Engagements, diversité et valeurs fortes au service de la paix

« La paix est un rêve suspendu » affirmait Kofi Annan, diplomate ghanéen et secrétaire général de l’ONU de 1997 à 2006. De fait, partout sur la planète, des femmes et des hommes oeuvrent au quotidien pour faire vivre ce rêve et empêcher que notre monde ne vire au cauchemar, en dépit des crises de toutes sortes qui l’agitent. A la faveur de cette nouvelle année, découvrons les engagements de Victoria C. Fontan, Professor of Peace and Conflict Studies à l’Université américaine en Afghanistan, de Pauline Leroux, Conseillère politique du général commandant la mission EUTM en République de Centre Afrique et de Sébastien Patard, réserviste opérationnel dans l’armée de terre.

Victoria C. Fontan « Construire la paix en itérations et une diplomatie à long terme »

De Dublin à l’Irak

Mon parcours a commencé à l’Université du Sussex ou j’ai travaillé sous la direction de Michael Johnson, spécialiste du clientélisme politique au Liban, qui a suscité chez moi un vif intérêt pour le Proche-Orient. Par pur hasard j’ai ensuite eu connaissance d’un Master d’Etudes de la Paix et du Développement à l’Université de Limerick, en Irlande, dirigé par le Professeur Murray. Je suis devenue son assistante de recherches, et ai commencé sous sa direction un programme de doctorat sur le Liban. J’ai alors étudié les ONGs du Hezbollah Libanais et leur rôle dans la construction de la paix dans le pays. C’est avec un angle sécuritaire que j’ai initialement abordé la question de la paix, mais très rapidement, je me suis focalisée sur les problématiques de construction de la paix. Après le Liban, je me suis intéressée à l’Irak.

Des conflits constructifs

Je pense que le monde actuel chemine en parallèle vers plus de paix et de conflits à la fois. Les conflits actuels sont des conflits « constructifs » qui font bouger les lignes car ils donnent de plus en plus de place aux sociétés civiles qui sont mieux organisées et deviennent une véritable force de proposition politique et sociale, de véritables acteurs du changement. Je travaille sur les études de la paix décoloniales, sujet encore très controversé en France et qui mettra, je pense, quelques dizaines d’années avant de devenir la norme alors que dans le monde anglo-saxon et dans les sociétés en développement cette thématique est parfaitement admise. En Afghanistan par exemple, la société civile est prête à élaborer une paix pour elle et par elle, à demander des comptes aux élites politiques, et à décider d’un futur sans intervenants internationaux, de seigneurs de la guerre, ou de figures politiques corrompues. Je pense donc que mon travail, et celui de beaucoup d’autres dans la même mouvance, a des effets positifs. Je travaille en ce moment en soutien technique sur la volet justice transitionnelle du processus afghan ; là également, nous faisons beaucoup de progrès afin de replacer les droits des victimes au centre des négociations de Doha entre les Talibans, les Etats-Unis et le gouvernement afghan.

L’importance de la recherche

La recherche est essentielle pour contribuer à la paix et à la sécurité dans le monde. Elle permet de connecter différentes situations, d’apprendre de celles-ci et, le cas échéant, de ne pas refaire les mêmes erreurs d’un processus de paix à l’autre. La recherche permet à la construction de la paix de fonctionner en itérations, et non en silos.

Les Etats-Unis de Joe Biden, leaders de la diplomatie mondiale

Mon vœu le plus cher a déjà été exaucé… Joe Biden est élu. Maintenant, j’espère que la crise de la Covid-19 va se résorber assez vite afin que cette nouvelle administration puisse enfin retrouver sa place comme leader de la diplomatie mondiale, se replacer à la pointe de la lutte contre le changement climatique, et ne plus pratiquer la diplomatie à court terme que nous l’avons vue dans les 5 dernières années. Les dynamiques intra-afghanes en ont beaucoup pâti, sans compter les conséquences néfastes sur l’insécurité en Afghanistan et dans la région d’Asie centrale.

Pauline Leroux « L’Europe, la paix et la stabilité dans le monde »

Européenne convaincue

Je suis juriste de formation en droit international, j’ai toujours été passionnée par la géopolitique et les relations internationales et j’ai travaillé avec plusieurs organisations internationales dans différents pays. Européenne convaincue, j’ai toujours pensé que les Européens seraient plus forts en étant unis, dans un monde toujours plus instable et incertain. En 2016, j’ai rejoint le ministère des Armées en tant que chargée de mission à la direction générale des relations internationales et de la stratégie. C’est naturellement que j’ai voulu servir « sur le terrain », en tant que conseillère politique du général commandant la Mission de Formation de l’Union européenne en République centrafricaine (EUTM-RCA).

L’Union fera la force

Notre monde est instable, multipolaire, et de plus en plus imprévisible. De l’attitude de nos États et de ce que l’on appelle encore la « communauté internationale » dépendront la pérennité des fragiles équilibres actuels. Dans ce contexte, plus que jamais les Européens doivent se montrer unis pour espérer conserver un rôle et une voix qui comptent. Engagée au sein d’une mission de Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l’Union Européenne, mon engagement s’inscrit pleinement dans cette perception de ces enjeux stratégiques, actuels et futurs.

De l’importance d’une autonomie stratégique

Outre l’amélioration globale de la sécurité sanitaire bien évidemment, je souhaiterais que l’arrivée d’une nouvelle administration américaine soit synonyme d’un retour du dialogue et de la recherche du compromis sur les questions de paix et sécurité, ainsi que de davantage de coopération entre les États. Les sujets de préoccupation ne manquent malheureusement pas : lutte contre le terrorisme, contrôle du développement des arsenaux conventionnels et non-conventionnels, conflits liés à la terre et au changement climatique. Évidemment, j’espère que, s’il se produit, le changement d’orientation de la politique extérieure américaine ne poussera pas les Européens à arrêter leurs efforts visant à devenir moins dépendants d’autres pays en matière défense et de sécurité, et qu’ils continueront à aller vers une autonomie stratégique.

Eviter que ce monde ne devienne un enfer, à défaut d’en faire un paradis

Je suis curieuse du monde qui nous entoure, et en même temps consciente de la multitude de problèmes et enjeux immenses auxquels celui-ci est confronté. Avec beaucoup d’humilité, j’ai envie d’agir. Et pour paraphraser Dag Hammarskjöld, un ancien secrétaire général de l’ONU, contribuer à éviter que ce monde ne devienne un enfer, à défaut d’en faire un paradis.

Depuis que j’ai rejoint la mission EUTM RCA, j’ai eu l’occasion d’assister à plusieurs formations délivrées par nos militaires aux forces armées centrafricaines (FACA). Leur dévouement est total, même si réformer une armée est un très long processus dont la plupart des personnes engagées ici ne verront pas l’aboutissement. Assister à une cérémonie mêlant les hymnes et les drapeaux centrafricain et européen est un message fort, signe de l’intérêt que l’Europe porte à la paix et à la stabilité dans le monde, y compris dans des pays éloignés de ses frontières.

Sébastien Patard, « Etre prêt et faire face »

Un engagement et des idéaux

Je me suis engagé dans la réserve en 2018 après mon retour d’un séjour de plusieurs années à l’étranger. M’éloigner aussi longtemps de la France, au moment où elle a été durement frappée par les attentats, m’a permis de réaliser l’attachement que j’avais pour mon pays, sa culture et sa vision de la liberté et du vivre ensemble. J’ai donc décidé de me mettre au service de cet idéal en m’engageant dans la réserve de l’armée de Terre voie État-major. Aujourd’hui, je sers à l’Etat-major de la 7e Brigade Blindée.

La nature des conflits a changé

Notre monde vit dans une instabilité croissante, phénomène amplifié par les réseaux sociaux et l’information instantanée. Les tensions s’exacerbent et les discours se durcissent me laissant à penser qu’un affrontement de puissances symétriques redevient un risque crédible. L’exemple du Haut-Karabakh montre à quel point la nature des conflits a changé. Dans cette situation géopolitique qui se tend de plus en plus, je vois mon engagement comme une volonté de protéger la France quelle que soit la menace. Etre prêt et faire face.

Différences d’opinions et dialogue pour un avenir meilleur

Je pense que la concorde et le dialogue entre les nations doivent être au centre de la reconstruction du monde après le choc de la Covid-19. Je suis un europhile et pour cette raison, convaincu que des différences d’opinions et du dialogue naissent les grands idéaux et les idées porteuses de paix et d’ententes. Je souhaite que l’Europe puisse lancer son plan ambitieux de solidarité pour la relance de son économie et qu’un dialogue serein s’installe avec les autres grandes puissances.

Donner du sens

Bien que mon engagement dans la réserve soit relativement récent, j’ai eu l’opportunité de participer à une mission Sentinelle. C’était une expérience humaine hors du commun, forte en apprentissage au contact de la population. La réserve, pour moi, c’est un aboutissement et un engagement au service de la France et des français. Lorsque certaines personnes viennent avec spontanéité vous remercier lors de vos patrouilles, votre engagement prend alors tout son sens.