Première femme handicapée au monde pilote de voltige aérienne, Dorine Bourneton danse dans le ciel après un accident d’avion à 16 ans qui la rend paraplégique. Loin d’abandonner ses rêves d’aviation, ses envies d’aventure, elle fait de son handicap une force et décide de se battre pour faire bouger les lignes.
La joie et le partage deviennent ses carburants. Le courage et l’audace, ses prises pour franchir l’impossible !
Rencontre avec une femme d’exception, Dorine Bourneton, pilote de voltige, conférencière, responsable RSE de BPE, la banque privée de la banque postale, ambassadrice de la marque de soins nescens et présidente de l’association Envie d’Envol.
Propos recueillis par Mélanie BENARD-CROZAT
Je pilote mon destin
« A bord de mon avion, je pilote ma vie, je pilote mon destin. J’apprends à vouloir. » A l’âge de 8 ans, Dorine découvre l’aviation avec son père. Il n’est pas du sérail mais c’est son rêve. « Chauffeur de taxi et ambulancier, je parcourais avec lui les routes sinueuses des monts du Livradois-Forez, entre Loire et Puy-de-Dôme. Ce qui le passionnait, ce qui le faisait rêver, c’était l’aviation. Un jour, il a franchi le pas et a décidé de s’inscrire à l’aéroclub d’Auvergne, à Aulnat, près de Clermont-Ferrand. Mon frère ne voulait pas l’accompagner. Je me suis alors invitée à l’arrière de l’avion à sa place : « moi, je me sens capable de piloter un jour ! » Je n’avais pas confiance en moi, je me suis juste dis : Dorine, sois courageuse, lance-toi ! Et c’est ainsi que j’ai attrapé le virus ! »
Rêver d’aventure
A 15 ans, bercée par les récits de l’aéropostale et les figures emblématiques de Mermoz et de Saint-Exupéry, Dorine réalise son premier vol solo. « Petite déjà, je rêvais d’une vie d’aventure, faite d’explorations, de découvertes et de rencontres. Je ne voulais pas d’une vie comme tout le monde. On peut dire que j’ai été gâtée ! » L’aviation lui ouvre les bras du monde. Elle explore l’infini du ciel, jusqu’à ce que sa passion lui inflige autant de joie que la plus grande des épreuves.
Une épreuve qui rend plus forte
Mai 1991. Il y a 30 ans. Alors âgée de 16 ans, Dorine est la seule rescapée d’un avion de tourisme qui s’écrase suite à de mauvaises conditions météorologiques. Elle perd l’usage de ses jambes.
Paraplégique, Dorine voit sa vie basculer et ses rêves d’aventurière s’éloigner. C’est sans compter sur cette force et cette rage qui l’habitent. « Cet accident qui pulvérise mon rêve et me prive de mes jambes m’a imposé des étapes difficiles et un parcours douloureux. Je l’évoque longuement dans mon premier livre. J’étais triste. Pourtant, au fil du temps, mes rêves se sont enrichis et je me suis reconstruite. »
Elle décide de reprendre les commandes d’un avion contre l’avis de tous et malgré le handicap. Un pari fou et une dose sévère de persévérance seront gagnants : elle devient la première femme handicapée pilote de voltige au monde. « Cet accident a été un catalyseur. Il fallait sans cesse que je me dépasse, sans cesse prouver, démontrer. Je ne pouvais pas tricher. Comme aux commandes d’un avion. Comme dans la vie ! Ce combat pour devenir pilote de voltige a été difficile. Rien n’était gagné d’avance. Cela paraissait même impossible. J’ai fait tomber tous les murs. Tout comme il y a 15 ans, lorsque que je me suis engagée en faveur de la professionnalisation des pilotes handicapés dans l’aviation civile et que nous avons réussi à faire promulguer l’arrêté ministériel ouvrant aux personnes handicapées l’accès à la licence de pilote professionnel.»
« En volant, je retrouve ma liberté »
Faire d’une « crise », une opportunité. « C’est aujourd’hui ce que je tire de mon parcours. Ce drame m’a permis de me réinventer. De développer mes forces, d’affirmer mon identité. J’ai livré des combats et dessiné le parcours qui est le mien. Un parcours incroyable qui aurait été totalement différent sans cet accident. D’une crise ou d’un échec peut donc naître une opportunité, à condition de le vouloir et de se donner les moyens d’y parvenir. Ce n’est pas la voie la plus facile. Mais ce fut le prix pour retrouver mon autonomie et affirmer que tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais ! Un avion m’a volé mes jambes. En devenant pilote, j’ai retrouvé ma liberté ! »
Assumer et prendre des risques
« Chaque vol est différent. Piloter est un choix. Décoller signifie assumer d’être là et accepter de prendre des risques. C’est exigeant. La pression est permanente. Elle se gère avec du sang froid, de la concentration et une équipe solide sur laquelle repose toute notre confiance. Pour s’adapter au contexte, à l’inattendu, il faut être bien préparé, s’entraîner, s’entourer. Oser sortir de sa zone de confort et se dépasser continuellement pour apprendre à se faire confiance et à faire confiance aux autres. On se remet en question, on progresse, on persévère, on vit ! »
Transmettre et partager
Une suite logique ? « Un retour à mes racines, à ma vie tournée vers les autres. Et à un autre rêve d’enfant. Je voulais être écrivain. »
Dorine ressent le besoin de transmettre par l’écriture « J’avais besoin de coucher sur le papier ce que je ressentais. J’ai donc écrit un livre pour décrire la période la plus sombre de mon parcours. Celle où j’étais triste, en colère. J’éprouvais l’injustice et l’humiliation que beaucoup de personnes connaissent. Ce premier ouvrage a joué un rôle important dans ma thérapie reconstructrice. »
Un livre trop noir pour cette insatiable optimiste qui préfère le bleu du ciel qui ouvre les horizons. Une couleur étroitement liée au rêve, à la sagesse et à la sérénité. Le bleu écho de la vie, du voyage et des découvertes… « J’ai donc publié un deuxième ouvrage « Au-dessus des nuages », dans lequel je décris ma passion et mes victoires ! J’explique à ma fille les raisons qui me poussent à voler malgré les risques et plus largement, je partage avec mes lecteurs ce que j’ai appris : soyez vous-même ! Ce que vous êtes vous donnera toujours le bon cap. »
Ecouter, comprendre, agir. Après l’écriture, cela passe aussi par des conférences où elle partage son expérience. « Mon poste de référente handicap à BPE et mes fonctions de conseillère municipale à Boulogne-Billancourt jouent un rôle très important qui me permettent d’aider à mon tour ceux qui en ont besoin et de changer le regard sur le handicap. »
C’est aussi le sens d’Envie d’Envol, l’association qu’elle a fondée « une école du dépassement de soi qui donne la chance aux jeunes de suivre leur voie, la chance d’éprouver cette joie profonde à travers la pratique de la voltige aérienne. »
Et de conclure : « Je suis une femme, je suis pilote et je danse dans le ciel ! Si j’ai pu atteindre mes rêves, vous le pouvez aussi ! Battez-vous en restant ouvert sur le monde. Grandissez-vous en sachant demander l’aide des autres. Embarquez votre équipe dans l’aventure et laissez les ensuite suivre leur propre chemin. La bienveillance est la valeur qui guidera votre route. Elle donne des ailes et confère un pouvoir extraordinaire… »
Du crash à la voltige, ma méthode pour réaliser vos rêves.
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Mai 2021