Territoire de confiance et JOP 2024, une approche multidimensionnelle

Catalyseur d’attention, les Jeux Olympiques, toujours plus ancrés dans les territoires hôtes, sont aussi des accélérateurs d’urbanité. Alors que Paris se prépare à accueillir les Jeux dans un avenir incertain entaché par les conséquences de la crise sanitaire actuelle, les solutions envisagées pour répondre aux défis écologiques, sociaux, sécuritaires et économiques posés par l’organisation de cet événement sportif exceptionnel pourraient transformer la ville lumière en véritable territoire de confiance plus propre, intelligent, inclusif et sûr.

Par Philipine Colle

Des Jeux moteurs de territoires plus propres

Principal objectif des équipes organisatrices des Jeux, la durabilité de l’évènement planétaire s’affiche plus que jamais comme fil rouge au cœur de tous les projets et ce afin de servir les intérêts de tous les Français pour les décennies à venir. Le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO) a donc adopté en premier lieu une stratégie Climat. « L’objectif est de surcompenser les émissions résiduelles de CO2 et d’utiliser le pouvoir d’influence des Jeux pour soutenir et développer l’émergence de projets de compensation carbone à long terme » explique Mathieu Morel, Conseiller environnement de la Délégation interministérielle aux Jeux Olympiques et Paralympique (DIJOP). La réduction des émissions est le mot d’ordre : « 95 % des sites de Paris 2024 sont des infrastructures existantes ou temporaires de type barnum réalisées en matériaux bas carbone et alimentées par des énergies propres. Lorsque de nouvelles constructions sont nécessaires, elles sont pensées en accord avec les objectifs d’efficacité énergétique. La SOLIDEO a annoncé que 92% des déchets de chantiers seront ainsi réutilisés. » détaille Mathieu Morel. Territoire de confiance en pleine construction, la Plaine Commune Grand Paris a été primée lors du BTP Challenge IA pour la transformation du secteur pour son engagement en faveur du réemploi des déchets de chantier au niveau territorial. « Selon le principe du métabolisme urbain nous avons créé une plateforme de data visualisation et de mise en relation des opérateurs à des fins d’amélioration écologique dans la conduite des chantiers, mais aussi économiques. A terme, une IA sera capable d’établir des scénarios prédictifs sur les besoins des acteurs du bâtiment. Pour notre territoire, les JO sont un véritable accélérateur de technologie au profit d’une urbanité plus durable et futée » explique Mauna Traïka, Conseillère territoriale en charge du développement numérique de Plaine Commune Grand Paris.

Des mobilités révolutionnées

Les millions de visiteurs attendus sont autant de voyageurs qui devront pouvoir se rendre d’un endroit à un autre sans encombre. « Paris 2024 s’est engagé à ce que 100% des spectateurs se rendent sur les sites de compétitions en transport en commun ou en modes actifs. Il s’agit d’un engagement fort marquant un précédent plus que symbolique » explique Sophie Le Pourhiet conseillère en charge des sujets infrastructures et transports au sein de la DIJOP.

La possibilité d’un changement d’habitude vers des mobilités collectives et plus propres fait donc partie de la stratégie de la DIJOP. « Pendant le temps des Jeux, des voies Olympiques et Paralympiques réservées aux véhicules des personnes accréditées par Paris 2024, aux véhicules de secours et de sécurité, ainsi qu’aux taxis, aux transports en commun et aux transports destinés aux personnes à mobilité réduite, seront créées. Si l’objectif premier est la fiabilité des temps de transport lors de l’événement, une partie du réseau identifié le temps des Jeux pourra être gardée en héritage et destinée à un usage plus vertueux de la route » détaille Sophie Le Pourhiet et de poursuivre « L’Etat réfléchit à un projet de voie réservée sur une partie de l’autoroute A1».

Des voies réservées qui pourraient être empruntées par une flotte de 10 000 taxis à hydrogène qui devrait voir le jour d’ici 2024 en adéquation avec la stratégie gouvernementale de décarbonation et de lutte contre les pollutions atmosphériques et sonores. Ainsi, d’ici à 2030, 7 milliards d’euros seront consacrés au développement de stations de rechargement, aujourd’hui au nombre de quatre dans toute l’Ile-de-France. L’usage du vélo comme mode de déplacement entre les sites de compétitions et des festivités sera favorisé par la conception d’un nouveau réseau. Autant d’aménagements de nature à modifier les usages en termes de déplacement sur le long terme.

Les JOP représentent une source d’innovation sans précédent. Le projet d’appel à innovations « Mobilités JOP 2024 » présenté en mai dernier par Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des Transports, a permis de révéler 21 entreprises engagées dans le développement des mobilités douces et fluviales, notamment par l’usage d’hydrogène.

Alors qu’une seule des quatorze lignes de métro parisiennes n’est accessible aux personnes à mobilité réduite, les Jeux sont une opportunité de progrès en matière d’inclusivité. Andyamo, un calculateur d’itinéraire multimodal adapté aux personnes à mobilité réduite basé sur le niveau d’accessibilité, de sécurité et de confort du trajet utilisant un algorithme de routage 100% français, illustre l’engagement pris par le Comité des Mobilités pour le développement de solutions plus sûres pour tous.

Des territoires plus inclusifs portés par les valeurs de l’Olympisme

« Dans le cadre de la mise en œuvre des Jeux, un mécanisme d’insertion de clauses a été adopté pour favoriser les retombées positives sur les territoires accueillant les compétitions et leur population. La SOLIDEO a passé des contrats avec des majeures du BTP contenant des clauses contraignantes favorisant le recours aux TPE et PME locales à hauteur de 25% en vue de favoriser l’insertion des travailleurs locaux, en conformité avec les ambitions pour l’économie sociale et solidaire » explique Mathieu Morel. Alors que 150 000 emplois seront mobilisés pour la préparation et le déroulement des JO, le dispositif « Du stade vers l’emploi en 2024 »réunit demandeurs d’emploi etrecruteurs le temps d’une journée. Une approche du recrutement réinventée permettant d’aborder les aptitudes des demandeurs d’emplois sous un nouvel angle, associant sport et convivialité lors d’une matinée d’activités sportives liées à l’athlétisme avant de laisser place à un déjeuner commun convivial et un après-midi dédié aux entretiens. « Les demandeurs d’emploi montrent leur savoir-être plutôt que leur CV, et les recruteurs les regardent différemment sur un terrain de sport. Ils voient celui qui est coopératif, celui qui a du leadership, celui qui a une capacité d’écoute » confie Marie Barsacq, directrice exécutive et directrice impact et héritage du COJO1. Un partenariat performant, qui a déjà permis à 50% des participants de trouver un emploi complété par une offre de formation. « Les Jeux Olympiques et Paralympiques sont un tremplin d’avenir, il ne faut pas se contenter d’un renforcement temporaire de l’activité économique mais bien viser la pérennisation, notamment par le développement de nouveaux services innovants et du développement majeurs de secteurs comme celui de la cybersécurité et celui du tourisme. être des territoires de confiance pour les habitants, les acteurs économiques, les usagers du territoire et plus largement pour les investisseurs internationaux est un enjeu majeur de mieux vivre ensemble, d’attractivité territoriale, de développement économique et social. L’héritage des JOP va donc bien au-delà de 2024. Notre stratégie est de permettre à toutes et tous et partout sur notre territoire de bénéficier de retombées sociales et économiques et de travailler sur le territoire durable de demain. » ajoute Mauna Traïka et de poursuivre « En créant des passerelles entre le monde de la sécurité privée et de la cybersécurité, de nouvelles formations émergent pour donner naissance de nouveaux métiers comme celui d’assistant Cyber porté par la Fédération française de cybersécurité et son écosystème. Près de 20000 emplois pourraient ainsi être créés. »

Une approche multidimensionnelle

Dans un contexte de déstabilisation de l’ordre international, de décrédibilisation de l’information, de risque cyber et de menace terroriste persistante, réunir tous les acteurs autour des questions environnementale, sociale, économique, sécuritaire et sociétale est un défi de chaque instant. Territoires de confiance et JOP poursuivent le même destin… « La notion de safe city se situe au carrefour de trois concepts interdépendants : environnement, économie et social. Ce triptyque permettra de favoriser un climat de sécurité, dabord pour les JOP de Paris 2024 puis dans la ville de demain. » témoigne Carlos Moreno, directeur scientifique de la Chaire ETI à Panthéon-Sorbonne.

Un climat de sécurité qui sera nécessaire à la réussite des festivités Olympiques. Aujourd’hui, les Français déclarent vouloir éviter de se rendre dans des lieux de rassemblements festifs en raison de l’insécurité, notamment sanitaire. Selon une enquête Odoxa réalisée en juillet dernier, 70 % éviteront les festivals et concerts, 67 % les fêtes locales et 55 % les feux d’artifice. Des résultats trois fois plus élevés qu’en juillet 2019 qui pourraient, sans travail de pédagogie quant aux garanties de sécurité, alimenter le scepticisme envers la tenue des Jeux 2024. Les espaces de jeux, les lieux d’hébergement, les infrastructures de transport, les espaces de travail ou encore les centres de presse doivent être équipés de dispositifs de sécurité intégrés dans la construction des infrastructures, invisibles pour les participants et le public, dissuasifs pour les auteurs d’actes malveillants et rassurants pour les acteurs de la sécurité. Avec l’évolution des risques terroristes, des attaques cyber ou face à une pandémie, il faut repenser l’urbanisme pour permettre la distanciation sanitaire et éviter l’effet foule qui peut représenter un important facteur d’aggravation en cas de situation dégradée. Le smart building pourrait se concrétiser par l’intégration de systèmes de contrôle des entrées, des solutions de repérage de comportements anormaux notamment grâce à l’intelligence artificielle et à la vidéoprotection, mais également par la télé-assistance.L’IoT permettrait d’améliorer le secours aux personnes par la maintenance, l’entretien et un accès facilité aux défibrillateurs par exemple.

« L’apport de la technologie est essentiel pour rendre la sécurisation de l’évènement plus efficace encore, mais elle permettra aussi une économie substantielle en termes d’effectifs aussi bien pour la sécurité publique que pour la sécurité privée. Les industriels sont prêts à lancer les expérimentations, mais le temps presse. Cette fin d’année 2021 doit leur permettre de connaître les besoins et les budgets alloués par l’Etat et par les organisateurs. 2022 sera l’année de la mise en production pour être prêts en 2023 et totalement opérationnels en 2024. » explique Gérard Lacroix, délégué général adjoint sécurité du GICAT. Les premières expérimentations devraient porter sur la gestion des foules et la lutte contre le terrorisme. La cybersécurité et les drones devraient faire l’objet de mesures spécifiques prochainement.

« La crise COVID-19 replace plus que jamais l’enjeu de souveraineté comme pilier de notre survie. La fiabilité des solutions de confiance et leur disponibilité sont deux éléments majeurs qui remettent en cause la dépendance aux pays extra-européens dont les conséquences peuvent s’avérer dramatiques comme nous l’a démontré la crise sanitaire mondiale. Pour les JOP 2024, nous ne pouvons pas prendre ce risque. Cet élément est aussi l’un des piliers d’une territoire de confiance et d’une ville, d’un pays intelligent. En mettant en lumière notre excellence, nous rendrons également la France plus attractive. Notre approche se veut aussi inclusive : du côté des industriels, les grands groupes se sont engagés à laisser 30% des marchés aux PME. » ajoute Gérard Lacroix. Une autonomie stratégique plébiscitée par les Français qui souhaitent, pour 50% d’entre eux, que des entreprises de sécurité françaises soient choisies par les organisateurs des JO2.

« La politique sécuritaire doit être envisagée de façon globale comme la gestion de toutes les situations susceptibles de renforcer la lutte contre la fragilité et la vulnérabilité socio-territoriale de la ville. Nous devons rester vigilants et créatifs autour de l’intelligence de la sécurité, qui offre d’autres horizons urbains placés sous le signe de la confiance » clame Carlos Moreno et de conclure « Lhumain doit rester au centre de la ville de demain. La safe city ne doit exclure personne afin de permettre à Paris de rester une fête, vécue par tous et de manière inclusive ».

1Source 20 minutes 2020.

2 Baromètre Fiducial de la sécurité juillet 2021.