Quels programmes sécurité et défense pour les candidats à l’élection présidentielle ?

A l’approche de l’élection présidentielle, la 23ème édition du « Baromètre Fiducial de la Sécurité des Français pour Le Figaro » révèle que la sécurité aura une importance majeure dans lechoix du candidat : 56 % des Français indiquent qu’ils pourraient changer de bulletin de vote s’ils étaient en désaccord avec un candidat sur le sujet. Les concitoyens attendent en premier lieu dessolutions pour faire baisser la délinquance et les attaques aux biens et aux personnes. Ils placent leur confiance en Marine Le Pen et Emmanuel Macron pour répondre à ces enjeux.
Aujourd’hui décryptage par S&D MAGAZINE du programme de Jean-Luc Mélenchon.

« Une défense au service de la souveraineté populaire » et un nouveau visage de la police

Le 1er février 2022, Jean-Luc Mélenchon, candidat du parti La France Insoumise (LFI) pour l’élection présidentielle, a présenté son programme de défense. Qualifiant le quinquennat du Président Macron comme celui des « faux semblants » et du « temps perdu », il s’engage, s’il est élu, a rapidement prendre des mesures.

Par Camille Léveillé

Repenser la stratégie de défense française

La présentation du programme de Jean-Luc Mélenchon a été rythmée par une volonté farouche de repenser la stratégie de défense française. Le candidat La France Insoumise propose la rédaction d’un livre blanc de la défense dès 2022. Il apportera « une réflexion sur les moyens militaires au regard des sauts technologiques ces dernières années ». Le livre blanc sera un moyen de budgétiser les besoins de l’armée notamment en matière d’équipements. Un membre de l’équipe de campagne du candidat confie : « Les questions de volume et de contrats opérationnels doivent être soutenues par une réflexion plus globale, celle du livre blanc. Il exposera la doctrine et ensuite nous arbitrerons la question des moyens à allouer.» Un document de réflexion qui permettra de mettre en place la nouvelle Loi de Programmation Militaire (LPM) souhaitée par Jean-Luc Mélenchon en remplacement de celle actuellement en vigueur qu’il critique vivement, et dont l’adoption serait prévue pour l’automne 2023.

Le candidat s’engage sur le terrain du nucléaire, invitant à penser « à l’avenir de la dissuasion nucléaire » qu’il considère comme « incertain ». Il propose de mener une dissuasion spatiale « dont la capacité à désorganiser une société en visant le cœur de ses infrastructures serait moins létale, mais potentiellement aussi dissuasive que larme nucléaire elle-même. »

Une indépendance française en matière de défense

Pour Jean-Luc Mélenchon, une indépendance française en matière de défense est primordiale. « La puissance de la France doit venir avant tout dune diplomatie non-alignée et altermondialiste. » explique le candidat à l’élection présidentielle.

La diplomatie de non-alignement passera par une sortie de la France du commandement intégré de l’OTAN puis, progressivement, de l’organisation elle-même. Il souhaite annuler la construction du centre spatial de l’OTAN à Toulouse et promet d’arrêter toute discussion autour de l’Europe de la défense qu’il qualifie de « miroir aux alouettes ». Selon lui, « la souveraineté européenne ne peut pas exister en Europe car il faudrait quil y ait une politique étrangère commune et pour cela, il faudrait quil y ait une volonté commune mais aujourdhui rien de cela nexiste ». Jean-Luc Mélenchon propose donc de « mettre un terme à la construction des avions franco-allemands « du futur » (SCAF et MGCS) » et de « retirer la France du quartier général de la défense européenne ». Dans la même lignée, le candidat LFI conteste « lexistence de tous les autres « clubs » de lONU » qu’il qualifie de « lieu de régulation et de commandement militaire. »

Sur la question des OPEX, qui pourraient entrer en contradiction avec la diplomatie altermondialiste et de non-alignement, Jean-Luc Mélenchon déclare : « On a la nécessité de pouvoir mener des OPEX compte-tenu des accords de défense liant la France avec dautres pays. » « Mais, ces accords feront lobjet dun audit, en particulier pour les pays africains. Le Tchad sera probablement lun des premiers pays avec lesquels nous devrons avoir des discussions pour renégocier et éventuellement annuler les accords de défense. » ajoutent ses équipes de campagne.

Bastien Lachaud, député, membre de la Commission de la défense et des forces armées nationales de l’Assemblée nationale engagé auprès de Jean-Luc Mélenchon précise que l’indépendance de la France en matière de défense passe également par l’indépendance de sa BITD. Or, « à partir du moment où on fixe comme objectifs l’indépendance de la France, on ne peut pas accepter que notre budget militaire dépende du financement lié aux exportations. »

Et Jean-Luc Mélenchon de préciser : « Nous ne pouvons plus accepter d’être dépendant de qui que ce soit en matière de production de matériel ».

« Protéger les militaires et leurs familles »

La protection des militaires et de leurs familles fait partie intégrante du programme de défense du candidat LFI. Parmi les mesures les plus marquantes, Jean-Luc Mélenchon promet de garantir la spécificité du programme de retraite des militaires menacée par la réforme souhaitée par Emmanuel Macron. Il annonce également vouloir accompagner les familles de militaires dans leur quotidien. Le candidat LFI propose notamment de développer « les capacités de garde des enfants” et de donner « la priorité à l’emploi et à la formation des conjointes et conjoints ».

La simplification de l’accompagnement des militaires atteints de troubles psychologiques ou encore la nécessité de lutter efficacement contre le harcèlement et le bizutage au sein des armées font également partie du programme du candidat.

« Refonder le service public de la police »

La présentation du programme de sécurité, le 11 mars dernier, a été rythmée par la volonté de la France Insoumise de « refonder les activités de police de la cave au grenier ». Suppression de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) et de la Brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV), nouvelle politique antiterroriste « rationnelle » ou encore lutte accrue contre les violences faites aux femmes sont prévues. Jean-Luc Mélenchon promet une enveloppe de 1,1 milliard d’euros par an pour lutter contre ce fléau de société. 950 millions d’entre eux sont prévus pour créer une brigade spécialisée dans la lutte contre les violences sexistes, des lieux d’écoute et de prise en charge des victimes et de 40 000 places dans des logements d’urgence. 150 millions d’euros seront consacrés à la recherche dans ce domaine et à l’accès aux soins et à l’accompagnement longue durée.

570 millions par an permettront de recruter de 12 000 policiers sur 5 ans pour lutter plus efficacement notamment contre la traite des êtres humains et la pédocriminalité. Le candidat promet de nouvelles formations d’agents et l’intégration de la police municipale dans « le dispositif global de la police de sécurité ». Il souhaite donner un nouveau visage à la police en faisant d’elle une police de proximité. Ainsi, les agents de la BAC et de la BRAV seront intégrés au sein de cette police de proximité et, à terme, l’essentiel des effectifs n’aura plus d’armes létales. « Les techniques dangereuses de pliage, de plaquage ventral et de clé d’étranglement seront interdites » au sein de la police de proximité. Jean-Luc Mélenchon s’engage également à « en finir avec les contrôles au faciès » en instaurant un récépissé lors du contrôle d’identité et obligeant les policiers à motiver ces contrôles.

Considérant que les tâches administratives empêchent parfois aux policiers et gendarmes de se rendre sur le terrain, le chef de file de la France Insoumise propose le recrutement de 2500 agents administratifs.

De nombreuses lois, jugées liberticides par Jean-Luc Mélenchon, seront abrogées. Parmi elles : la loi « sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme » de 2018, la loi « renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations » de 2019 ou encore la loi « sécurité globale » de 2021.

Le programme de sécurité intègre également la question des violences policières. Jean-Luc Mélenchon prévoit de refonder le code de déontologie, de supprimer les missions de contrôle de l’IGGN et de l’IGPN et de transférer ces compétences à une autorité indépendante rattachée au Défenseur des droits. De plus, « une commission « Vérité et Justice » sera ouverte sur les violences policières passées ayant entraîné la mort ou des mutilations ».

Le candidat souhaite « garantir le droit de manifester ». Il prône un déploiement « graduel et proportionnel de la force » interdisant l’usage des nasses par les forces de sécurité et des armes mutilantes1.

Enfin, dernier volet, du programme : la recherche universitaire. Jugeant les débats sur les questions de sécurité « irrationnelles », Jean-Luc Mélenchon proposera à des chercheurs indépendants et scientifiques d’évaluer les politiques publiques et de « nourrir les perspectives de réformes ».

Sources : Les livrets thématiques de l’Avenir en commun, livret Défense,

https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/defense/

Les livrets thématiques de l’Avenir en commun, livret Sécurité et sûreté : Refonder le service public de la police, https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/securite/

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