L’industrie de défense et de sécurité définit ses priorités à horizon 2022

Après une année 2021 suscitant à la fois inquiétudes et optimisme, les industriels français de la défense et de la sécurité terrestre et aéroterrestre, construisent et développent leurs ambitions à horizon 2022. Redynamisation de l’exportation, capitalisation sur la Présidence Française de l’Union Européenne (PFUE), transition énergétique… l’année à venir sera celle du rebond et de l’action.

Rencontre avec le Général Jean-Marc Duquesne, Délégué Général du GICAT1.

Par Corentin Dionet

2021 : entre dynamisme et difficultés

La crise sanitaire provoquée par la pandémie du Covid-19 a marqué l’immense majorité des secteurs économiques français, européens et mondiaux sur les 18 derniers mois. Fermetures de frontières et dynamiques de repli sur soi ont particulièrement affecté les industries fortement exportatrices. « 2021 a été source dinquiétudes, mais aussi doptimisme. Notre inquiétude sexplique par les difficultés rencontrées dans le cadre de l’export depuis mars 2020, alors quil représente historiquement la moitié du chiffre daffaires de nos entreprises. Dans ce contexte, le soutien de nos autorités est primordial. Le secteur de la sécurité a bénéficié du plan de relance. Pour la défense, nous saluons le maintien de l’effort en faveur de la Loi de Programmation Militaire (LPM). » Au niveau européen, il faut capitaliser sur les projets financés par la Commission européenne via le Fonds Européen de Défense (FED) et les faire aboutir à des capacités militaires utiles à nos forces. »

2021, l’année de la résilience

Malgré les difficultés, l’industrie a su conserver son dynamisme pour sortir de la crise. Elle a notamment pu compter sur le développement de l’innovation grâce à la force de son écosystème et renforcer ses ambitions dans les projets moteurs incarnés par le dossier des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. « Lhorloge tourne et nos industriels sont plus que jamais mobilisés pour être prêts pour ce grand rendez-vous ». Ils ont été force de proposition pour assurer une sécurité moderne et efficace, posant ainsi les bases d’une véritable filière de sécurisation des grands évènements internationaux. Il « subsiste toutefois une nécessaire évolution de la loi et des règlementations concernant des dispositifs qui sont technologiquement maîtrisés – l’intelligence artificielle, la reconnaissance faciale, l’utilisation de drones… – que les industriels de la filière prônent pour satisfaire à leur engagement dans le cadre de la sécurisation des grands évènements. »

Les territoires de confiance sont aussi au coeur des grands enjeux de demain : « Toutes les collectivités devraient pouvoir à brève échéance, avec l’apport technologique des industriels de la filière sécurité, mettre en oeuvre les solutions numériques concourant au bien-être de leurs habitants. »

2021 fut donc « une année de résilience durant laquelle nous avons conservé notre dynamisme La sanctuarisation des budgets en matière de sécurité à hauteur de 1% du PIB serait aussi porteur d’espoir pour toute l’industrie ». Dans le domaine de la défense, la résilience de la crise s’illustre en particulier par le rattrapage des retards de livraison des matériels du programme Scorpion en 2021.

Des priorités claires pour lan 2022

Dans les prochains mois, le GICAT entend « redynamiser lexport grâce à louverture des frontières, notamment en Asie du Sud-Est, car la demande y est forte. Il convient également de maintenir leffort financier affilié à la LPM et de capitaliser sur la PFUE pour accélérer le développement d’une industrie de défense européenne. »

Pour atteindre ces objectifs, il nous faut reconquérir le marché européen malgré la présence de concurrents extra-européens, notamment américains et israéliens. « Un travail de persuasion important doit être effectué pour que les solutions retenues soient compatibles avec une autonomie stratégique et une souveraineté européenne. »

La problématique migratoire va également focaliser l’attention des 27 que ce soit dans les missions ou les équipements de contrôle aux frontières. L’industrie française est en mesure d’apporter des réponses technologiques car ses savoir-faire sont connus et reconnus par l’agence européenne FRONTEX notamment ».

La transition énergétique est également une priorité. Le ministère des Armées a d’ores et déjà publié une stratégie et les industriels travaillent activement sur le sujet. « Par analogie, il en va de même avec la sécurité. »

Enfin, le financement de notre industrie de défense et de sécurité est au coeur des préoccupations. Et le Général Duquesne d’interpeller : : « Notre secteur subit l’influence de groupes de pression qui souhaitent interdire l’éligibilité de l’industrie de défense et de sécurité au financement durable. Les rédactions actuelles par la Commission Européenne des taxonomies environnementales et sociales, ainsi que d’un Ecolabel pour les produits financiers, discriminent notre industrie sur le principe que nous travaillons dans la défense. C’est à la fois contradictoire avec les objectifs du FED et contreproductif vis-à-vis de nos efforts pour la transition énergétique ».

La PFUE : une opportunité à saisir ?

La PFUE au premier semestre 2022 permettra à la France d’afficher ses priorités en matière de défense et de sécurité tout en agissant en faveur d’une autonomie stratégique qui favoriserait l’écosystème européen des industries du secteur. Elle représente un tremplin à ne pas sous-estimer. « Nous devons capitaliser sur la présidence française, qui nous portera à la fin des travaux de la « boussole stratégique », initiée sous la présidence allemande. Elle identifiera en particulier les menaces et défis qui concernent tous les Européens. De ces orientations stratégiques, il sera possible de déduire concrètement les instruments et capacités dont l’Union européenne a besoin. »

L’infortune de Naval Group souligne l’instabilité géopolitique qui appelle à plus de souveraineté : « La crise des sous-marins montre que quelles que soient les performances de notre industrie, elle est soumise à des intérêts supérieurs qu’elle ne maîtrise pas et qui la fragilisent. In fine, il faut tendre vers plus de souveraineté nationale et européenne, afin de renforcer notre marché ».

Au-delà des échéances à court et moyen termes, « nos adhérents préparent déjà l’avenir à horizon 2040. Pour cela, nous devons bénéficier de plus de ressources pour le monde de la défense terrestre autour des programmes consacrant le combat collaboratif et répondre aux défis de la transition énergétique. »

Ainsi, à la faveur de sa résilience, de son expertise technique et technologique et de son dynamisme, l’industrie française de sécurité et de défense a su traverser les crises, sanitaire et commerciale, de ces 18 derniers mois. Elle tourne à présent son regard vers l’avenir et vers de nouveaux horizons.

1 Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres