Le Royaume-Uni, un avenir à inventer

L’actualité mouvementée du Royaume-Uni ne faiblit pas ces derniers mois. Aux incertitudes liées au Brexit, au nationalisme exacerbé renforçant les velléités de sécession de l’Écosse et à l’instabilité de l’Irlande, ce sont ajoutées la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 et ses lourdes conséquences socio-économiques. La sécurité et la confiance numérique seront les clés de la résilience et du développement de nouvelles opportunités pour un pays dont l’avenir hors de l’UE reste à inventer.

Par Philipine Colle

Une éclaircie pour le « Global Britain »

Après une année marquée par le lourd bilan de l’épidémie de Covid-19 dont les chiffres font état de plus de 132 000 décès et d’une période de récession atteignant près de 10% en 2020, la pire en 300 ans, le Royaume-Uni affiche sa résilience en revendiquant sa rapidité dans l’organisation d’une campagne de vaccination anti-Covid et sa paternité sur le vaccin Oxford-AstraZeneca, le plus utilisé dans le monde. Désormais, avec un sursaut du produit intérieur brut (PIB) de 4,8 % au deuxième trimestre 2021, le pays semble être entré dans la voie de la relance économique et commerciale. Il n’a toutefois pas encore retrouvé son niveau d’avant la pandémie ; son PIB reste inférieur de 4,4% à ce qu’il était fin 2019.

Encouragé par ce pic de croissance, le pays réaffirme sa volonté de développer de nouvelles perspectives internationales espérant démontrer que le Brexit, l’opposé d’un repli sur soi, se comprend au contraire comme un redéploiement du Royaume-Uni sur la scène internationale. Neuf mois après l’adoption d’un accord scellant ses nouvelles relations avec l’Union européenne en décembre dernier, la promesse du développement d’une « Global Britain » promue par le Premier ministre Boris Johnson semble, malgré des difficultés, prendre corps. Le pays qui avait déjà réussi avant la fin des négociations sur le Brexit à répliquer l’essentiel des accords commerciaux dont il bénéficiait jusque-là, cherche à intensifier ses échanges avec de nouveaux partenaires privilégiés comme l’Australie, l’Inde ou les Etats-Unis, quitte à délaisser ses alliés historiques.

Sur le front militaire et diplomatique aussi, Londres affiche sa volonté de retrouver une place sur l’échiquier international. En annonçant une augmentation de 16,5 milliards de livres qui devrait bénéficier majoritairement aux entreprises nationales, sur quatre ans au budget de la Défense, soit sa plus forte augmentation depuis la fin de la guerre froide, le pays cherche à imposer son leadership diplomatique dans la zone hautement stratégique de l’Indopacifique. Le Royaume-Uni joue sur le multilatéralisme, sa présidence du G7 et la médiatisation liée à l’organisation de la COP 26 sur son territoire pour peser sur l’établissement de règles communesau niveau international sur des sujets tels que l’espace et la cybersécurité.

Un secteur de la sécurité dynamique

En 2019, le Royaume-Uni détenait le plus gros budget de défense européen et était le troisième exportateur mondial sur un marché mondial de la sécurité en pleine croissance qui devrait atteindre 140 milliards de dollars en 2025.

Le marché de la sécurité britannique est dynamique et fortement concurrentiel, qu’il s’agisse de services, de biens matériels ou de solutions numériques à destination de sociétés privées voire d’acteurs institutionnels qui procèdent régulièrement à des appels à projets innovants ou ponctuels. L’initiative Security Rapid Impact Innovations, dont le but est la recherche d’idées et de technologies susceptibles d’améliorer la compréhension des menaces pour la sécurité du pays et l’optimisation de la réponse à ces dernières, en lien avec les départements gouvernementaux du Home Office et du Department of Transport, amorce une dynamique nouvelle. Elle représente une opportunité majeure pour les entreprises du secteur de la sécurité et de la confiance numérique. Si de nombreux acteurs internationaux sont présents sur le marché (Israéliens, Chinois, Japonais), le secteur reste tout de même dominé par de petites et moyennes entreprises qui travaillent souvent en partenariat avec de plus grandes entreprises telles que QinetiQ ou Cobham.

Les secteurs porteurs pour les exportateurs français

En matière de coopération militaire, la France et le Royaume-Uni sont liés par les traités de Lancaster House signés en 2010 qui visent à assurer un partenariat de sécurité et de défense solide entre les deux pays. Ces dix dernières années, la coopération franco-britannique s’est particulièrement renforcée dans les domaines opérationnel, capacitaire et nucléaire. La reconnaissance de l’expertise technique française avec un fort leadership sur des compétences en mathématiques, algorithmes, logiciels imagerie, identification, cybersécurité dans un secteur de la sécurité britannique discret et ayant tendance à favoriser les entreprises locales, offre aux entreprises hexagonales des débouchés importants.

Lutte anti-terroriste et coopération militaire

Alors que 28 attaques terroristes ont été déjouées ces quatre dernières années, la menace que représente le terrorisme pour le Royaume-Uni est considérable et le gouvernement britannique recherche constamment de nouvelles idées pour faire progresser ses capacités et améliorer ses méthodes de travail. Doté d’un budget de défense qui devrait augmenter de 28 milliards d’euros au cours de quatre prochaines années, le pays souhaite acquérir des technologies de détection des armes facilitant les contrôles de sureté notamment les scanners, les détecteurs de couteaux et les armes à feu. Les solutions numériques qui permettent d’identifier ou de localiser des personnes et de prédire des comportements grâce à la reconnaissance faciale, la consultation automatisée de fichiers, et les sciences du comportement sont autant de technologies dans la ligne de mire des forces de l’ordre britanniques. Enfin, l’usage des drones, notamment en vol statique de longue durée est un secteur d’intérêt majeur dans la politique de surveillance des zones terrestres ou maritimes sensibles.

Sécurité des grands événements et sécurité aux frontières

Le Royaume-Uni est à l’affût de solutions permettant d’assurer la sûreté et la sécurité des personnes et des infrastructures telles que des solutions quiaméliorent le dépistage et la détection, ainsi que l’amélioration de la biosécurité dans les lieux accessibles au public. Les systèmes de contrôle d’accès sans palpation destinés aux employés, visiteurs et résidents pour permettre une meilleure commodité et limiter les contaminations biologiques sont particulièrement plébiscités.

Cybersécurité

La stratégie nationale en cybersécurité lancée en 2016 par le gouvernement britannique à hauteur de 2,2 milliards d’euros continuera de faciliter le développement du secteur en 2021 et 2022. A cette stratégie se sont ajoutés, en 2019, l’ouverture d’un centre d’innovation doté d’un budget de 15,6 milliards d’euros et le lancement par Tech Nation du Cybersecurity Scale-up Programme.

A cela s’ajoute la promulgation de nouvelles lois sur la protection des données, imposant aux entreprises de se mettre en conformité sous peine d’amende. Des aspects législatifs qui devraient accélérer les dépenses consacrées aux nouveaux logiciels de défense informatique. Les initiatives d’aide à la commercialisation comme Cyber ASAP qui aide les universitaires à commercialiser leurs recherches, Tech Nation Cyber, premier programme de soutien aux entreprises cyber prometteuses et Cyber101 visant à l’organisation de bootcamps destinés à aider les cyber entreprises à accélérer leur développement commercial dans plusieurs régions du pays sont autant de leviers à la vitalité du secteur.

Confiance numérique

Si l’importance du Cloud est beaucoup plus forte aux États-Unis qu’en Europe, le Royaume-Uni suit une tendance de développement de solution de stockage importante. Estimée à 24,4 % sur l’année 2019, la part de marché attribuée à l’édition de logiciels basés dans le Cloud sera amenée à croître de manière significative au cours des cinq prochaines années, avec une priorité mise sur l’édition de progiciels intégrés au web, et déployables sur de multiples plateformes et supports technologiques. Un secteur dont la croissance des revenus sera proportionnelle à la sophistication des logiciels automatisant l’Intelligence Artificielle et le Big Data Analytics.