En 2020, vingt-sept communes, métropoles et communautés d’agglomération s’orientaient vers des services intelligents. Au-delà de la mise en place de plateformes de participation citoyennes, ces collectivités se positionnent comme des villes laboratoires adressant des solutions diversifiées aux problématiques de sécurité, de mobilité, d’énergie, de connectivité et de bien-être.
Quand nos collectivités font peau neuve…
Par Catherine Convert
Au coeur du commissariat du futur
À la définition de Smart City s’ajoute désormais le volet de la Safe City, pour laquelle les collectivités s’engagent dans l’innovation et dans des expérimentations prometteuses. Le Commissariat du Futur à Elancourt, permettra de faire la liaison avec l’État et de fournir de équipements dotés de technologies performantes. Les drones y sont particulièrement attendus : « Nous envisageons de mettre les technologies liées aux drones au service de nos politiques publiques telles que la santé ou la sécurité et bien entendu, demain au service de l’accueil des JO. Nous avons besoin pour cela de developper des expérimentations avec les acteurs concernés » précise Bertrand Coquard, Vice président délégué à la Smart City, à l’Énergie et à l’Éclairage public à Saint-Quentin-en-Yvelines, et Vice président de la commission Voirie, transports, numérique au sein de l’établissement public de coopération interdépartemental Hauts-de-Seine/Yvelines. Le commissariat devrait également doter les policiers de nouveaux équipements comme des tablettes leur permettant de gagner en efficacité sur le terrain et performer dans l’échange d’information. Des logiciels sont également à l’étude pour la supervision d’images et la détection rapide de suspects « Tout cela se précise mais nous souhaitons assurer un service à l’usager et réfléchir à une manière de mieux interagir avec lui, en gardant le service à la population comme priorité ». Ce lieu tant attendu devrait ainsi regrouper les effectifs policiers d’Elancourt, Trappes et Guyancourt afin de couvrir toute cette zone depuis un seul pôle. Le bâtiment et les technologies de pointe ultra-modernes devraient coûter de près de 25 M€, financés par Saint-Quentin-en-Yvelines, le département des Yvelines et la Région Ile-de-France. L’Etat, lui, subventionnerait à hauteur de 300 000 €. Un projet très attendu dans la perspective des Jeux olympiques de 2024 lors desquels SQY sera particulièrement exposé avec quatre sites retenus : le Vélodrome National, la colline d’Elancourt, le stade BMX et le Golf National.
Software république, la mobilité réinventée
Donner naissance à des solutions et des systèmes de mobilité qui dessineront le futur (proche) de la mobilité ou le nouvel écosystème pour innover dans la mobilité intelligente : l’initiative Software Republique portée par Renault en est l’incarnation. Rassemblant Atos, Dassault Systèmes, STMicroelectronics et Thales parmi ses fondateurs, « cette initiative renforce l’innovation conjointe, la technologie embarquée et les jumeaux numériques. » précise Bertrand Coquard. Ces derniers fournissent un mapping étendu grâce à une représentation 3D de la ville, des canalisations et des axes principaux. Ils permettent de simuler, entre autre, des montées d’eaux et prévoir les zones touchées. Par la mise en commun de leurs expertises complémentaires en matière d’intelligence artificielle, de cybersécurité, de systèmes embarqués ou bien encore de “big data”, les partenaires envisagent de développer de nouveaux logiciels et solutions pour permettre aux opérateurs de services de mobilité de proposer aux citoyens, aux entreprises et aux collectivités des offres facilitant l’accessibilité des territoires, améliorant l’expérience des utilisateurs et la gestion de l’énergie. La promesse est faite pour des systèmes véhicules, des plateformes de services ou encore des outils d’exploitation des réseaux plus simples, fluides, multimodales, responsables et sécurisés.
Energie intelligente
À Saint-Quentin-en-Yvelines, le consortium Paclido regroupant AirbusCybersecurity, des PME et des laboratoires a pu s’appuyer sur le développement de l’éclairage intelligent pour tester ses innovations : « Il couvre la partie logicielle et hardware des éclairages pour prévoir toute attaque malveillante sur le réseau. L’intelligence artificielle procède à des tests continus pour repérer des activités anormales. Une fois l’alerte lancée, le hardware doit être capable de couper un ordre incohérent » informe Bertrand Coquard. L’agglomération fait honneur à sa base line « Terres d’innovation » et multiplie les projets. En s’associant à Ile-de-France Mobilité, elle déploie des navettes électriques reliant la gare de Saint-Quentin au quartier d’affaires. Pilotée en 5G avec des capteurs lui permettant d’avancer à 20km/h, elle s’ajoute, depuis un an et demi, à l’éclairage intelligent sur certaines routes du territoire. La gestion de l’eau appelle également son lot d’innovation puisque SQY avait mis en place, avec JC Decaux, des abribus permettant de se prémunir contre la canicule, en régulant l’eau de pluie et intégrer un service d’humidification.
Lille a souhaité pour sa part se spécialiser dans la gestion intelligente de ses ressources d’eau et d’énergie, qui se régulent de manière autonome, permettant des économies de 20 à 30% sur la consommation finale1.
Réaménager et bâtir pour l’avenir
Selon une étude majeure du PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America), les espaces verts et la végétation auraient un impact dans la diminution des troubles psychiatriques2, agiraient dans la réduction des crimes et du sentiment d’insécurité. La publication du standard ISO 22341 en janvier 2021, replace l’aménagement au coeur des enjeux de sécurité, en reprenant le concept de 1977 de Crime Prevention Through Environmental Design. Cela nous oblige donc à repenser la densification urbaine. « Il n’est plus question d’étendre les villes, mais de les élever, pour assurer la mixité sociale des fonctions sociologiques » témoigne Réana Tahéraly, chargée de mission « Innovation » chez Grand Paris Aménagement (GPA).
Caen en a fait sa priorité, un plan de fleurissement exceptionnel, valorisé par un circuit touristique et des Journées du patrimoine vert. Elle couple cette initiative à une gestion intelligente des jardins grâce à un réseau connecté. Caen figure à la 6e place dans le palmarès de l’association Villes et villages où il fait bon vivre3.
Mutualiser et repenser sa gouvernance
Dijon quant à elle a débuté son projet Territoire de confiance par la création d’un poste de commandement unique et partagé avec les 23 communes du territoire. Objectifs : optimiser et mutualiser les équipements urbains (feux de circulation, éclairage public, caméras…) afin de faciliter la gestion de l’espace public. La ville a pu compter sur un groupement d’entreprises clés du territoire : Bouygues Énergies et Services, la filiale Citelum d’EDF, Suez et Capgemini.4 Le projet OnDijon entend permettre de réaliser des économies très importantes. Il s’attèle aux consommations d’énergie, la sûreté de l’espace public et une meilleure coordination en cas de gestion de crise, une information plus transparente auprès des citoyens et des élus et le développement d’une attractivité numérique en partageant les données issues de la gestion de services publics avec le monde de l’économie numérique.
Parmi les innovations les plus plébiscitées par les Smart City de France, l’open data, le wifi linéaire public et les plateformes participatives figurent au premier plan, suivies des e-administrations, des smart grids et des fablabs. 64% des smart cities françaises ont opté pour l’open data, et 23 villes ont nommé un responsable en charge de la démarche globale de ville intelligente.5 Si le déploiement de nouvelles solutions semble coûteux, la 5G permettra aux collectivités de se libérer d’une grande partie des investissements : « avec la 5G, les villes pourront procéder par abonnement plutôt que par acquisition. Elle permettra de passer d’un mode d’investissement massif à un mode de location » informe Gérard Herby, vice-président des systèmes de protection, Thales, d’autant que les villes possèdent généralement du matériel de vidéosurveillance et de sécurité, pouvant être intégré à de nouveaux services logiciels.
Cybersécurité & Smart territoire
La communauté d’agglomération lance SQY lance avec EDF, une plateforme de cybersécurité, avec un centre de supervision et de défense en temps réel : « nous sommes opérationnels sur la partie prévention, grâce à des systèmes socles, mais nous sommes faibles sur la réaction. Avec la Région Ile-de-France nous travaillons à des CERT (Centre gouvernemental de veille, d’alerte et de réponse aux attaques informatiques) : des pompiers qui viendraient gérer différentes attaques, au service de la région, des collectivités et des PME. C’est une partie intégrante du projet Smart Territoire » ajoute Bertrand Coquard. Lauréat du quatrième appel à projet européen Urban Innovation Actors, le projet RUDI de la Métropole de Rennes permettra aux rennais de reprendre le contrôle de leur données personnelles tout en donnant aux entreprises locales, l’opportunité d’améliorer la production de services efficaces, rentables et respectueux de l’intérêt général. Colonne vertébrale du SPMD,6 il ne couvre pas encore tout le champ d’actions de ce dernier et s’attache avant tout à des problématiques de gouvernance, en s’interrogeant sur les conditions de partage des données dans les thématiques environnementales et socio-démographiques.
L’humain au coeur des attentes
Pour s’atteler à la pénurie d’experts et soutenir la reconversion dans la cybersécurité, Rennes supporte la Cyberschool : « La disponibilité des personnels qualifiés ne devrait plus être un handicap pour le développement de la filière et des startup » informe la Métropole.
Quel que soit le projet de Smart & Safe City porté, l’avenir restera dans l’humain et dans l’approche participative face aux nouvelles technologies de sécurité. « Avec ESQYMO, une plateforme participative pour le climat, nous mettons en place différentes initiatives au niveau du territoire pour la gestion des déchets. Elle incite la participation des habitants en les intégrant à des actions du quotidien, pour agir en faveur de la collectivité » explique Bertrand Coquard. La communauté de communes va encore plus loin avec la plateforme paysage.sqy : « tout le monde peut apporter sa contribution sur une carte numérique ». Des projets de réaménagement sont également établis grâce aux citoyens, avec des outils de participation par visioconférence. À la Plaine Commune, « allo agglo » réinvente la relation avec la communauté. « Il faut innover dans la participation citoyenne » complète Mauna Traikia, conseillère territoriale, développement Plaine Commune et de conclure « une vision « citizen centric » du numérique est essentielle. La ville intelligente est surtout celle qui vient en appui de ses habitants, en proposant des services personnalisés et en développant une attractivité citoyenne aux collectivités. »
1 http://www.comite21.org/docs/comite21-grandouest/nexity-lab-infographie-smart-city.pdf
2 « Residential green space in childhood is associated with lower risk of psychiatric disorders form adolescence into adulthood », PNAS, janvier 2019
3 https://www.geo.fr/voyage/les-25-villes-de-france-ou-lon-vit-le-mieux-en-2021-204390