Le spatial a une place grandissante dans notre quotidien, son utilisation est devenue omniprésente. Les applications utilisées permettent de mieux comprendre notre planète, ses enjeux, d’améliorer les déplacements, les communications ou encore la sécurité. Nombreux sont les avantages apportés par ces technologies, mais l’accroissement des débris orbitaux met en péril leur pérennité.
Par Margaux Pinot Akkawi, Vice-Présidente Green Space chez 3i3s Europa
Les orbites terrestres sont occupées par des centaines de satellites actifs, mais également par des millions de débris orbitaux. La plupart de ces débris ont été générés par l’homme tels que des étages de lanceurs, des satellites en fin de vie, ou encore des fragments de différentes tailles allant de plusieurs centimètres à moins d’un millimètre. Restes de missions spatiales, d’explosions, ou encore d’usures, mais également de collisions d’objets en orbite volant dans l’espace à grande vitesse.
Le syndrome de Kessler
Lorsqu’un débris entre en collision avec un autre, cela entraîne une réaction en chaîne, générant de nouveaux débris, augmentant par conséquent la probabilité de nouveaux impacts. C’est ce que l’on appelle le syndrome de Kessler, de Donald Kessler, astrophysicien et scientifique de la NASA qui en 1978 théorisa ce syndrome en identifiant une densité « critique » de débris orbitaux, sous couvert d’un nettoyage atmosphérique trop faible pour contrebalancer la croissance de ces derniers, rendant quasi impossible l’exploitation et l’exploration spatiale pour des générations entières.
Même un débris considéré comme dérisoire peut altérer le bon fonctionnement d’un satellite actif. Si l’un des débris entrait en collision avec un panneau solaire, il pourrait au mieux n’y avoir qu’une perte d’énergie. En revanche, si l’ordinateur de bord est touché, c’est la mission entière est stoppée.
« Les débris mesurant entre 1 et 2 cm, représentent environ 600 000 objets, incluent des morceaux de peinture et des gouttes résultant de fuites de carburant… pouvant atteindre une vitesse d’environ 28.000km/h » souligne Robert Feierbach, Président fondateur de Clarkebelt Space. Ce qui n’est pas sans poser de réels risques pour la sécurité des personnes et des biens dans l’Espace comme sur Terre.
Des débris par millions
Il existe aujourd’hui un catalogue US officiel répertoriant tous les objets assez gros pouvant être traqués par radars et télescopes dérivés de la guerre froide. De surcroît, le CNES dispose d’un Centre d’Orbitographie Opérationnelle qui agit de façon préventive sur les éléments catalogués et manœuvrables afin d’éviter les collisions.
On estime le nombre d’objets mesurant plus de 10 cm à environ 39 0001, avec à peu près 23 500 répertoriés dans ce catalogue. Au sein de ces 23 5002, les satellites actifs avoisineraient les 15%, excluant les satellites militaires répertoriés sur les catalogues de tracking N2YO/SpaceTrack, etc. Les débris mesurant moins de 10 cm, soit la taille d’une balle de tennis, ne peuvent être référencés. Leur estimation se base donc sur des statistiques. Il existerait environ 1 million de débris variant entre 1 et 10 cm3, et 140 millions allant de 1 mm à 1 cm4.
En pratique, la zone la plus « polluée » est la Low Eart Orbit (LEO), zone d’orbite basse qui s’étend jusqu’à 2 000 km d’altitude, où se trouve la majorité des débris de lanceurs n’ayant pas pu retomber dans l’atmosphère, restes de collisions ainsi que d’explosions.
Une rentrée atmosphérique fondamentale
En 2007, la Chine a délibérément détruit l’un de ses satellites météorologiques Feng-Yun1C, dégageant approximativement 2 500 gros débris5. En 2009, la collision accidentelle entre Iridium-33, un satellite de télécommunication américain et un satellite militaire russe Cosmos 22-51, aurait généré également quelque 2 000 nouveaux débris6. Par conséquent, en seulement 2 ans, le nombre de débris en LEO aurait augmenté d’environ 70 %7. Des évènements qui ont poussé les autorités compétentes à se tourner vers cette problématique.
Outre la vélocité et le nombre croissant de débris, une autre problématique est à mettre en exergue. Lorsque qu’un objet est en orbite basse, 1 200 km par exemple, il y restera pour environ 2 000 ans8. En dessous de 600 km les objets orbitaux ont tendance à être freinés plus rapidement par l’atmosphère, et à s’y consommer. La rentrée atmosphérique est considérée comme un outil naturel fondamental pour nettoyer les orbites et assurer un avenir durable dans l’Espace. Grâce à cela, il est estimé que le processus de freinage et de rentrée atmosphérique pour les objets orbitaux en dessous de 600 km prendrait environ 25 ans. A contrario, dans une zone entre 800 et 2 000km le freinage atmosphérique n’est pas aussi efficace, rendant ces altitudes très prisées pour les applications spatiales, relativement polluées. Cependant, si les débris sont trop gros ou constitués de matériaux très résistants, ils peuvent atteindre le sol et causer des dégâts matériels ou humains appelées Rentrées à Risques (RAR). Les standards internationaux imposent alors qu’un satellite volumineux puisse se couper en morceaux (Design for Demise), ou l’utilisation de matériaux fissibles pour diminuer ce risque à 10.4
Qu’en est-il donc en GEO ?
L’Orbite Géostationnaire (GEO-Geostationary Earth Orbit), basée à 35 786 km d’altitude au-dessus de l’équateur terrestre, est unique. C’est l’orbite de prédilection pour les services de météorologie, de télécommunications ou encore de télévision. Avec une altitude aussi importante, les débris présents en GEO sont à peine impactés par l’atmosphère terrestre et pourraient donc rester en orbite pour une durée indéterminée. A l’inverse de ce qui se passe en LEO, « les opérateurs en GEO ont obligation de déplacer leur satellite en fin de vie vers une orbite de cimetière, au-delà de l’orbite GEO, les libérant ainsi de l’attraction terrestre. Un pourcentage du carburant est obligatoirement réservé pour effectuer cette manœuvre. » explique Robert Feierbach.
5 points d’attention
Depuis les années 90, une règlementation internationale s’est mise en place afin de limiter l’accroissement des débris. Même si le manque de sanction ne permet pas un respect total de cette règlementation, 5 points majeurs sont fortement encouragés : l’interdiction de générer des débris en connaissance de cause ; satellites et étages de lanceurs doivent être « passivés » pour éviter toute explosion future en orbite ; 25 ans de présence pour les objets orbitaux en LEO, et mise en orbite cimetière pour ceux en GEO ; l’obligation d’évitement de collision et pour finir, une désorbitation contrôlée si le retour de débris sur Terre est possible.
« Il est important de réfléchir à la manière dont un objet en orbite va finir sa vie afin d’éviter l’engorgement de certaines altitudes indispensables aux applications de notre quotidien » rappelle Olivier Colaitis, Vice-Président en charge des affaires Européennes chez Airbus Defence and Space.
Vers une coopération internationale renforcée
Enfin, le développement des méga-constellations renforce la nécessite de travailler sur cette problématique. La mise en orbite de centaines voire de milliers de nouveaux satellites lors des prochaines années va accroître le risque de collision. La communication entre experts et opérateurs permet en partie de se prémunir face à ce risque grandissant, faisant ainsi du développement du Space Trafic Management une priorité. Néanmoins, si une multitude de nouveaux objets est mise en orbite, la responsabilité ne sera plus individualisée et relèvera davantage de tous pays ayant une activité spatiale.
Une problématique mondiale qui nécessite la coopération internationale dans l’intention de préserver un environnement spatial plus durable pour les générations d’aujourd’hui et de demain.
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