Territoire de confiance, une stratégie de co-construction gagnante en France

MARSEILLE, FRANCE - JUL 31, 2016: People walk under reflecting awning made of polished steel by British architect Lord Norman Foster at Old port of Marseille

Transition numérique, énergétique et écologique : les territoires se réinventent pour devenir plus inclusifs, durables et intelligents. Une dynamique d’évolution qui n’est pas sans poser de nouvelles questions en matière de sécurité et d’engagement citoyen. Ainsi, le développement des territoires de confiance sûrs, résilients et attractifs ne pourra se faire sans s’appuyer sur une stratégie nationale associant l’ensemble des acteurs concernés : l’Etat, les collectivités, les industriels et les citoyens.

Par Camille Palmers

Dessiner le déploiement des territoires de confiance

Penser les territoires de confiance passe par l’interconnexion des smart cities d’influence nationale ou régionale avec les initiatives menées par un certain nombre de territoires au-delà des centres urbains. « Ces initiatives smart, concrètes, témoignent d’une grande diversité, autant par la taille des territoires engagés, par le type de collectivité qui les porte ou par le contenu de leurs projets. » explique le lieutenant-colonel Rémy Nollet, Chef du département de la prospective et de l’innovation du service de la transformation de la direction générale de la Gendarmerie nationale.1

La réalité des projets de territoires intelligents va bien au-delà de l’image urbaine trop souvent associée à la smart city. « Grâce à des approches multi-échelles, l’ensemble des territoires pourra profiter des bénéfices de la gestion numérique des infrastructures et des mobilités. La sécurité de ces territoires devra donc être repensée en intégrant les développements des territoires smart, pour en faire des territoires de confiance. » témoigne le LCL Nollet.

C’est bien dans cette approche que le comité stratégique de filière « industrie de sécurité » développe et porte depuis 3 ans son projet « territoires de confiance ». Un projet où les industriels œuvrent à l’identification des besoins et au développement de solutions de concert avec les acteurs territoriaux. Les élus appellent eux aussi à une coopération renforcée pour une gestion de la sécurité et l’émergence de territoires de confiance. « La sécurité est un enjeu pour tous. Elle est aussi la première responsabilité de l’État. Aucune violence ne doit rester impunie. Nos forces de l’ordre doivent être soutenues au plus haut niveau de l’État. Celui-ci doit aussi prendre exemple sur ce que nous avons fait en Ile-de-France avec Valérie Pécresse en apportant des moyens financiers aux communes qui sont devenues des acteurs essentiels de la sécurité » estime Jean-Philippe Dugoin-Clément, Maire de Mennecy (Essonne). Travaillant en partenariat avec de nombreux acteurs de la sécurité, menant des opérations de prévention, la commune de Mennecy a notamment mis en place des Opérations Tranquillité Vacances, organisée par la police municipale avec le renfort de la Gendarmerie Nationale ; créé le dispositif de participation citoyenne « Voisins Vigilants » en 2013 pour lutter contre les cambriolages et certaines incivilités ; adhéré au Réseau National des Réserves de Sécurité Civile (CNRCSC) ; installé de nouvelles caméras (à terme, environ 200 caméras sont prévues sur le territoire de la ville) et équipé la police municipale de caméras thermiques. Un nouveau poste de police municipale vient d’être inauguré en ce mois de septembre 2021 au coeur de Mennecy, intégrant un centre de supervision urbain auquel seront reliées 104 caméras de vidéo-protection. « Nous pourrions, avec pragmatisme et efficacité, rapprocher les besoins exprimés par les territoires en matière de territoire de confiance avec les expertises et la capacité innovante des acteurs de la filière industrie de la sécurité, et ainsi co-créer de nouveaux services à partir de dispositifs existants. Je pense par exemple à l’association des fonctionnalités de sécurité des caméras, des capteurs permettant de réaliser des analyses innovantes au profit des défis du développement durable comme des mobilités plus douces, une meilleure gestion de la pollution (indicateurs de pollution de l’air, etc.), des remontées d’informations qui contribueraient à la résilience des territoires devenue indispensable. La concertation permettra l’émergence de solutions technologiques répondants aux besoins des territoires tout en évitant de multiplier des dispositifs coûteux ! » plaide de son côté, Mauna Traïkia, Conseillère territoriale développement numérique Plaine Commune Grand Paris.

Aussi, le CSF a mis en place des groupes de travail composés de représentants de la filière sécurité, du SGDSN et des collectivités territoriales afin d’initier un dialogue constructif sur les 10 axes du projet Territoires de confiance : cadre juridique, emploi et éthique, données, protection cyber, CERT territoriaux, continuum de sécurité, citoyen acteur, égalité du niveau de service sur les territoires, vidéo optimisation et financement. Un dialogue abouti qui permettra de rédiger des cahiers des charges pour les futurs démonstrateurs. « La volonté première du Comité Stratégique de filière est de mettre en place des territoires de confiance pour tous, proposant un même niveau de service de sécurité, qu’elle soit physique grâce au développement de la vidéo-surveillance et des applications de détection d’anomalies et d’incivilités ou cyber, à toutes les collectivités indépendamment de leur taille. Pour cela, il faut faire en sorte que tous les maires aient accès aux technologies. Le rôle de la filière des industries de sécurité est de proposer ces technologies en organisant des groupes mixtes où les collectivités travaillent de concert avec les entreprises et le soutien de l’Etat. » explique Laurent Denizot, responsable du grand projet « territoires de confiance » et directeur général de Egidium Technologies. A titre d’exemple, la mise en œuvre du système d’information territorial de Police SMART POLICE, conçu par EDICIA pour permettre aux municipalités de facilité la collecte, le traitement et l’analyse des données pour un pilotage temps réel des forces de police sur le terrain, coïncide avec une augmentation de 20% des capacités opérationnelles à Marseille et une amélioration de 30% du sentiment de sécurité à Nice.

Le post COVID semble s’orienter vers un certain retour aux villes et territoires à taille humaine. « Dès lors, ces territoires qui sont en concurrence d’attractivité avec les cœurs de métropoles doivent offrir ce que les gens viennent y chercher : à savoir un sentiment de sécurité qui naît d’une plus grande facilité de maîtrise de son environnement mais aussi une qualité de service à laquelle les citadins sont habitués. Il y a donc un défi à relever pour les collectivités locales. Elles s’y emploient chaque jour et ont la chance que le développement des technologies du numérique notamment offre une réelle possibilité d’y parvenir. » témoigne le Préfet Nicolas De Maistre, Directeur de la Protection et de la Sécurité de l’Etat, Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN).

La Banque des territoires s’inscrit également comme un acteur clé de cette co-construction « Nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt permettant de recueillir directement les besoins structurés des acteurs territoriaux en matière de cyber » déclare François Charbonnier, investisseur Confiance numérique à la Banque des territoires (Caisse des dépôts). Et de poursuivre « Cet AMI est une première étape qui vise à faire remonter les besoins de solutions de sécurité innovantes pour les acteurs territoriaux, qu’il s’agisse d’innovation pure ou d’innovation d’adaptation aux contraintes locales comme le budget et le manque d’expertise sur place. L’objectif est de sélectionner au moins trois démonstrateurs. Dans un deuxième temps, il sera lancé pour chacun d’eux un appel à projet auprès des industriels afin que ceux-ci puissent répondre aux besoins émis en phase un et développer l’innovation nécessaire ». L’Etat financera, dans le cadre de ces AAP co-construits avec les acteurs territoriaux, 50% des dépenses d’innovation engagées par les industriels sélectionnés, grâce à une enveloppe globale de 20 M€ issue du Programme d’Investissements d’Avenir.

L’inclusion citoyenne au cœur des projets

Alors que le sentiment d’insécurité de la population demeure à un niveau élevé puisque 62% des Français déclarent se sentir souvent ou de temps en temps en insécurité et que 81% d’entre eux indiquent qu’ils accorderont une importance majeure aux propositions des candidats des futures élections sur ces questions, le développement des territoires de confiance relève de la réponse à un besoin exprimé.2 Les citoyens, premiers bénéficiaires du développement des territoires de confiance doivent être directement impliqués dans leur élaboration. « L’engagement citoyen, notamment par le biais d’application, autorisera un traitement plus fluide des signalements d’anomalies, qu’il s’agisse de problèmes de voirie, de tags, ou encore de salubrité et de dépôts d’ordures, sujets qui intéressent le gestionnaire urbain tout autant que les forces en charge de la sécurité. En partageant les informations transmises, ces différents services pourront être plus efficaces collectivement, et ainsi mieux répondre aux attentes de la sécurité du quotidien. Cette efficacité et l’information donnée en retour au demandeur seront la meilleure promotion de tels dispositifs auprès du public, encourageant ainsi un contact numérique transverse entre les acteurs du territoire » explique le lieutenant-colonel Rémy Nollet.3

Une efficacité illustrée par la réussite des projets 50/50 menés par la mairie de Loos en Gohelle qui s’est vue décernée la distinction de « Grand Témoin » dans la catégorie « Territoires de confiance » par la Fondation pour la Co-construction du bien commun. « Nous sommes dans une phase de réinvention territoriale et je pense que nous ne pouvons le faire que dans un processus participatif. Il y aussi plus d’intelligence pour les projets car les habitants ont une expertise de vie de leurs quartiers. Il y a des choses que nous ne pouvons pas deviner. L’expertise d’usage pour réaliser de bons projets, c’est important ! C’est pourquoi nous ouvrons un débat avec les riverains dans lequel nous détaillons tout ce qui n’est pas négociable. En revanche, toutes les autres questions restent ouvertes : est-ce qu’on met une piste cyclable ? Est-ce qu’on met des stationnements et à quel endroit ? On soumet un maximum de possibilités à la construction collective. » illustre Jean-François Carron, Maire de Loos en Gohelle. Si aujourd’hui ces projets touchent au fleurissement des rues et à la rénovation de la route départementale traversant la commune, ils sont prometteurs pour des développements numériques futurs et le gage d’une meilleure acceptabilité.

Un futur plus éthique

Ambition phare du projet territoires de confiance porté par le Comité stratégique de filière, l’exemplarité française en matière, notamment, de traitement des données s’incarne par un travail de co-écriture d’une charte éthique. « Nous ne sommes pas dans le tout surveillance et le tout contrôle ni dans le tout profit, nos travaux se trouvent sur une ligne de crête afin de favoriser le respect d’un certain nombre de valeurs et de règles notamment autour de la gestion des données. Cette réflexion éthique est très structurante pour l’avenir puisqu’elle sera un vecteur de confiance majeure pour les territoires autant qu’un levier de conquête commerciale dans le monde. » explique Laurent Denizot.

Alors que les technologies de ruptures émergent, les enjeux de croisement entre le monde physique et numérique font augmenter les vulnérabilités des territoires et des sites sensibles pouvant souffrir des conséquences d’attaques perpétrées à des milliers de kilomètres. La co-construction est ainsi perçue comme une pratique de gouvernance nouvelle pour la filière, vertueuse et au profit d’un dialogue nécessaire à son adaptation aux défis de demain. « La co-construction est une rupture dans la façon de concevoir les services et les technologies de demain. Alors que des sujets sensibles comme la biométrie ou l’analyse d’image se poseront avec une acuité croissante à l’avenir, il sera nécessaire de lever les tabous pour protéger les citoyens des nouvelles menaces tout en préservant leur liberté individuelle. La solution à cette équation passant par des évolutions juridiques ne sera trouvée que par le dialogue et la co-construction éthique. » confie Laurent Denizot.

« Dans une volonté de continuum de sécurité, fédérer toutes ces évolutions suppose un décloisonnement à la fois géographique, administratif et technico-fonctionnel, afin que les territoires intelligents bénéficient d’une offre de sécurité globale et deviennent des territoires de confiance. »conclut le LCL Nollet.4

1 https://www.ihemi.fr/articles/territoires-intelligents-et-securite-pour-que-les-territoires-de-confiance-se-developpent-sans-rupture

2 Enquête Odoxa pour la 20e édition du Baromètre Fiducial de la sécurité,  juillet 2021

3 https://www.ihemi.fr/articles/territoires-intelligents-et-securite-pour-que-les-territoires-de-confiance-se-developpent-sans-rupture

4 https://www.ihemi.fr/articles/territoires-intelligents-et-securite-pour-que-les-territoires-de-confiance-se-developpent-sans-rupture