La lutte contre la délinquance : un enjeu au cœur de la présidentielle 2022 ?

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La délinquance est devenu un sujet majeur de préoccupation des Français. Selon un sondage Harris Interactive réalisé en juillet dernier, 63% des sondés – sur 10 001 participants – considèrent la lutte contre la délinquance comme une priorité. Une thématique qui inquiète manifestement la population française. A lheure des tensions politiques et sociales, quelles visions et solutions proposées par les candidats en lice pour lElysée ?

Par Hugo CHAMPION

La lutte contre le trafic de drogue : mère des batailles ?

A son arrivée place Beauvau, le ministre Gérald Darmanin avait indiqué que la lutte contre le trafic de drogue serait « lalpha et lomega de toutes nos interventions ». Le ministère de l’Intérieur a étoffé ses moyens de lutte contre ce fléau, qui favorise le développement des actes délinquants en général. Depuis octobre dernier, les « amendes forfaitaires délictuelles » (AFD) sont expérimentées dans les villes de Rennes, Foix, Créteil, Marseille, Lille et Reims. Dans la continuité des forfaitisations des usages de stupéfiants mises en place par le précédent locataire de Beauvau, les AFD ciblent « des personnes qui occupent les espaces communs à plusieurs et empêchent délibérément l’accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté (portes coupe-feu, extincteurs, systèmes de désenfumage». Cet outil devrait permettre de lutter plus efficacement contre les petites mains du trafic de drogue, notamment les guetteurs.

Les nouveaux moyens mis en œuvre pour éradiquer le trafic, « la mère des batailles » selon les mots du président Emmanuel Macron, dénotent qu’une véritable guerre a vu le jour. La multiplication des appels au meurtre de policiers identifiés par les dealeurs comme luttant contre les points de deal, illustrent la guerre menée par les acteurs du trafic de drogue contre les forces de l’ordre. En septembre dernier, Emmanuel Macron, en visite dans la cité phocéenne a annoncé l’arrivée de 300 policiers supplémentaires d’ici 2023. L’augmentation des effectifs devrait se généraliser à l’échelle nationale. Le président en exercice a souligné que « les Français verront plus de bleu sur le terrain en 2022 quen 2017 ».

Valérie Pécresse, candidate Les Républicains (LR) à la présidentielle 2022, propose de développer des moyens « pour taper aux portefeuilles de consommateurs ». La présidente de la région Ile-de-France défend l’amende pénale et l’inscription au casier judiciaire de l’infraction commise par ces derniers. La candidate en lice propose également d’armer les polices municipales dans les communes de plus de 5 000 habitants et d’augmenter de 50% le nombre de magistrats afin de désengorger la justice. Dans l’arène politique, certains candidats se positionnent également sur une éventuelle légalisation du cannabis, qui conduirait à ne plus lutter contre le trafic par des seuls moyens répressifs. Parmi les candidats, Yannick Jadot a déclaré être en faveur de cette légalisation, tout comme Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou. Le candidat Eric Zemmour, quant à lui, s’interroge encore sur les bienfaits d’une légalisation « ordonnée du cannabis ». Cette proposition vise in fine à éradiquer le trafic. Cette problématique qui dépasse le seul enjeu national mais s’étend aux territoires européens et internationaux – le crime organisé nécessitant une coopération judiciaire et policière plus profonde – fait donc bien partie des priorités des candidats à l’Elysée. Les paradigmes sur cette problématique sont plurielles et peuvent s’opposer. Les choix de la prévention et de la répression connaissent des limites. Le député d’Europe Ecologie les Verts François-Michel Lambert, auteur d’un rapport avec Caroline Janvier (LaREM), explique qu’une légalisation contrôlée de la production, de la vente et de la consommation de cannabis, « permettrait surtout de concentrer les forces de police vers les vrais problèmes que subissent les gens ». 

Prévenir la délinquance : un axe majeur

La stratégie nationale de prévention de la délinquance s’articule autour de trois priorités : la prévention de la violence chez les jeunes, une plus forte implication de la population civile, la protection des femmes et des personnes vulnérables ainsi qu’une rénovation de la gouvernance et une meilleure coordination entre les acteurs territoriaux. Afin de mieux protéger les personnes vulnérables – à savoir les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les femmes victimes de violences, les mineurs – le gouvernement actuel entend doter chaque département d’au moins deux intervenants sociaux dans les commissariats et les unités de gendarmerie en 2022. En deux ans, et notamment suite au Grenelle de lutte contre les violences conjugales, la France est passée de 270 à 400 intervenants sociaux.

Le paradigme sécuritaire se combine ainsi avec une approche globale de la lutte contre la délinquance qui a pour vœu de conduire des politiques en amont. Ainsi, Valérie Pécresse, propose d’ouvrir un centre de désintoxication pour les problématiques liées à la consommation de crack dans le nord de Paris, plutôt que l’établissement d’un centre de shoot. « Il faut une réponse qui ne soit pas que sécuritaire, qui ne soit pas que de déplacer les problèmes, il faut une réponse sanitaire : il faut ouvrir un centre de désintoxication », explique la candidate à l’élection présidentielle 2022. Cette politique vise à accompagner les personnes soumises à une addiction vers le soin, afin de se rétablir. La France Insoumise et son candidat Jean-Luc Mélenchon s’appuient sur le triptyque – prévention, répression, réparation – pour illustrer son paradigme de lutte contre la délinquance. Le candidat propose de réformer la police en profondeur en revoyant ses effectifs, sa formation, sa doctrine d’emploi, son commandement. La dissolution de l’IGPN « au profit dun comité de contrôle comprenant des universitaires aux côtés de policiers, en orientant la formation des policiers sur la prévention et le relationnel, et en créant un nouveau code de déontologie » fait partie des promesses de campagne du candidat LFI. Marine Le Pen propose elle de réorienter une partie des crédits de prévention de la délinquance vers l’équipement et l’armement des polices municipales. La candidate du Rassemblement national souhaite ainsi développer la compétence des maires de France sur le volet répressif plutôt que préventif. Elle propose enfin de créer en 6 ans, 20 000 places de prisons supplémentaires. Si le volet répressif mérite d’être abordé de manière dépassionnée et raisonnable, les enjeux liés à la prévention de la délinquance méritent d’être identifiés et débattus afin d’endiguer la forte dynamique des actes délictuels. Là encore, les paradigmes des différentes problématiques – et donc des solutions – s’achoppent.

La prison : espace de lutte contre la délinquance?

L’article 1er de la loi du 22 juin 1987 confie comme mission au service public pénitentiaire de participer « au maintien de la sécurité publique » et de favoriser « la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par lautorité judiciaire ». Cependant, force est de constater que le taux de récidive est alarmant. Sans compter la surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt et les conditions de détention qui en découlent mettant à mal le travail de réinsertion. Aussi, la plupart des candidats souhaitent-ils créer des places de prison supplémentaires. Marine Le Pen propose que les étrangers condamnés en France « puissent purger leur peine de prison dans leur pays d’origine, quitte à ce que le France y contribue financièrement ». Les problématiques liées à la surpopulation carcérale ne sont cependant pas le fruit d’un manque de cellules. Les taux d’occupation sont en réalité très variables d’une maison centrale (longues peines) ou d’un centre de détention (peine supérieure à deux ans) à l’autre. Ces deux types de structures ne sont occupées qu’à 87,3%. Il convient ainsi de s’interroger sur le mode d’incarcération des personnes condamnées pour des faits de droit commun et sur le paradigme pénal actuel. Les mesures de la LFI ont pour vocation à mettre fin au tout-carcéral par des peines alternatives à la prison et à rénover les prisons pour garantir la dignité humaine. Ces propositions iront dans le sens d’une volonté politique de favoriser la réinsertion et ainsi, de limiter la récidive. Comme le rappelle le criminologue Alain Bauer, « on devrait surtout arrêter de préconiser la prison pour tout et pour tou(te)s ».

Les Français espèrent une refonte des politiques publiques de sécurité, car la délinquance perdure et se développe fortement dans le pays.