Pour l’émergence d’un espace numérique européen souverain

La souveraineté numérique représente aujourd’hui un véritable enjeu pour les puissances mondiales. En mettant en lumière la position hégémonique de grandes entreprises internationales, la pandémie de la Covid-19 a bousculé l’ordre établi et a fait apparaître d’importants liens de dépendance qui obligent à repenser notre souveraineté technologique.

Maîtrise des données, confiance, contribution aux évolutions de la régulation et investissement dans les technologies de rupture : Atos est un acteur incontournable dans le paysage du numérique européen du futur.

Rencontre avec Pierre Barnabé, directeur des activités big data et cybersécurité chez Atos

Propos recueillis par Mélanie Bénard-crozat

Des moyens structurants

Se définissant comme une autonomie de décision concernant les règles à appliquer et une autonomie d’action pour protéger les données, les systèmes et le patrimoine intellectuel les plus sensibles, la souverainetéexige de disposer d’un arsenal de solutions de cybersécurité locales, hermétiques à toutes pressions extérieures, et conformes à nos lois et à notre éthique. À cet égard, la commande publique constitue un levier important pour soutenir une discipline qui nécessite beaucoup de R&D, et donc de moyens financiers et humains, ainsi que des efforts en matière de mise en production et d’industrialisation des offres pour un déploiement plus large des solutions de cybersécurité. C’est ce à quoi entend répondre, en partie, la stratégie française sur la cybersécurité présentée début 2021, qui prévoit de mobiliser 1 milliard d’euros d’ici 2025 afin de structurer et renforcer l’écosystème cyber national.

La puissance d’un groupe européen

Numéro 1 en Europe et numéro 2 mondial des services de sécurité managés, avec une équipe de plus de 6 000 spécialistes de la cybersécurité dans le monde et un réseau de 15 centres d’opérations de sécurité (SOC), Atos se positionne comme tiers de confiance pour les grands groupes et les gouvernements. Notre offre de cybersécurité répond aux principaux défis à relever, dont la souveraineté des données des administrations, des entreprises et des citoyens. Nos produits de cybersécurité sont ainsi reconnus et qualifiés, au plus haut niveau, par l’agence de cybersécurité française (l’ANSSI), l’Union Européenne et l’OTAN. En tant que membre fondateur de Gaia-X, nous participons au développement d’offres de cloud souverain européennes, sécurisées, interopérables et surtout conformes aux réglementations européennes, notamment au RGPD.

En parallèle, nous avons mis en place une stratégie d’acquisitions ciblées, qui a permis le rachat d’acteurs français et européens dont les solutions contribuent directement à la consolidation de nos compétences stratégiques, au développement du cloud de confiance et à la transformation des plateformes, ainsi qu’au renforcement des capacités de cybersécurité de l’Europe.

À l’ère du numérique, le calcul haute performance est, et restera, la pierre angulaire des avancées scientifiques et de l’innovation. Unique fabricant de supercalculateurs en Europe, nous jouons un rôle majeur en veillant à ce que les connaissances et les compétences clés en matière de calcul intensif soient encouragées et restent en Europe. Atos participe également à la feuille de route technologique industrielle européenne lancée par la Commission pour l’offre cloud-edge de nouvelle génération et le traitement des données – thématiques stratégiques pour la souveraineté européenne.

Un cloud de confiance européen

Nous contribuons depuis plusieurs années à la construction d’un espace numérique européen souverain, depuis la périphérie (edge computing) jusqu’au cœur du cloud. Cette ambition repose sur une conviction profonde : un cloud de confiance européen ne peut exister que s’il répond aux besoins des utilisateurs à tous les niveaux, tout en garantissant la liberté de choix, les plus hauts niveaux de sécurité, l’interopérabilité et la portabilité des services. L’Europe est un continent ouvert, certes, mais il l’est peut-être un peu trop. Il devient essentiel de réguler notre espace. C’est notamment ce que doit permettre GAIA-X avec ses critères et ses standards. C’est une approche qui se veut exclusive mais non excluante. Il s’agit de respecter des règles et des normes strictes, conformes à nos valeurs, pour protéger les données européennes produites et traitées sur le sol européen. A travers cette initiative, c’est donc le schéma d’une Europe multi-souveraine qui se dessine.

Maitrise des données, edge et IA

En 2021, les entreprises et agences étatiques doivent gérer des volumes de plus en plus importants de données et accélérer le développement de nouvelles applications exploitant l’intelligence artificielle. Le développement des algorithmes les plus pertinents dépendra de la capacité à accéder aux masses de données les plus profondes. Si aujourd’hui, 80% des données sont traitées de façon centralisée dans les data centers et le cloud, et 20% à la périphérie ou l’edge, dans l’Internet des objets, les smartphones ou les voitures connectées ; à l’horizon 2025, ce seront 80% voire 90% qui seront traitées dans l’edge. Cette inversion pose les bases du nouvel enjeu que représente le « edge computing » où il convient de valoriser et de protéger les données exponentielles qui émergent sur l’ensemble de la planète, dès leur création et ce, où qu’elles se trouvent.

La connaissance et la maîtrise des données continueront à être un enjeu essentiel de demain, afin de pouvoir concevoir et nourrir les algorithmes de traitement qui joueront un rôle croissant dans tous les aspects de notre vie. Ainsi, il est nécessaire de développer l’excellence scientifique et technologique autour de l’intelligence artificielle et de promouvoir ce domaine dans les différents aspects de la vie économique pour préserver notre souveraineté et notre compétitivité. Mais aussi, car ces domaines sont liés, de renforcer la position européenne en matière de supercalcul, où Atos est le seul acteur européen de dimension globale, dans le Top 3 mondial. Nous sommes également très impliqués au coeur de l’initiative EPI visant à développer un processeur européen, dans l’innovation autour du numérique décarboné et de l’informatique quantique.

Au-delà des enjeux économiques, la maîtrise de l’intelligence artificielle, des algorithmes et de la puissance de calcul doit permettre la protection fondamentale de nos démocraties.

Vers une Europe de la donnée

Cet espace informationnel stratégique doit s’organiser et être régulé. Les données doivent être protégées. Et c’est aux Etats que revient la responsabilité de construire un nouveau cadre pour maîtriser ce quatrième espace (qui vient s’ajouter à l’espace territorial, au maritime et à l’aérien). Nous, entreprises, sommes présentes pour créer de la valeur avec ces données et les sécuriser. Cette régulation doit se penser à l’échelle de l’Europe, tout comme notre stratégie globale numérique. Chacun va, à travers le monde, vouloir réguler son espace informationnel selon sa propre culture économique et ses traditions politiques. Cela a déjà commencé.

Nous devons définir une Europe numérique, une Europe de la donnée, et pour adresser ce marché unique, il nous faut une régulation européenne forte et favoriser le développement de grands acteurs européens.

L’Europe est l’un des deux plus gros producteurs au monde de données. En son sein, le couple Franco-allemand représente 35 % de l’économie européenne. L’alliance entre nos deux pays est donc importante, et doit être complétée de l’ensemble des Etats membres pour que nous puissions peser sur la scène internationale. Les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne et la Pologne s’engagent d’ores et déjà dans des démarches pro-actives – quand des pays comme la Croatie, le Danemark, ou les pays baltes doivent nous inspirer, disposant d’une approche numérique souvent exemplaire pour simplifier la vie des citoyens, améliorer l’efficacité politique ou encore doper l’économie. Cette souveraineté européenne constitue un avantage concurrentiel, politique et stratégique que nous devons désormais valoriser. L’Europe est une agrégation de démocraties qui font notre force et le levier de notre puissance de demain. Cette puissance doit aussi se penser en coopération avec les acteurs extra-européens dès lors qu’il s’agit de contribuer à un espace informationnel plus pacifié et sécurisé, notamment pour combattre le cybercrime international organisé.

A quelques mois de la Présidence française de l’Union européenne, l’émergence d’un espace Schengen de la donnée doit désormais être une priorité. La Présidence de l’UE représente également une opportunité pour la France de porter au niveau mondial le développement d’un cadre de confiance et de maitrise des données : « un ONU digital » porteur de la cyberpaix, de la datapaix et de la donnée décarbonée.

Supporteur officiel en services et opérations de Cybersécurité des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, Atos fournira également des services numériques sécurisés et décarbonés pour les Jeux européens de 2023 et 2027. Le groupe tricolore entend hisser haut les couleurs de l’Europe et s’imposer sur la scène internationale autour de valeurs clés pour un numérique responsable, innovant, sûr et inclusif.