Vers un renouveau du Health Data Hub ?

En retirant sa demande d’autorisation déposée auprès de la CNIL pour le Health Data Hub (HDH), le gouvernement a créé la surprise en ce début d’année 2022. Pourquoi une telle décision, et surtout si longtemps après les nombreuses sonnettes d’alarme tirées ?

Débrancher une usine à gaz

Cette autorisation devait ainsi permettre la mise en œuvre de la base principale de données, le Système national des Données de Santé (SNDS), et du catalogue de données, autrement dit, toutes les nouvelles bases de données dont le HDH sera responsable de traitement, et de leur chaînage. En retirant sa demande, le gouvernement met donc à l’arrêt l’intégration des données SDNS.

Si l’on peut y voir un lien avec la campagne électorale qui s’amorce difficilement, il ne s’agit pour autant pas de la mort du très controversé HDH qui avait notamment fait couler beaucoup d’encre lors de l’annonce du choix de la plateforme de l’Américain Microsoft pour l’hébergement des données de santé. Au-delà des voix des parlementaires et des industriels qui s’étaient soulevées, la Cnil et le conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie avaient également fait savoir leur opposition.

« C’est peut être, in fine, une bonne nouvelle pour ce projet du HDH qui pourrait alors prendre une nouvelle direction » déclare le député de la majorité, Philippe Latombe. S’il espère « que cela permettra de débrancher cette usine à gaz » ce n’est pas pour mettre fin au projet, mais lui donner une autre envergure et faire évoluer sa gouvernance. « Je pense que le HDH est un projet utile et nécessaire au service des concitoyens. Rappelons qu’il doit permettre l’accès aisé et unifié, transparent et sécurisé, aux données de santé pour améliorer la qualité des soins et laccompagnement des patients. Ce projet est enfin porté par une équipe très investie, avec à sa tête Stéphanie Combes dont je souhaite souligner les compétences, le courage et son sens du service public chevillé au corps. » ajoute t-il.

Alors pourquoi le HDH est-il un « bide » ?

« Le mot est un peu trivial mais c’est ainsi que je vois les choses. Après tant d’énergie déployée et de promesses non tenues, on est en droit de s’interroger et de s’indigner car lexploitation massive des données de santé représente sans conteste un outil essentiel pour la recherche et nous avons perdu énormément de temps alors même que nous disposons de talents et de solutions d’ores et déjà opérationnelles et conformes aux attentes de la CNIL, et aux intéts des Français. Je pense par exemple au Ouest Data Hub, ou à lEntrepôt des données de l’APHP. » D’autres initiatives comme celle portées par le CHU de Rouen et son entrepôt données qui devra rassembler toutes les données cliniques des patients sont à souligner. Les acteurs de la recherche en santé ont soulevé le problème du futur partage de données avec le Health Data Hub. Le Docteur Julien Grosjean, Responsable opérationnel de l’Entrepôt de Données de Santé du CHU de Rouen prévenait dans les colonnes de S&D Magazine : « On ne mettra de données dans le Health Data Hub que si la qualité et la sécurité des données sont assurées (…) nous avons toujours du mal à standardiser les données pour créer une interopérabilité sémantique et informatique. Ce sont des sujets qui ne sont pas assez développés et qui nécessiteraient une réflexion plus globale » alertait-il. Le développement réussi du Health Data Hub était donc conditionné à l’homogénéisation des données et des systèmes d’analyses. Aujourd’hui, chaque hôpital dispose d’un langage propre et il est nécessaire de « veiller à ne pas créer de millefeuille incompréhensible de données au niveau régional et interrégional » avant de se lancer dans un projet de partage aussi ambitieux que celui-ci.

Vers une renaissance du HDH ?

Sans autorisation de la CNIL, le HDH ne peut pas fonctionner de manière pleine et normale. Il ne peut donc y avoir que des projets pilotes, très limités et très contrôlés. « Sur le volet juridique, les projets ponctuels, pour beaucoup déjà amorcés ou en cours d’amorçage pourront se poursuivre. » ajoute le député Latombe. On parle d’un volume de l’ordre d’une cinquante de projets (55) qui seraient en développement sur les 1600 projets déposés.

D’un point de vue technique, il va falloir travailler sur la réversibilité. C’est notamment ce sur quoi s’était engagé Olivier Véran auprès du Conseil d’Etat et Cédric O devant le Sénat, à échéance de 18 à 24 mois. « Nous y sommes et rien n’est fait en ce sens. » déclare le député. Et si beaucoup comptait sur Bleu, il semblerait bien que ce dernier ne soit pas prêt d’arriver…

Si le collectif Interhop s’est félicité du retrait de la demande d’autorisation Cnil et a revendiqué « une victoire » sur les réseaux sociaux, l’association, qui milite pour l’utilisation des logiciels libres en santé (à l’origine des recours contre l’hébergement du Hub par Microsoft) espère « que cela n’est pas seulement dû au contexte électoral et que le projet est uniquement retardé jusqu’en mai. La question de la protection des données de santé est un sujet qui monte, plus encore depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19, j’espère que la demande ne sera pas redéposée après l’élection présidentielle », a déclaré le 7 janvier à nos confrères de TICpharma, Adrien Parrot, président de l’association.

Philippe Latombe espère pour sa part que cette pause permettra « une remise en question et une clarification du concept pour palier in fine au manque de vision stratégique, de communication et de base médicale. Il appelle alors à une évolution technique majeure et à une refonte totale de la gouvernance ». Il incite publiquement à profiter de cette opportunité « pour faire confiance à l’écosystème français du cloudpar appel doffres. »

La présidentielle au coeur des enjeux

Gageons que cela arrive jusqu’aux tablettes des candidats à l’élection présidentielle : la santé est un véritable enjeu de société et ce sujet constitue un défi important pour neuf Français sur dix. Plus des deux-tiers des électeurs déclarent même en faire un élément clé de leur vote à la prochaine élection présidentielle. Cependant, huit Français sur dix estiment que le sujet de la santé et de l’accès aux soins n’est, pour l’instant, pas suffisamment bien traité par les candidats en campagne. L’Institut Montaigne, dans son dernier rapport, met en lumière plusieurs priorités pour le prochain quinquennat et émet des propositions pour faire de la France un pays leader dans le déploiement de la santé numérique dont le développement d’une stratégie nationale de santé publique pilotée par des données à la fois sécurisées et accessibles afin d’améliorer la coordination des acteurs autour du numérique en santé ou encore de faire de « Mon Espace Santé » le levier de démocratisation des usages du numérique en santé et créer les conditions permettant de favoriser l’acculturation numérique de tous les acteurs de santé…