Le projet PNR : au cœur de la coopération européenne dans la lutte anti-terrorisme

Après le temps des initiatives, c’est la voie de l’accélération pour la France qui entend pousser l’adoption de la directive européenne dite API/PNR (Advanced Passenger Information-Passenger Name Record) d’ici la fin de l’année ou le début 2016 au plus tard. D’ici à 2017, ce seront 200 millions de passagers qui seront ainsi suivis.

La France œuvre pour une montée en puissance

Le programme de la France relatif aux renseignements préalables concernant les voyageurs (RPCV) et aux dossiers passagers (PNR), dit « programme API-PNR », est un projet de mise en œuvre d’un système français de traitement automatisé des données passagers qui débute il y a bientôt 10 ans… avec la publication de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme.

La loi française étend le champ d’application de cette directive européenne et prévoit que les données des systèmes de réservation (données PNR) puissent également être collectées et traitées afin « d’améliorer le contrôle aux frontières, de lutter contre l’immigration clandestine et de lutter contre le terrorisme ».

Dès 2010, le gouvernement français décide de ne plus attendre et de doter la France d’un système d’exploitation des données RPCV et PNR, sans que n’ait été adoptée de « directive PNR ».

Pour permettre aux États membres de mettre en place leur programme PNR, la Commission européenne lançait, fin 2012, sur le fonds ISEC (prévenir et combattre la criminalité), un appel à projets doté d’une enveloppe de 50 millions d’euros. 14 États membres avaient obtenu un financement en septembre 2013. 17,8 millions d’euros avaient été alloués à la France, soit un peu plus de la moitié du budget nécessaire au développement du dispositif. Cette dotation a permis de notifier les marchés dont les procédures avaient été lancées en mai 2013. Deux contrats ont ainsi été passés pour une durée de quatre ans, jusqu’en janvier 2017 : « L’un avec un prestataire d’assistance à maîtrise d’ouvrage apportant son support à l’administration, et l’autre avec un maître d’œuvre devant développer le système informatique de transmission des données en lui-même », souligne un représentant de la douane.

Dans son discours devant le congrès réuni à Versailles le 16 novembre suite aux attentats terroristes ayant touché la France, François Hollande a fait une de ses priorités d’accroître la sécurité du pays : l’adoption de la directive européenne dite API/PNR (Advanced Passenger Information-Passenger Name Record) d’ici la fin de l’année ou le début 2016 est l’une des mesures clefs.

Cette directive impose donc aux États de récolter, traiter et stocker temporairement les données personnelles des passagers du transport aérien en vue d’identifier en amont des individus suspects. Un fichier PNR compte environ 230 entrées : nom, prénom, escale, mode de paiement, poids des bagages… « Ces données permettent de faire du ciblage aérien. Elles peuvent être très intéressantes pour les services de renseignement ou des douanes pour lutter contre le terrorisme, la fraude et les grands trafics internationaux […] Avec les attentats de novembre dernier, il y a une urgence opérationnelle encore plus forte à mettre en place ce type de systèmes », explique Julien Coudray, chargé de mission PNR pour la douane. Les finalités du traitement des données sont la prévention et la constatation des actes de terrorisme, des infractions mentionnées à l’article 695-23 du Code de procédure pénale (participation à une organisation criminelle, traite d’êtres humains, trafic illicite d’armes ou de stupéfiants, etc.) ainsi que les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

Déjà opérationnel

Le décret du 26 septembre 2014 autorise la collecte des données depuis le 1er janvier 2015. Celle-ci se fait de manière progressive : 4 compagnies (Air France, Delta Airlines, Etihad, Europe Airpost) participent à la mise au point du “programme API-PNR France”. Avant la fin de l’année, ce sont 26 compagnies aériennes supplémentaires qui seront raccordées. Dans un premier temps, seuls les vols extra-communautaires sont traités, soit environ 40 millions de passagers par an sur un total de 100 millions.

Le recueil des données porte sur l’ensemble des vols à destination et en provenance du territoire national, à l’exception des vols reliant deux points de la France métropolitaine. Les transporteurs aériens ont pour obligation de communiquer les données demandées à deux reprises, une première fois 48 heures avant le vol (PNR) et une deuxième fois à la clôture du vol (RPCV et PNR), sous peine de s’exposer à une amende de 50 000 euros maximum pour chaque vol.

Les données sensibles ne seront ni traitées ni conservées. Sont ainsi exclues de ce traitement automatisé de données les informations à caractère personnel susceptibles de révéler l’origine raciale ou ethnique d’une personne, ses convictions religieuses ou philosophiques, ses opinions politiques, son appartenance à un syndicat, ou les données qui concernent la santé ou la vie sexuelle de l’intéressé.

D’ici à 2017, « ce seront alors 230 compagnies qui seront dans le champ PNR », note le représentant de la douane. La base de données a été dimensionnée pour traiter les informations d’environ 200 millions de passagers. Il faudra attendre 2017 pour que le système puisse traiter également les vols intra-communautaires. Ni les vols d’affaires ni les vols militaires ne sont concernés.

Cohérence, harmonisation et précision

Tout au long de l’étude de faisabilité, la Mission PNR a mené de nombreux échanges avec les pays ayant déjà mis en place leur programme national : États-Unis, Canada, Australie ainsi que Royaume-Uni. Un partage de connaissances indispensable qui a ainsi conduit la France à prendre l’initiative de lancer, avec plusieurs autres États membres (Espagne, Estonie, Royaume-Uni, Hongrie, Pays-Bas, Suède), une démarche d’harmonisation de la collecte des données.  

« L’armement de l’UIP française atteindra plus de 70 personnes pour assurer un fonctionnement 24 heures sur 24 fin 2016, début 2017. L’UIP sera basée à proximité de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Les personnels seront issus des quatre administrations partenaires (intérieur, défense, transports, douanes) », explique la douane.

Harmonisée et cohérente pour plus d’efficience… Cet outil disposera aussi de fonctionnalités avancées de recherche, de ciblage et de criblage. Ainsi, il sera possible d’obtenir des informations dans la base des données passagers à partir de critères combinés ; d’identifier des personnes à risques à partir de profils types testés au préalable pour en accroître l’efficacité ; d’effectuer un rapprochement des données des passagers collectées avec celles issues des fichiers nationaux, européens ou internationaux de personnes connues ou recherchées, de documents volés ou perdus, et de router, après validation par l’UIP, les “hits” aux services chargés des contrôles dans les zones aéroportuaires ; de mettre en attention une ou plusieurs personnes ou objets pendant une période donnée (ex. : s’assurer qu’un suspect ne parte pas à l’étranger par voie aérienne). Les données PNR pourraient ainsi être comparées avec les données du Fichier des personnes recherchées, où sont enregistrées les personnes fichées S, soupçonnées de menacer la sécurité nationale.

« Il est plus que jamais nécessaire que l’Europe adopte le texte sur le PNR […] c’est une condition de notre sécurité collective », a souligné Manuel Valls, devant l’Assemblée nationale, le 19 novembre dernier, lors de la présentation du projet de loi prolongeant l’état d’urgence.

Le lendemain, une réunion extraordinaire des 28 ministres de l’Intérieur des États membres de l’Union européenne s’est tenue à Bruxelles, à la demande de Paris. « Sur les trois points que la France a souhaité porter à l’ordre du jour de notre réunion, l’Europe s’est accordée et notre pays a donc été entendu », a déclaré Bernard Cazeneuve à l’issue de la réunion. « Nous avons donc pris aujourd’hui des décisions fortes et opérationnelles avec des résultats qui doivent advenir avant la fin de l’année sur les trois principaux sujets : le PNR européen, les armes à feu et le renforcement des contrôles aux frontières extérieures », a précisé Bernard Cazeneuve. Le PNR sera un outil « opérationnel et efficace », a promis le ministre français de l’Intérieur. « Il permettra de tracer le déplacement des personnes qui cherchent à nous attaquer », a-t-il indiqué. « Les vols intra-européens devront être inclus dans ce PNR, et la durée de conservation des données avant masquage suffisamment longue, c’est-à-dire un an et non un mois », de manière à ce que ces données puissent être utilisées par les services et en particulier par les services de lutte anti-terroriste, a précisé le ministre.

La Commission européenne présentera par ailleurs « d’ici la fin de l’année une proposition de réforme du Code frontières Schengen, pour que des contrôles systématiques aux frontières extérieures de l’UE puissent être réalisés sur les ressortissants européens. C’est un changement crucial », a fait valoir Bernard Cazeneuve. Cette réforme doit « permettre les contrôles systématiques, obligatoires et coordonnés, à toutes les frontières extérieures et sur toutes les personnes entrant dans l’espace Schengen, y compris les bénéficiaires de la libre circulation », a-t-il ajouté, et de conclure : « L’Europe doit tout mettre en œuvre pour vaincre le terrorisme. »