Une réflexion ouverte pour une société d’avenir

2024 et 2028 devraient se traduire par une coopération intelligente et innovante, au service des citoyens.  « Au cœur de ces Jeux, nous placerons la jeunesse qui est notre présent, notre espoir et notre fierté » prononçait Anne Hidalgo lors de l’annonce officielle de l’obtention des JO en 2024. « LA est une ville où les Jeux ne sont pas un obstacle au progrès, nous les voyons comme une force qui nous poussera à repenser une ville et un monde meilleurs d’ici au retour de l’événement dans la Cité des Anges » poursuivait Eric Garcetti, maire de Los Angeles. L’accord tripartite et cette double attribution assure une stabilité des Jeux pour les onze années à venir, projetant les deux villes dans une nouvelle ère.

Par Catherine Convert

Un nouveau visage pour les Jeux

L’organisation des compétitions révèle la capacité des villes à mobiliser leur population, à faire preuve de stabilité politique et de puissance économique. « Les JO de Paris en 2024 sont un moyen de montrer que la France est à la hauteur des autres nations précédemment hôtes comme les Etats-Unis, la Russie, ou la Chine. Cest un moyen de nation-branding qui permet de communiquer internationalement sur le savoir-faire parisien ainsi que sur ce que le pays a de meilleur. Il sagit dune occasion de montrer les capacités des entreprises françaises dans la construction, les innovations » déclare Jean-Baptiste Guégan, enseignant en Histoire-Géographie et auteur de « Géopolitique du sport, une autre explication du monde » aux éditions Bréal.

Les Jeux doivent aussi répondre à de nouveaux objectifs sociaux et environnementaux établis par une plus large communauté internationale. Ils s’illustrent en France via des partenariats signés entre Paris 2024 et des organisations garantes du respect des Objectifs de développement durable fixés par lONU comme lAgence Française de Développement et le WWF France.

S’inspirer de Tokyo et Rio

En février 2016, Anne Hidalgo se rend à Tokyo pour « apprendre et préparer la candidature de Paris ». Elle est marquée par le choix artistique du village olympique, se justifiant par une vision des Jeux « au service d’un projet de société […] (qui) doit être porté par le secteur public et le secteur privé »1. Tokyo introduit pour la première fois un concept de durabilité, où les initiatives et les activités responsables lancées au Japon pourront résonner dans le temps et dans le monde. Des changements notables, de plus ou moins grande envergure, allant de la composition des médailles et des podiums en matières recyclées jusqu’aux infrastructures d’énergies renouvelables. Le village olympique, le centre international de diffusion (IBC) et le centre de presse principal (MPC) seraient ainsi alimentés à hauteur de 100% en énergies propres. D’autres sites utiliseront des systèmes d’énergie renouvelable comme le Stade Olympique, l’Arena d’Ariake et le centre aquatique de Tokyo, qui seront fournis en électricité grâce à des systèmes de chauffage ou refroidissement géothermiques ou des systèmes de production d’énergie solaire.2

Accompagnant la maire de Paris à Tokyo, Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, sest également laissée inspirer par la promotion de l’hydrogène pour lorganisation de Jeux écologiques à Paris. En 2019, Paris 2024 a lancé un appel à projets pour une production d’énergie hors réseau qui n’émettrait pas de gaz à effet de serre. Paris 2024 veut aller encore plus loin en mettant en place une économie circulaire, une alimentation durable et une mobilité propre pour la flotte olympique, un projet dont s’inspire déjà Los Angeles. Tokyo et Rio sont les deux success stories d’un réseau de mobilité rénové et modernisé. En 2016, la ville brésilienne développe de nouveaux modes de transport pour redonner un souffle à « un réseau surchargé, peu fiable et vétuste »3. Rio a développé et amélioré trois modes de transports publics : le transit rapide par bus, le système de véhicule léger sur rail et le métro. Des ouvrages qui ont permis un « bénéfice immédiat en termes de mobilité de 2,3 à 3 millions de voyages en transports publics par jour »4. En comparant les 1255 km2 de Rio avec les 341,4 km2 de Paris et la Seine Saint Denis réunis, la modernisation des transports publics semble à portée de main. L’expérience spectateur et les ambitions environnementales portent également les Jeux dans une dimension diplomatique nouvelle, orientée vers les mobilités et la neutralité carbone comme le mentionne Pierre Rabadan, adjoint à la Maire de Paris en charge du sport, des Jeux olympiques et paralympiques : « il y a des discussions bilatérales avec les ambassadeurs pour promouvoir les trajets en train au sein de l’UE, notamment avec les Pays-Bas » et d’ajouter « nous avons fait une visite de l’aéroport de Roissy pour identifier les problématiques autour des Jeux. L’expérience spectateur commence dès l’atterrissage et se poursuit lors de l’acheminement des personnes jusqu’aux hôtels, aux zones de compétition. La Société du Grand Paris élabore un Plan de transport des Jeux, mais le calendrier n’est toujours pas suffisamment sécurisé ».

Un jumelage porteur de projets avec Los Angeles

Pour Pierre Rabadan, le jumelage est un moyen « de créer des synergies. Les villes hôtes ont toujours eu des relations. La double attribution permet de créer une contribution. Il y a des Memorendum of Understanding entre nos deux villes ainsi que des partenariats d’échanges d’informations entre les start-up et les étudiants venant de Los Angeles qui ont malheureusement été suspendus avec la crise sanitaire ». Il faudra cependant attendre les Olympiades pour que l’aspect opérationnel de cet accord se peaufine. « Nous élaborons un « event delivery model », une mesure innovante pour gérer les sites et l’accueil hors stade au coeur des villes. Cette stratégie permettra de déléguer à un opérateur compétent – comme le Roland Garros et la Fédération Française de Tennis – la gestion des équipements lors des Jeux. Les opérateurs ayant l’habitude de gérer des sites pendant de grands rendez-vous sportifs pourraient ainsi se voir confier l’organisation des épreuves pendant les Jeux » ajoute l’adjoint. Une stratégie dont Los Angeles pourrait s’inspirer pour 2028.

Un jumelage qui servirait les intérêts internationaux en faveur du climat. Le 12 mars 2021, John Kerry, envoyé spécial des États-Unis pour le climat désigné par Joe Biden, a été reçu par la Maire de Paris. Il lui a été remis, symboliquement, la Déclaration de Paris, en rappelant la nécessité de laisser une place plus importante aux villes dans les négociations de la COP26 en novembre 2021. Une suite logique au 10 et 11 décembre, lorsque les deux maires parisien et angelin avaient lancé un appel des villes pour qu’elles puissent peser davantage dans les négociations en faveur du climat.

Les Jeux s’invitent donc dans l’agenda géopolitique des puissances.

Les bourgeons d’une monnaie numérique ?

En Chine, l’écologie se couple à des innovations économiques et bancaires, avec l’ambition d’un yuan numérique pour les Jeux d’hiver 2022. Beijing avait débuté un programme pilote du yuan numérique dans le parc industriel de Shougang, soit l’emplacement des Jeux d’hiver. Le 15 décembre 2020, le test de « toute la scène » de la monnaie numérique émise par la banque centrale se termine. Le directeur adjoint du bureau local de réglementation et gestion financière à Beijing Li Yan affirme que la Chine continuera à promouvoir la recherche et les tests avec la banque centrale, en s’appuyant sur des scénarios liés aux Jeux Olympiques d’hiver. Pour Zhu Guangyao, ancien vice-ministre des Finances, le yuan numérique ne concernerait que le commerce de détail, sans information sur son déploiement transfrontalier. Le programme pilote concernait différentes provinces, notamment celle de Suzhou, où les habitants tirés au sort disposaient de « paquets rouges virtuels » d’une valeur de 20 millions de yuans numériques (3,06 millions de dollars), censés être dépensés dans des magasins désignés et certaines plateformes de commerce électronique via l’application officielle5. Contrairement aux cryptomonnaies, cette monnaie virtuelle sera contrôlée par une entité bancaire unique. Un test à grande échelle que l’Union européenne suivra assidument, projetant pour sa part un euro numérique pour 2026.

Des habitants au coeur des Jeux

L’écologie, l’inclusion sociale et économique, le développement numérique et la mobilité repensée ne sont plus l’apanage d’une politique ciblée, mais bien d’une stratégie de long terme, établie depuis près de 7 ans. Mauna Traikia, Conseillère territoriale pour le développement numérique de la Plaine Commune et rapporteure du Grand Paris Express Mobilité sur plusieurs volets insiste sur l’importance des réseaux de mobilités innovants : « nous étions déjà préparés pour l’arrivée de nombreux spectateurs grâce à notre stade, qui accueillait des concerts et des évènements internationaux. Le plan marche et le plan vélo sont des stratégies de mobilité douce auxquels nous avons déjà réfléchi en amont des Jeux » et d’ajouter « la Plaine Commune est reconnue comme une terre d’innovation, le seul nouveau défi apporté par les Jeux est la notion d’héritage pérenne ». C’est surtout sur l’humain que Mauna Traikia et ses collaborateurs cherchent à se concentrer, pour apporter des innovations technologiques et sociales profitables et durables. Avec le think tank Human2Sport, la Plaine Commune place l’inclusion au centre des priorités, en luttant contre la discrimination. Les Jeux Olympiques et Paralympiques sont ainsi l’occasion de porter des valeurs fondamentales en haut de l’affiche telles que le renfort de la participation des personnes en situation de handicap à l’expérience sportive. « Nous disposons aujourd’hui d’une filière d’innovation au service de la création avec le cinéma et l’audiovisuel. Il faut aussi revoir nos transports lorsque seulement 9 stations de métro sont accessibles pour les personnes en situation de handicap. Des start-up travaillent pour proposer des accès innovants via le numérique, grâce à des applications immersives » ajoute Mauna Traikia.

La Seine Saint Denis est un territoire « peuplé de 430 000 habitants avec des jeunes en grande partie bilingues » souligne Mauna Traikia, représentant une véritable richesse pour le tourisme, le commerce et l’accueil de près de 206 nations pour les épreuves. À l’heure actuelle, Euromedia, le studio AMP et de nombreuses start-up sont implantées en Seine Saint Denis avec une ouverture à l’international représentant quelques millions d’euros de chiffre d’affaires. Les Jeux Olympiques vont pourvoir jouer le rôle d’accélérateur d’un train déjà lancé à grande vitesse.

Jean-Baptiste Guégan rappelle « les Jeux de 2024 sont des prototypes de linfluence politique positive que devront avoir les Olympiades de demain ». Si la Chine continue de faire bande à part avec le lancement du yuan numérique, la stratégie adoptée par Anne Hidalgo et Eric Garcetti offre une lecture bien plus actuelle des relations internationales, où l’hégémonie devrait laisser sa place à une coopération assidue en matière de climat et d’enjeux de société. Entre la COP26, Paris 2024, l’euro numérique et LA 2028, les Jeux n’auront jamais été autant imbriqués dans un destin commun. « Paris 2024 ne doit pas être uniquement destiné à notre ville mais à la France et à l’Europe en pensant jusqu’à Milan 2026 » encourage Pierre Rabadan.

1 https://rmcsport.bfmtv.com/jeux-olympiques/jo-2024-hidalgo-et-pecresse-en-visite-a-tokyo_AN-201602290218.html

2 https://tokyo2020.org/fr/actu/projets-durabilite-tokyo

3 https://www.olympic.org/fr/news/les-jeux-olympiques-transportent-rio-dans-une-nouvelle-ere

4 https://www.olympic.org/fr/news/les-jeux-olympiques-transportent-rio-dans-une-nouvelle-ere

5 http://french.peopledaily.com.cn/Economie/n3/2020/1217/c31355-9800341.html