Les Jeux, une opportunité aussi créative

Quand le sport rencontre la culture, l’art et la créativité, cela donne naissance au projet Courants Fertiles de la SOLIDEO qui donne une vision plus créative aux Grands Évènements, où le spectateur devient l’acteur incontournable, laissant aux grands rêveurs la possibilité de s’impliquer en s’inspirant de leurs mentors. Projet artistique « qui puisse établir un lien symbolique entre le passé et le devenir du quartier », « Courants Fertiles » est le titre d’un récit. Un récit vivant qui vient souligner la dynamique dun territoire toujours en mouvement. « Courants Fertiles » est pensé comme un récit poétique et émancipateur qui sadresse à la fois aux habitants et usagers mais aussi aux artistes et aux créateurs.

Par Estelle Alexandre

Pour le futur Village des athlètes, la SOLIDEO lance donc la démarche artistique. Encourager la créativité dans les espaces publics, accompagner les transformations urbaines, créer du lien mais surtout favoriser lappropriation du Village par ses futurs habitants et riverains, font partie des grandes ambitions de cette démarche. Pour placer lart au cœur de la ville, la SOLIDEO va donc organiser six appels à création, ouverts à tous les champs culturels et créatifs. Les interventions artistiques qui se déploieront dans les espaces publics devront proposer une lecture esthétique et enrichie de lenvironnement urbain, des expériences uniques aux futurs usagers du quartier, particulièrement les habitants. De leur côté, les opérateurs-constructeurs vont inviter des artistes à intervenir à l’échelle des lots immobiliers.

Avant tout, la démarche artistique sera la traduction dune ambition : un art singulier pour réenchanter le quotidien urbain.

« Racines », un chapitre de l’histoire du quartier

À l’image d’un chêne, Paris 2024 s’enracine auprès d’une population, désireuse d’élever des projets et promouvoir une histoire commune. Les Jeux Olympiques et paralympiques, et les nouveaux aménagements de la Seine Saint Denis seraient le feuillage touffu d’une coopération inédite, où athlètes et citoyens agissent pour le même étendard. Nicolas Ferrand, directeur général de la SOLIDEO revient sur l’ambition de cette démarche : « le Village des athlètes va changer lhistoire du territoire. Nous avons besoin daccompagner ce mouvement par l’émotion, par limaginaire, par le désir, pour toucher au cœur les habitants et les riverains. Lapproche artistique en est pour nous une des réponses. L’art viendra créer la surprise dans le futur quartier et interpellera chacun dentre nous ». Une approche fédératrice qui s’appuie sur l’histoire industrielle et ouvrière du quartier. S’agissant avant tout de créer une oeuvre artistique pérenne, partagée par les différentes vies du quartier, le récit commun est donc constitué de six appels à création qui vont s’étendre jusqu’en 2023 avec un fil rouge évidemment artistique. « Racines » sera le premier chapitre, suivi de « Naissance », qui laissera place à « Seuils » et « Symbiose » avant que se termine le projet par les deux chapitres évocateurs nommés « Epreuves » et « Magie Collective ». Tous illustreront trois thématiques majeures : l’histoire, l’environnement et la diversité et mettront en valeur « l’identité et la diversité culturelle du territoire en établissant des ponts entre son patrimoine et les mutations actuelles, qui en font un quartier d’avenir » mentionne la SOLIDEO. Le premier chapitre est « symbolique puisqu’il se situe entre les quartiers d’aujourd’hui et ceux qui vont naître » rappelle Laure Colliex, co-fondatrice de Manifesto à qui SOLIDEO a confié la direction artistique du projet.

Ambassadeurs d’une histoire et d’un avenir communs

Pour ce projet, la SOLIDEO a souhaité inclure les artistes et les citoyens au coeur des Jeux en étendant l’appel à création à tous les champs créatifs, culturels et artistiques évoluant dans le champ large des arts visuels. Parmi les candidats, artistes, artisans, collectifs, associations, industries créatives ou culturelles et autres acteurs potentiels sont réunis. « La SOLIDEO encourage fortement la collaboration avec des acteurs du territoire comme les habitants, les associations culturelles, les établissements scolaires » précise Laure Colliex. Les quartiers ne seront plus uniquement façonnés par des architectes de renom répondant à un contrat et un projet artistique personnel comme Caltrava en 1992 à Barcelone ou le stade de Montréal de Roger Taillibert en 1974. Les espaces métropolitains seront ainsi modelés par des artisans, des élèves, des associations et des habitants, attachés au lieu et désormais investis dans sa métamorphose. Les interventions artistiques devront donc interroger, créer un dialogue avec les futurs usagers, permettre aux habitants et aux visiteurs d’éprouver le quartier dune manière nouvelle en proposant des expériences de vie par lart. La démarche artistique accompagnera la naissance des formes urbaines, elle stimulera les imaginaires sans jamais trahir lhistoire du site.

Les oeuvres devront également répondre aux ambitions formulées par la SOLIDEO qui s’attache notamment à l’excellence environnementale des oeuvres en favorisant l’éco-conception des projets présentés qui pourraient également avoir une contribution positive à la biodiversité. Aussi, la société portera un oeil attentif à l’accessibilité de l’oeuvre en envisageant tous les types d’handicaps, qu’ils soient sensoriels, moteurs, cognitifs ou intellectuels. Les artistes privilégieront donc des oeuvres multisensorielles qui faciliteraient le repérage dans l’espace public. La SOLIDEO encourage les candidats à jouer sur des « designs actifs et le nudge ». Afin d’assurer la pérennité de l’oeuvre et la phase « héritage » des Jeux, la maintenance des oeuvres sélectionnées doit être pensée dans la durée avec des coûts et une mobilisation des effectifs maîtrisés entrant dans le budget de 105 000 euros fixé par la SOLIDEO pour chaque chapitre.

Penser la ville de demain

Les « Courants fertiles » veulent sortir d’une typologie d’art contemporain. Pour Gaël Charbeau, Directeur artistique du récit Courants Fertiles auprès de Manifesto « la ville est comme un laboratoire où il est possible d’inventer des rencontres, de favoriser l’émergence de réponses variées avec un panorama ouvrant sur l’art de demain. Il ne s’agit pas uniquement d’intervenir sur des bâtiments par le biais de mosaïques mais bien de donner une place à l’art dans les quartiers en évitant les oeuvres statutaires. Jouer sur les lumières, le son, les installations tout en adressant les cinq sens, voilà ce que nous espérons pour que la ville de demain soit beaucoup plus accessible ». Pour le dernier chapitre « Magie Collective », la direction artistique de la SOLIDEO veut aller encore plus loin : « il serait intéressant de léguer un patrimoine de village, quelque chose d’immatériel avec une propriété intellectuelle commune. À l’heure actuelle, il nous est difficile de nous projeter sur la forme que prendront les oeuvres car il est impossible de prétendre à l’innovation si nous avons déjà la réponse et des caractéristiques prédéfinies des oeuvres que nous attendons ! » précise Gaël Charbeau.

Pour inclure davantage les habitants dans la conception des quartiers post-JO, Kristen Lecorgne, chef de projet participation citoyenne, communication et démarche artistique, évoque la maquette numérique mise en place par la SOLIDEO et accessible sur leur site : « c’est un outil de « serious game » permettant de modéliser les évolutions de quartiers et donnant le champ libre aux habitants de préciser le mode de vie souhaité dans leurs quartiers en 2025 ». Courant 2024, l’intégralité des sites sera sous la responsabilité de Paris 2024.

Le pouvoir du collectif

Plusieurs « ennemis » bien identifiés pourraient nuire aux nouveaux aménagements des sites olympiques. « L’indifférence à l’histoire, l’ennui urbain, l’exclusion sociale ou encore l’aveuglement écologique » doivent être contrés par l’art. Gaël Charbeau souhaite que notre environnement puisse constamment nous surprendre, que les habitants forment une synergie avec leur ville, tout en construisant un imaginaire collectif. Cette démarche engagée vise également à associer un grand nombre dacteurs de la culture entre eux, favoriser des synergies collectives avec des artisans, des start-up, des passerelles entre divers champs artistiques, mais aussi avec des communautés scientifiques, techniques Kristen Lecorgne, chef de projet participation citoyenne, communication et démarche artistique, explique « il peut en effet y avoir des ingénieurs ou d’autres métiers techniques, scientifiques, pouvant prendre part à ce projet, pour travailler sur le cycle de l’eau par exemple » et Gaël Charbeau de compléter « c’est bien dans l’ADN de l’art de créer des synergies avec des scientifiques, mais le grand public n’en a pas toujours connaissance. A travers les liens quil créé, l’art fédère les énergies ! »

Si les aménagements urbains comme l’éco-quartier fluvial et les villages des athlètes répondent à un besoin de modernisation, les artistes apporteront une couleur et un sentiment d’appartenance à une histoire et à un quartier. Loin des éléphants blancs des éditions précédentes, c’est bien l’ancrage des Jeux et des infrastructures au coeur du territoire, aux services des citoyens pour aujourd’hui et demain, que s’inscrivent collectivement Paris, les Jeux 2024 et le projet Courants Fertiles. « Il y a un désir de s’affirmer à l’international en imposant des valeurs nationales propres aux citoyens français »  souligne le directeur artistique.

Les artistes sélectionnés pour le premier chapitre « Racines » devraient être connus d’ici à cet été ainsi que leurs projets. Seront à suivre avec curiosité « Naissance » fin 2021 et « Seuils » dès début 2022.