Le sport, formidable outil pour la paix

Considérée comme un droit fondamental par l’UNESCO depuis 1978, la pratique sportive participe non seulement à l’amélioration du bien-être des individus, mais également à celui de communautés entières en favorisant l’entente et la paix. L’Ekecheiria, ou la trêve olympique, établie selon la mythologie en pleine guerre du Péloponnèse comme moment de célébration de la paix, symbolise toujours, presque trois millénaires plus tard, la force du sport. En dehors des canaux diplomatiques classiques, il transforme silencieusement le monde en recréant ou en maintenant du lien entre des peuples déchirés.

Par Camille Palmers

Le sport, révélateur d’une humanité commune

L’humain est au cœur de toute action de maintien ou de construction de la paix. Ainsi, ce sont les valeurs et les idées échangées qui fondent les interactions pacifiques entre les peuples. « Le sport est un vecteur de valeurs de respect de l’autre, d’égalité et de dépassement de soi, essentielles à la construction d’un monde plus pacifié. Il est un langage universel, il fédère au-delà de tous les clivages. Sur le terrain tout le monde est uni dans la pratique et par passion » explique Marlène Harnois, Médaillée de bronze de taekwondo aux Jeux de Londres en 2012. C’est au travers de la communication non verbale, du contact physique et de l’expérience du collectif que l’activité sportive permet la découverte de l’autre.

Le sport révèle l’humanité partagée mais oubliée par les populations en conflit, en particulier lorsque l’origine des tensions se trouve dans les différences sociales, ethniques ou religieuse des belligérants. « Dans la région des Grands Lacs, dans un territoire profondément marqué par les violences et les génocides, les jeunes sont arrivés avec leurs peurs et leur méfiance de l’autre. Dès que nous leur avons donné un ballon, que nous les avons unis autour du jeu, les barrières et les appréhensions ont disparues. En l’espace de quelques minutes ils faisaient équipe et couraient main dans la main. A la fin de la semaine, ils voulaient rester en contact. Le sport permet de créer du lien et de réinstaurer le dialogue. C’est son pouvoir le plus puissant. » témoigne avec enthousiasme Marlène Harnois, également ambassadrice de l’organisation Peace and Sport, suite à sa participation aux Jeux de l’Amitié réunissant des jeunes venus du Congo, du Rwanda et du Burundi.

Une aide au retour à la vie

Dans des contextes post-conflit, la question de la démobilisation de la réinsertion des populations engagées, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants soldats, est substantielle afin d’établir une transition pacifique durable. Selon l’ONU, des dizaines de milliers d’enfants à travers le monde ont été recrutés par des gouvernements ou des groupes armés ces trente dernières années. La pratique sportive permet de redonner à ces enfants affectés par un conflit armé et des routines de violence, un cadre normatif nouveau basé sur le respect. « Le sport n’est qu’un instrument parmi tant d’autres, mais son impact, à un coût minimal, peut être énorme » déclarait le Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le sport au service du développement et de la paix, Wilfried Lemke. En effet, entre 2014 et 2016, une coopération entre l’ambassade du Brésil en RDC, les forces de la MONUSCO et l’ONG Association Mondiale des Amis de l’Enfance, et une mobilisation à hauteur de 137000 euros, ont favorisé la réinsertion d’enfants associés aux groupes armés dans le nord du Kivu. Pour les 600 enfants soldats démobilisés bénéficiaires, la pratique de la capoeira, un combat artistique et dansé, fut l’occasion de se réapproprier leurs corps suite aux violences de guerre ou aux sévices sexuels infligés par leurs recruteurs.

Au Libéria, pays ravagé par deux guerres civiles entre 1989 et 2003, c’est le surf qui fait office d’exutoire pour des jeunes adultes ayant fait partie des milliers d’enfants recrutés pour prendre les armes. « Le surf, comme le sport en général, leur permet d’être dans le moment présent tout simplement et d’oublier les horreurs du passé. Avec le surf, il y a quelque chose d’encore plus puissant, plonger sous l’eau, avec toute la symbolique qu’il y a derrière ; se laver l’esprit, renaître » explique Damien Castera, surfeur professionnel et co-réalisateur du film Water get no enemy. Quinze années après la fin du conflit, les anciens enfants soldats sortis de l’enfer de la guerre civile grâce au surf initient aujourd’hui leurs propres enfants à cette activité. « Le surf est utilisé pour panser les plaies, pour tenter de retrouver l’insouciance d’une jeunesse volée mais aussi pour transmettre aux plus jeunes, l’espoir d’une vie meilleure » constate le surfeur.

Le pouvoir du sport

Depuis 1993 et l’adoption de la résolution 48/11, l’ONU appelle tous ses membres au respect de la trêve Olympique, faisant rimer le temps des compétitions avec le temps du dialogue et de l’apaisement. Une trêve dont les images des sportifs issus de Corée du Nord et du Sud défilant ensemble sous un même drapeau à Pyeongchang en 2018 se font l’écho. « Nous apprécions la contribution croissante du sport au développement et à la paix par la tolérance et le respect qu’il préconise, à l’autonomisation des femmes et des jeunes, de l’individu et de la collectivité, et à la réalisation des objectifs de santé, d’éducation et d’inclusion sociale » déclare l’ONU dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030. En proclamant, dès 2013, la date du 6 avril « Journée internationale du sport pour le développement et la paix », l’Assemblée Générale des Nations Unies, avec l’appui du CIO, font du sport un outil essentiel pour affronter les crises et atteindre des objectifs sociaux ambitieux.

Dès 2020, une promotion de 24 athlètes porteurs de projets aux impacts sociaux et environnementaux majeurs a bénéficié d’un programme d’accompagnement à l’entrepreneuriat en France et dans les zones de coopération renforcée comme l’Afrique subsaharienne en conformité avec les annonces pour le développement du sport africain faites à Ouagadougou par le Président Macron en 2017. L’Agence Française de Développement a pour sa part conclu un partenariat avec Paris2024 afin de lancer d’ici 2023 un appel à projets de 3 millions d’euros pour financer des projets où le sport sera mis au service du développement et de la paix dans le monde. « Kapo Holding », un projet de développement d’infrastructures sportives dans les zones rurales de RDC, soutenu par le footballeur international Youssef Mulumbu, en fait partie. Il entend faire du sport un levier d’inclusion et un rêve d’avenir professionnel auprès des jeunes, loin de l’extrémisme violent.

Et les mots de Nelson Mandela prononcé en plein apartheid de raisonner une fois encore « Le sport peut faire naître l’espoir là où régnait le désespoir. Il est plus puissant que tous les gouvernements pour faire tomber les barrières raciales. Il se moque de toute forme de discrimination. »