Arabie Saoudite, Japon : la ville de demain, pilier de l’avenir.

L’Arabie Saoudite et son Saudi Vision 2030 porte la construction d’une ville de toute pièce pour diversifier l’économie, résoudre ses défis écologiques et figurer d’ici à la prochaine décennie parmi l’un des PIB les plus élevés au monde, en sacrifiant au passage la tribu des Howeitat… Quand le Japon, lui, s’appuie sur le constructeur automobile Toyota pour développer une ville comme un laboratoire à ciel ouvert où il sera possible de donner vie à de nouvelles technologies dans un environnement réel, centré sur l’homme mais sans pour autant perdre de vue la bataille technologique où le pays du soleil levant, entend bien, lui aussi, s’imposer…

Par Mélanie Bénard-crozat

Saudi Vision 2030.

Le programme emblématique du royaume Saoudien pour relever le défi de la diversification économique d’un Etat dépendant de l’industrie pétrolière, a fait de la ville du futur, la pièce maîtresse du prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) pour dessiner l’avenir de l’Arabie Saoudite.

Zéro voiture au pays du pétrole

The Line. Voici le nom du méga-projet saoudien dont les travaux ont débuté en ce début d’année 2021. Comme son nom l’indique, cette ville construite de toute pièce le sera en longueur et s’étendra sur 170 kilomètres. Ville intelligente, « qui préservera 95% des zones naturelles » a annoncé le prince héritier Mohammed ben Salmane dans une déclaration retransmise à la télévision en janvier dernier, elle sera composée de plusieurs quartiers accueillant chacun près de 20000 habitants. Reliées entre elles grâce à des navettes autonomes et des transports en commun à grande vitesse, ces « villes dans la ville » seront alimentées par des énergies renouvelables. Exit les voitures au pays du pétrole figurant parmi les plus pollueurs au monde… « les habitants se déplaceront en surface, uniquement en vélo, à pied ou en trottinette électrique. » Tous les services essentiels, ainsi que la nature sauvage, seront accessibles en 5 minutes de marche. Les trajets les plus longs n’excéderont pas 20 minutes. Ecoles, centres de soins, espaces verts, tout sera concentré de quoi séduire les habitants, mais aussi les investisseurs. « Nous allons nous concentrer sur certains secteurs comme les médias, le sport, la santé, l’énergie, les mobilités ou le tourisme » témoignent les acteurs de Neom, région où sera érigée The Line. Des rives de la Mer Rouge, aux plaines désertiques, en passant par le désert rouge et des massifs montagneux dont les sommets atteignent 2500 mètres d’altitude, il semble donc y avoir matière à séduire les 5 millions de touristes attendus sur le site à horizon 2030.

L’IA surveillera The Line

Neom pourra également compter sur le recours massif à l’intelligence artificielle et « les différentes communautés seront reliées par un système connecté intelligent où 90% des données seront utilisées et analysées »souligne le communiqué officiel, mais aucune précision sur la protection de ces données ou l’encadrement du traitement qui en sera fait. Si c’est justement cette dimension qui a fait avorter, sous la pression des citoyens, plusieurs projets de Smart city dans le monde à l’image du Canada dernièrement, nous sommes ici en Arabie Saoudite… Les autorités ont néanmoins bien précisé que l’intelligence artificielle sera en mesure de surveiller The Line.

Des ambitions réalistes ?

D’ici à 2030, The Line accueillera 1 million d’habitants et la création de 380 000 emplois. Mais MBS ne s’arrête pas là. En parallèle des 5 millions de manne touristique attendue, une contribution à hauteur de 180 milliards de dollars au PIB du pays dans moins de 10 ans figure au coeur de l’ambition du souverain. Parlant de « révolution civilisationnelle », le prince héritier ne cache pas sa volonté de bâtir une Silicon Valley augmentée et atteindre le PIB par habitant parmi les plus élevés du monde. Les 500 milliards de dollars que devrait coûter ce projet ne seront pas un frein pour le royaume dont le budget 2021 prévoit un montant total de recettes attendu de 226 Mds USD, en hausse de +10% par rapport à l’exécution estimée pour 2020 (205 Mds USD). La reprise économique attendue en 2021 sera par ailleurs tirée en particulier par la mise en œuvre des grands programmes d’infrastructures, parmi lesquels figurent Neom, mais aussi Red Sea, Amaala et Qiddiya, tous emblématiques de la Saudi Vision 2030. Le fonds souverain, le Public Investment Fund (PIF), qui pilote et finance ces projets, dispose de disponibilités financières importantes et n’est pas exposé à la pression qui pèse sur les finances publiques.

Un projet controversé

Derrière l’image sublimée des visuels de synthèse, The Line, construite de toute pièce, le sera dans cette région de Neom située au nord-ouest de l’Arabie saoudite, en plein désert dans le golfe d’Aqaba. Un désert habité par la tribu des Howeitat, installée dans la région depuis plusieurs générations qui se voit purement et simplement expropriée. On parle de 20 000 personnes qui avaient trouvé en la personne d’Abdul Rahim al-Huwaiti, un porte-voix pour protester contre ce projet. Ce dernier en a payé le prix fort… retrouvé mort après la diffusion d’une vidéo où il dénonçait la situation de son peuple…

Woven City, la ville du futur imaginée par Toyota

La ville du futur n’est pas uniquement l’apanage des Etats. Au Japon, c’est le groupe automobile Toyota qui a lancé son projet de ville du futur. Baptisée Woven City, elle sera entièrement connectée et devrait, elle, laisser la part belle aux voitures. Autonomes et écologiques bien entendu, elles côtoieront des robots et les équipements dotés des toutes dernières technologies de rupture dont ne sait que peu de choses… Mais le président du groupe Toyota, Akio Toyoda, l’assure « la Woven City sera un véritable laboratoire vivant, en constante évolution [] et centrée sur lhomme ».

L’humain commencera donc par être un cobaye… puisque celle qui signifie littéralement « ville tissée » sera d’abord un quartier expérimental installé au pied du célèbre mont Fuji (une centaine de kilomètres au sud-ouest de Tokyo) pour permettre aux chercheurs et au pays de « donner vie à de nouvelles technologies dans un environnement réel »et cela auprès de 360 habitants initialement puis 2 000 à terme. Inventeurs et employés du groupe figureront parmi les premiers habitants, précise les communications officielles.

Bataille technologique et hydrogène

Voitures autonomes, robots et gestion de la voirie par une intelligence artificielle… Toyota souhaite démontrer sa « capacité à développer une meilleure société en accélérant le cycle de la technologie et le développement des services ».Tour de force s’il en fallait dans cette bataille technologique mondiale, « Woven City comportera trois types de rues entrelacées au niveau du sol, lune dédiée à la conduite automatisée, une autre aux piétons et une autre aux personnes avec des véhicules personnels. Il y aura en outre une route souterraine utilisée pour le transport de marchandises », détaille le communiqué du constructeur Japonais. En partenariat avec ENEOS, Toyota entend explorer l’utilisation de l’énergie à hydrogène au coeur de Woven City.

Les jumeaux numériques

Les changements dans les environnements urbains ne peuvent pas suivre le rythme de l’évolution extrêmement rapide de la technologie. Quels types de routes devrions-nous construire et combien en construire ? Quels types de robots sont utiles dans la vie quotidienne ? « Tester chacune des idées exigerait des quantités inconcevables de temps et dargent. Alors quen réalité une ville ne peut être construite quune seule fois, une approche numérique permet dutiliser des dizaines ou des centaines dexemplaires pour tester des idées en parallèle. Le jumeau numérique transformera non seulement le développement urbain, mais aussi la façon dont les gens travaillent. » témoigne James Kuffner, PDG de Woven Planet Holdings.

Positiver pour les générations futures

Enfin dopée à haute dose d’intelligence artificielle, elle permettra, selon les termes du constructeur nippon, et ce avec le soutien de ses partenaires, « de relever le défi de créer un avenir où des personnes dorigines diverses pourront vivre heureuses. » et le PDG Kuffner, inquiet du pessimisme des plus jeunes, en raison de la COVID-19 et de difficultés économiques ou politiques de confier « au travers de l’éducation et des investissements technologiques, je pense quil est très important, en tant que leader, de montrer un exemple de positivité dans nos actions. Ne pas abandonner malgré les difficultés et travailler dur, toujours avec le sourire. Les défis seront nombreux et nous les recevrons avec optimisme. J’espère que cela montrera un excellent exemple pour notre jeune génération et que cette énergie sera communicative pour qu’elle fasse avancer notre société. »


Sources

https://thegoodlife.thegoodhub.com/2021/01/15/larabie-saoudite-va-construire-the-line-une-smart-city-sans-voiture-en-pleine-nature/

https://www.influencia.net/the-line-nouvelle-folie-grandeurs-verte-arabie-saoudite/

https://www.theguardian.com/global-development/2020/may/04/its-being-built-on-our-blood-the-true-cost-of-saudi-arabia-5bn-mega-city-neom

https://toyotatimes.jp/en/chief_editor/066.html?utm_campaign=202104&utm_medium=cpc&utm_source=wovencity

https://www.woven-city.global