sculpture et le bronze pour transmettre des messages qui me semblent importants, que je puise dans mon histoire personnelle. La vie, sa fragilité, la destruction et la reconstruction, habitent mes créations. Cela fait référence à mes origines et à l’histoire de mes parents rescapés de Auschwitz. Mais aussi à ce que me disait mon père : il faut savoir pardonner mais ne pas oublier. »

La nature et la vie : leur fragilité mais aussi leur force et leur puissance, se diffusent au travers de l’Arbre de la paix. « L’arbre symbolise la vie. La puissance, la poésie. Lorsque j’ai souhaité créer cette sculpture au service de la paix, ce fut une évidence. Ce serait un arbre. Son tronc, ses racines et ses branches qui se mêlent représentent un enchevêtrement de branches noueuses et de colombes envolées. Il reflète le vivre ensemble, l’équilibre, et la compréhension entre les peuples et les nations. »

Ses rameaux de bronze s’animent et prennent tour à tour la forme du Chaï, qui dans la Bible signifie la vie, du croissant de lune de l’Islam, et du Shin, la première lettre du mot hébreu Shalom et du mot arabe Salam. Il illustre ainsi les trois religions monothéistes. « Avec cet Arbre de la paix, l’universel et le partage nous sont donnés à voir et à sentir. Mais cette sculpture n’est pas que symbolique, elle est aussi végétale et écologique : en représentant un arbre, elle incarne de la manière la plus tangible qui soit le lien qui nous unit aux vivants et à la biodiversité. »

Célébrant ainsi l’esprit de paix et d’humanisme qui anime l’UNESCO, l’Arbre de la paix est depuis 2007, le présent officiel que l’organisation internationale remet à chaque artisan de la paix dans le monde parmi lesquels le Pape François, Shimon Pères, l’Imam Ben Essayouti de Tombouctou, Abdou Diouf, ou encore Sheikh Hassina du Bangladesh. « C’est une immense joie de savoir que cet arbre de la paix diffuse un message d’espoir, de tolérance et de respect à travers le monde. Je crois qu’aujourd’hui, à un moment de notre histoire où ces valeurs de tolérance et d’humanisme nous paraissent parfois fragilisées, voire en danger, l’ensemble du monde en a profondément besoin. »

Porter la diplomatie culturelle

Créant des ponts entre les différents parties de la planète, la diplomatie culturelle se donne l’objectif de rassembler grâce à l’art et à la culture, les citoyens du monde. « Nous réunissons ainsi des artistes de différents pays en conflit qui créent, grâce à un travail artistique et profondément humain réalisé en commun, un pont pour la paix. Cette initiative née en Andorre se développe aujourd’hui dans toute la Méditerranée avec le soutien de Malte notamment, mais aussi en Afrique, en Guadeloupe, aux Philippines ou encore aux Emirats Arabes Unis où nous avons des projets pour 2022. En octobre 2021, nous serons, nous l’espérons, tous réunis pour une grande conférence internationale de la diplomatie culturelle. »

Entre inquiétudes et optimisme

Inquiète du manque de tolérance, du manque d’ouverture et du repli sur soi que connaît notre société, l’artiste internationale rappelle « La France est un pays formidable où le bien vivre ensemble est exceptionnel. C’est quelque chose que nous trouvons ici et nul part ailleurs. Je suis attristée de voir la situation se dégrader ainsi et souhaite un retour rapide à l’ouverture, au dialogue, au respect et à la tolérance au pays des Droits de l’Homme. »

Citant Mandela et Gandhi, elle décrit « un monde fragile, où les libertés sont en danger, le respect pour les femmes bafoué, l’esclavage des enfants encore d’actualité et l’accès à l’éducation faisant défaut alarmant. » Mais elle veut aussi porter un message d’optimisme et d’espoir « la philosophie de vie des grands hommes comme Gandhi plane sur nous. La petite fille de ce dernier poursuit son oeuvre et diffuse ces messages de paix et d’espoir dans le monde que je relaye, à mon tour, ici, aujourd’hui et demain. De nombreuses actions et initiatives naissent chaque jour dans le monde, mettant ainsi en lumière ce que l’humanité a de plus beau. »

Une route de la paix dans le monde

L’Arbre de la paix s’installe en ce début d’année à Paris, dans le 16e arrondissement. « Voir l’Arbre de la paix s’enraciner à Paris est un cadeau inestimable ! J’aimerai qu’il puisse ensuite trouver sa place en Afrique, aux Emirats Arabes Unis et en Asie et ainsi créer une route de la paix. Ouvrir un chemin universel de dialogue et de tolérance au service de la paix pour l’humanité serait une consécration et non une fin en soit car la paix est quelque chose que nous devons chaque jour, soit conquérir, soit protéger. »

Messages à l’humanité

Aux dirigeants, Hedva Ser demande d’honorer les actions et les messages portés par les grands hommes qui nous ont légué un héritage précieux « de renforcer le dialogue entre les pays, les nations, de trouver des consensus sur les grands sujets stratégiques pour notre société d’aujourd’hui et préparer le futur dans le respect des uns et des autres ».

A ceux qui connaissent et vivent des situations difficiles, « c’est un message que j’aimerai relayer. Celui de plusieurs femmes au courage extraordinaire qui se sont exprimées lors d’une conférence organisée par la Grande Duchesse du Luxembourg à laquelle j’ai eu l’immense honneur d’assister. Victimes, utilisées comme armes de guerre, au Kosovo, en Ukraine, en Afrique, ces femmes remarquables appelaient en dépit de tout ce qu’elles ont subi, à s’accrocher à la vie, coûte que coûte. C’est ainsi une première victoire sur la violence et la haine. »

A la jeune génération, à ceux qui portent en eux l’avenir, « j’aimerai les sensibiliser, malgré le monde numérique dans lequel ils évoluent, sur l’importance vitale à privilégier le dialogue, et l’écoute, à prendre le temps de se comprendre les uns les autres. A l’image de l’Arbre de la paix, je les invite à tendre la main à ceux qui en ont besoin, à rassembler et à unir les communautés pour être les acteurs d’un monde moins individualiste. J’ai confiance en eux. Notre jeunesse a du talent, elle est créative et nos jeunes sont demandeurs et porteurs de sens pour l’avenir.

N’oublions pas que la paix est une conquête. Elle est fragile. Notre devoir est de la protéger. Et c’est ensemble que nous y parviendrons. »