Une parole citoyenne décisive

Avec près de 4 milliards de téléspectateurs, les Jeux seront l’évènement le plus médiatisé de l’année 2024. Ce qui s’apparente à une fierté nationale pour certains est perçue par d’autres comme une tare, avec des candidatures de pays hôte en baisse et une réticence exacerbée de la population.

Entre espoirs, craintes, enthousiasme et héritage, les Jeux ne laissent personne indifférent.

Par Estelle Alexandre

La fierté d’appartenance au coeur des Jeux

Dans le cadre d’une enquête réalisée par S&D auprès du grand public, 80% des interrogés sont favorables à l’arrivée des Jeux bien que 75% pensent qu’ils ne permettront pas de reproduire l’engouement connu pendant la coupe de Monde de Football de 1998. Entre sentiment d’insécurité, crise sanitaire, économique et sociale, les citoyens sont donc favorables au retour d’un Grand Évènement, en espérant en premier lieu le retour de la fête, des valeurs du sport et de l’unité nationale. « Après les jeux de Vancouver, nous étions tous très canadiens, il n’y a rien de plus efficace que le sport pour construire une unité nationale » témoigne Jean-Luc Brassard, champion olympique de ski acrobatique. « Il y a aujourd’hui un réel besoin d’un ciment fédérateur en France. Je doute néanmoins que nous arriverons au même état d’euphorie qu’en 1998 » souligne Romain.

Un point positif pour relancer la pratique du sport

La directrice générale du Club aquatique du Sud-Ouest, Sylvie Poirier-Rimonti est formelle : « Durant les Jeux, les gens sont portés à inscrire leurs jeunes plus que d’habitude, que ce soit en plongeon, natation, water-polo, nage synchronisée… on le voit dans toutes les disciplines »¹. Reste à réussir à pérenniser cette « impulsion sportive », qui n’est « pas toujours évident », selon plusieurs dirigeants de clubs.

L’Etat a donc adopté en 2019 un plan héritage composé de 170 mesures relevant de trois axes stratégiques majeurs. Le premier d’entre eux vise à favoriser et accroître la place du sport dans le pays. Cette ambition répond à un impératif certain alors qu’un tiers des Français ne pratique aucun sport. En 40 ans, les enfants de moins de 11 ans ont perdu un quart de leurs capacités cardio-respiratoires ! « L’État se veut particulièrement attentif au développement de l’activité physique et sportive de la jeunesse, notamment au sein des établissements scolaires. » témoignait dans nos colonnes Nathanael Bruschi, Conseiller en charge de l’héritage et de la mobilisation des territoires auprès du Délégué Interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques 2024.

Si la pratique du sport peut contrebalancer les effets néfastes de vies devenues plus voire trop sédentaires, et lutter contre le fléau de l’obésité qui touche de plus en plus les jeunes séduits par les fast food et les jeux vidéos, la promotion du e-sport se trouve controversée. Et pourtant, dans sa feuille de route stratégique à horizon 2025, la commission exécutive du CIO liste une quinzaine de recommandations parmi lesquelles « encourager le développement des sports virtuels et s’engager davantage avec la communauté des jeux vidéo ». Si des décisions du CIO sont attendues pour valider ou non ces recommandations, il faudrait attendre à minima l’édition 2028 de Los Angeles pour que la première médaille olympique e–sport ne soit décrochée.

Mieux informer autour des politiques publiques

La Mairie de Paris et la Plaine Commune seront les deux collectivités phares de l’organisation des Jeux et oeuvrent activement pour leur bon déroulement depuis plusieurs années déjà. Pourtant, 71% des citoyens franciliens et non franciliens interrogés ignorent les politiques mises en place alors que l’aménagement de la Seine Saint Denis et de la Plaine Commune inquiète. « Les quartiers nouvellement aménagés vont servir à la spéculation immobilière puisque les prix des logements, auparavant peu élevés, se retrouveront soudainement ciblés par des investissements massifs » confie Stéphane, chargé de relations publiques. La Plaine Commune s’est pourtant emparée de cette question en amont avec le développement d’un office foncier solidaire pour éviter ces différents montages et veillera à développer des logements accessibles avec une politique de contrôle de la hausse des loyers.

Opportunités économiques et emplois

D’autres citoyens espèrent que les Jeux pourront servir de dynamisme à un tissu économique fragilisé par la crise : « l’essentiel pour l’édition des Jeux à venir serait probablement d’évaluer les secteurs ayant le plus souffert de la crise actuelle, d’identifier ceux ayant un lien direct, voire indirect avec les Jeux pour les impliquer et orienter des actions qui pourraient être bénéfiques de part et d’autres. » témoigne Stéphanie.

Un succès économique pour les entreprises et des emplois créés seront donc un des indicateurs de réussite majeurs des Jeux de Paris 2024. « Il serait intéressant de créer le même système financier que le club Med pour les touristes et ce, en partenariat avec des commerces » conseille Warren. Endetté à hauteur de 400 millions d’euros en 2015, Michel Wolfovski, directeur général et financier du groupe, explique la mise en place d’un « refinancement avec une dimension RSE. Ce dernier prévoit un ajustement du coût du crédit selon quatre indicateurs de performance en matière de développement durable, à savoir la certification de l’éco-construction des nouveaux resorts, la certification de tourisme durable Green Globe, la suppression progressive du plastique jetable et le soutien à l’agro-écologie locale »². Sur le sujet de l’emploi, jugé « essentiel » Julien craint « seulement quelques CDD et de nouvelles dettes ». Rappelons que les Jeux vont mobiliser, au moins pendant quelques mois, 150 000 emplois dans trois secteurs : l’organisation, avec 78 000 emplois, le tourisme, avec 60 000 emplois et la construction, avec 11 000 emplois. « L’ensemble des acteurs, le ministère du travail, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et le service public de l’emploi partagent le même objectif : les Jeux, par leur attractivité, peuvent contribuer à remettre des publics éloignés de l’emploi sur le chemin de l’insertion professionnelle. » soulignait Nathanael Bruschi.

Cohésion sociale et inclusion

Les citoyens sont persuadés, dans une grande majorité, que les valeurs paritaires et l’inclusion seront respectées. Selon un champion paralympique « les Jeux devraient montrer un nouveau visage du sport. Les enfants et personnes en situation d’handicap verront moins de barrières dans l’inscription ou la pratique d’une activité. Ces évènements permettront de leur donner de nouveaux rêves, qu’ils pensaient inaccessibles ou destinés à d’autres. Les Jeux accordent une place spéciale et essentielle au paralympisme qui véhicule des valeurs de courage et de détermination. »

Et les organisateurs de Paris 2024 de leur donner raison : pour la première fois de l’histoire des Jeux, c’est une parité parfaite obtenue parmi les 10 500 athlètes qualifiés grâce à l’ajout de nouvelles épreuves mixtes. Paris 2024 s’est engagé pour la parité sur le terrain des Jeux mais aussi au sein de son comité d’organisation. Il a obtenu cette année la note de 93/100 à l’index égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

De nouvelles priorités

Autres sujets qui s’invitent à l’agenda des priorités des personnes interrogées, la sécurité, l’image de la France à l’international et le commerce/industrie ressortent le plus souvent. « Ma crainte première serait un glissement vers une privatisation de la sécurité et de nouveaux enjeux de sécurité pour les faire admettre, notamment en termes de reconnaissance faciale ou l’usage des drones puisque la sécurité globale prévoyait beaucoup de dérogations pour les JO avec un risque de pérennisation » explique un jeune cadre de l’industrie de l’armement. L’acceptation des Jeux auprès de la population et la sécurité dépendra également de la manière « dont est pensé l’ensemble des infrastructures notamment par l’application de concepts tels que CPTED (Crime Prévention Through Environmental Design) », qui permettrait d’améliorer la qualité de vie sur les futurs sites selon un consultant en Risk Management.

Enfin, le sujet de la propreté et de la mobilité sont au coeur des attentes. Si elles font partie des premières sources de nuisances pour les franciliens, la Mairie de Paris se prépare à la gestion des déchets et à l’agriculture urbaine par le biais de l’ESS 2024. La Mairie de Paris prévoit également de bâtir une ville sans plastique jetable d’ici 2024 après l’adoption du Plan Économie Circulaire.

« Les Jeux Olympiques sont une vraie opportunité pour l’image de la France et une nécessité pour la sortie de crise COVID tant pour le moral que pour notre économie. » conclut Romain.