Le Pacte Vert : quelles ambitions pour 2050 ?

Key and chain locked faucet on cracked dry ground , concept drought and shortage of water

Afin datteindre la neutralité carbone en 2050, les Etats européens signataires du Green Deal devront accentuer leurs efforts dans des secteurs prioritaires, notamment dans les villes de confiance de demain qui ont aujourdhui un rôle central dans les émissions de gaz à effet de serre. Quant à la question cruciale de leau, elle ne semble pas occuper une place de premier plan alors même que les pénuries tendent à devenir un nouveau fléau mondial.

Par Hugo CHAMPION

La neutralité carbone : vers une accélération du processus ?

Le 14 juillet dernier, la Commission européenne présentait 12 mesures visant à adapter les politiques de l’UE en matière de climat, d’énergie, de transport et de fiscalité en vue de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Ce nouveau paquet législatif est un tournant pour l’Union européenne affichant des objectifs audacieux qui pourraient faire du Vieux Continent un modèle de lutte contre le réchauffement climatique. Huit secteurs d’intervention sont établis par la Commission : climat, énergie, agriculture, industrie, environnement et océans, transports, finances et développement régional et enfin, recherche et innovation.

L’une des mesures phares proposée par Bruxelles est de réduire drastiquement les émissions de CO2 des voitures et véhicules utilitaires légers neufs. La Commission a ainsi annoncé la fin des véhicules essence et diesel d’ici 2035. Les voitures d’occasion seront probablement soumises à des restrictions de circulation locales. Dans les métropoles comme Paris ou Londres, l’accès serait donc permis aux seuls véhicules électriques. Afin de diminuer les émissions carbone, la Commission prévoit également, à horizon 2026, d’attribuer un prix à la pollution pour les transports routiers afin de favoriser l’utilisation de carburants plus propres. Ce mécanisme d’échange de quotas d’émission est aussi prévu pour le secteur de l’électricité. Une nouvelle mise en place qui constitue un point d’achoppement central au sein du Parlement européen : c’est une décision « politiquement suicidaire » selon Pascal Canfin, président de la commission de l’environnement du Parlement européen. Alors qu’une inquiétude se forme autour d’une augmentation notable des factures d’énergie des consommateurs, la Commission entend éviter cet écueil grâce à son projet de fonds pour le climat social doté de 72,2 milliards d’euros directement alloués sur le budget de l’UE pour une période de sept ans.

Comment mieux adapter nos villes aux défis de demain ?

La rénovation et la mise aux normes du bâtiment est un autre champ d’action fort. Cet objectif est fixé à 36 % en 2030, contre 32 % auparavant. L’enveloppe allouée par Bruxelles favorisera l’émergence des nouveaux territoires de confiance, dans lesquels les citadins devront utiliser les énergies renouvelables et durables dans leur quotidien. Les villes occupent une place majeure dans le processus du réchauffement climatique. A l’échelle mondiale, elles sont responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi Bruxelles tentera d’obliger les États membres à rénover tous les ans au moins 3 % de la surface au sol totale de l’ensemble les bâtiments publics, de fixer une valeur de référence de 49 % d’énergies renouvelables dans les bâtiments d’ici à 2030, d’obliger les États membres à accroître l’utilisation des énergies renouvelables dans le chauffage et le refroidissement de 1,1 point de pourcentage d’ici à 2030.

Les contraintes sont édictées pour obtenir une meilleure consommation énergétique devenue un enjeu considérable pour atteindre les objectifs de décarbonisation. Pour y parvenir, les Etats membres peuvent compter sur des solutions technologiques innovantes développées par des entreprises européennes. C’est le cas de l’entreprise allemande Sonnen, qui commercialise une batterie solaire permettant aux particuliers pourvus de panneaux photovoltaïques de stocker leur électricité et de l’utiliser ultérieurement en étant indépendants du réseau électrique national. Cette pratique de production et de partage de l’énergie de particulier à particulier gagne du terrain en Allemagne où 600 000 foyers utilisent cette solution, contre 20 000 en France. Des expérimentations d’autoconsommation collective voient le jour en Hexagone, notamment à Bordeaux, Nantes ou dans le quartier Confluence à Lyon. Le mode de gouvernance et la rentabilité de ce type de production énergétique questionnent néanmoins. La construction des territoires de confiance passera donc par une rénovation des modes de production énergétique et d’habitation.

La pénurie deau : la nouvelle pandémie mondiale à venir ?

« La crise mondiale de leau ne se profile pas seulement à lhorizon (…). Elle est déjà là, et les changements climatiques ne feront que laggraver », alerte la directrice générale de l’Unicef, Henrietta Fore. Dans un rapport publié en 2017, l’institution prévoyait déjà qu’en 2040, un enfant sur quatre vivra dans une région où le stress hydrique sera extrêmement élevé. Les indicateurs sont passés au rouge. L’ouest des États-Unis, Madagascar, le Brésil… plusieurs régions du globe ont été ou sont actuellement touchées par des épisodes de sécheresse historiques rendant l’approvisionnement en eau, en électricité et en nourriture de plus en plus complexe. Un nouveau rapport de l’ONU estime que la sécheresse va devenir la « prochaine pandémie » et appelle les États à prendre les mesures à la hauteur de l’urgence. « La sécheresse est sur le point de devenir la prochaine pandémie et il ny a pas de vaccin pour la guérir », alerte Mami Mizutori, la représentante spéciale de l’ONU pour la réduction des risques de catastrophe. L’eau a toujours été un enjeu géopolitique et géostratégique de premier plan. Demain, il le sera d’autant plus. Mort du bétail, mauvaises récoltes, famines ou conflits, la sécheresse affecte « de manière disproportionnée les pauvres et les marginalisés à travers le monde, pour qui le coût de la sécheresse se mesure en termes de vies, de moyens de subsistance et dappauvrissement » souligne l’ONU. Madagascar est le premier pays confronté à une famine liée au réchauffement climatique. Le Brésil vient lui d’émettre sa première alerte sécheresse depuis un siècle. Le manque de pluie menace l’approvisionnement en électricité du pays qui est très dépendant de ses centrales hydroélectriques. Cette situation menace l’industrie agricole qui représente un tiers du PIB du pays.

D’ores et déjà, des conflits et des affrontements apparaissent : A Chinai, sixième ville de l’Inde et capitale du Tamil Nadu, les réservoirs d’eau quasi vides ont fait éclater des émeutes : un homme a poignardé six personnes qui l’empêchaient de prendre plus de bidons d’eau que la quantité autorisée. Selon l’Institut de recherche américain Pacific Institute, une augmentation significative des conflits liés à l’eau est à déplorer ces dix dernières années passant d’une vingtaine en 2010 à plus de 70 en 2018. Selon l’ONU, d’ici 2050, cinq milliards de personnes pourraient être touchées par une pénurie d’eau.

Les épisodes de sécheresse en Europe sont eux aussi voués à s’intensifier. De nombreuses solutions sont testées pour lutter contre les pénuries comme la désalinisation de l’eau de mer aux Pays-Bas et en Belgique. L’arrivée des technologies connectées et des réseaux IoT permettent aussi de mettre en place une gestion intelligente de l’eau afin d’optimiser le contrôle des ressources. La loi Grenelle II a posé les références de base quant aux objectifs à réaliser en termes de pertes d’eau causées par des fuites et des fraudes. L’installation d’un réseau de capteurs permet d’améliorer la supervision et la maintenance à distance des équipements et ainsi de mieux gérer cette ressource naturelle rare ! Dans le secteur du bâtiment, des millions de litres d’eau sont gaspillés chaque jour en raison de fuites. La start-up bruxelloise Shayp a mis en place une solution qui permet de les détecter et ainsi endiguer les 20% de perte d’eau déplorée dans les bâtiments. Les systèmes intelligents déployés permettraient aussi, grâce au volume de données remontées, de réduire notre consommation d’eau, d’anticiper et de prévenir nos comportements pour définir de nouveaux schémas et modes d’action audacieux et systémiques. Cela conduirait à une meilleure gestion et distribution de cette ressource naturelle afin d’atteindre l’objectif fixé par la loi Grenelle II. Les ambitions du Green Deal sont porteuses de cette vision globale à long terme bien qu’elles présentent encore des manques. La dynamique enclenchée pourrait inspirer d’autres Etats, car ce n’est que collectivement et de concert que nous pourrons vivre dans un monde respirable et durable.

La COP26 qui se tiendra à Glasgow début novembre sera le moment d’observer les évolutions du défi de notre temps pour répondre aux besoins de demain, avant que la sécheresse ne s’abatte sur le monde entier !