Quels programmes sécurité et défense pour les candidats à l’élection présidentielle ?

A l’approche de l’élection présidentielle, la 23ème édition du « Baromètre Fiducial de la Sécurité des Français pour Le Figaro » révèle que la sécurité aura une importance majeure dans le choix du candidat : 56 % des Français indiquent qu’ils pourraient changer de bulletin de vote s’ils étaient en désaccord avec un candidat sur le sujet. Les concitoyens attendent en premier lieu des solutions pour faire baisser la délinquance et les attaques aux biens et aux personnes. Ils placent leur confiance en Marine Le Pen et Emmanuel Macron pour répondre à ces enjeux.

Décryptage par S&D MAGAZINE du programme de Valérie Pécresse.

Par Alexandre Guichard

« Alliance ne signifie pas allégeance »

Prenant acte de l’invasion du territoire ukrainien par les forces armées russes, Valérie Pécresse, la candidate du parti les Républicains à l’élection présidentielle, a présenté au début du mois de mars son programme en matière de défense. Affirmant sa solidarité au peuple ukrainien et appelant à tout faire pour obtenir un cessez-le-feu, elle a indiqué ne pas vouloir faire preuve de « légèreté » concernant la dissuasion nucléaire de la France, « clé de voute » de sa doctrine. Celle pour qui le pays doit être « une puissance stratégique », grâce notamment « à son armée d’emploi » assure que la défense est « une idée globale ».

« L’autonomie stratégique européenne ne peut pas se construire contre lOTAN ou sans l’OTAN » selon Valérie Pécresse qui n’a pas caché sa volonté de rester au sein du commandement intégré de l’Alliance, tout en précisant : « alliance ne signifie pas allégeance ». Elle a par ailleurs affirmée son ambition de « restaurer limage et la place de la France sur le continent africain » par le biais de « missions ponctuelles avec des objectifs clairs et limités », tout en « renforçant les bases et augmentant le nombre de forces prépositionnées ».

« Une revue flash de la loi de programmation militaire »

Parmi les annonces phares délivrées par la candidate, on peut citer sa volonté de lancer l’écriture d’un nouveau livre blanc « doté d’une stratégie intégrée », à horizon 2030 dans sa dimension opérationnelle et à 2050 pour l’aspect « stratégique ». L’objectif est de parvenir à mener une revue stratégique régulière, alors même que le dernier livre blanc date de 2013. A cela viendra s’ajouter « une revue flash de la loi de programmation militaire (LPM) », que Valérie Pécresse s’engage à financer.

Elle affirme : « Notre armée est à la hauteur qualitativement, mais pas quantitativement » dénonçant particulièrement les « insuffisances » dans le domaine du transport de troupes. C’est pourquoi la candidate souhaite faire un « effort financier » pour accroître les capacités de l’armée en termes d’entraînements, de munitions et de « petits équipements » qu’elle juge « vitaux ».

La volonté de « combler les trous capacitaires » dévoilée dans ce discours prend notamment racines dans les constats et propositions du rapport parlementaire déposé, le 17 février dernier, par Mme Mirallès et M. Thiériot à l’Assemblée nationale. Valérie Pécresse, qui dit partager les conclusions des députés, confie vouloir trouver un équilibre « entre rusticité et haute technologie », optant pour un renforcement des défenses française en matière de cyber mais également dans le secteur des drones. Ainsi, si elle est élue, elle souhaite que le budget de la défense atteigne 65 milliards d’euros en 2030, soit bien plus de 2% du produit intérieur brut français. Un effort financier qui se chiffrerait à hauteur de 108 milliards d’euros, avec l’ambition de venir en aide à notre écosystème de défense et notre industrie.

Miser sur lindustrie de défense

Plus qu’un refinancement de l’armée, Valérie Pécresse souhaite améliorer son fonctionnement, favorisant des « boucles de décision courtes », « tenant compte des réalités ». Pour cela, il faudra s’appuyer sur l’industrie de défense française et coopérer au niveau européen. Sans pour autant voir « exploser les cours ni perdre des actifs stratégiques ou notre indépendance à l’export ».

Le Buy European Act serait donc défendu à Bruxelles si la candidate LR devenait Présidente. Ce à quoi on associerait un soutien à l’innovation – notamment à l’AID – et une simplification des mécanismes d’achat public pour garantir l’agilité technologique et industrielle. Surtout, une cellule interministérielle serait chargée de la remontée en puissance de l’industrie de défense française, s’appuyant en particulier sur la Direction générale de l’armement (DGA). « Nous devons rendre au régiment une partie de ses équipements, car le soldat se bat mieux avec un matériel quil peut appeler sien. » Cerise sur le gâteau, Valérie Pécresse a confirmé que l’industrie de défense ne serait pas entravée par la taxonomie européenne.

Par ailleurs, la candidate s’est engagée en faveur de la préservation du régime spécial des retraites pour les forces armées et d’un accompagnement renforcé pour les blessés et les familles endeuillées. De plus, elle souhaite accompagner les militaires dans leur mobilité géographique, facilitant l’accès aux crèches pour leurs enfants. Elle s’est, en revanche, opposée à la mise en place de la directive européenne relative au temps de travail des Etats membres, que la France ne souhaite pas voir s’appliquer aux militaires.

« La peur doit changer de camp »

C’est le point de départ du programme de Valérie Pécresse sur le plan sécuritaire. Partant du constat que « l’impunité s’installe dans le pays » et que la justice est « noyée »1 face aux crimes, la candidate propose un plan d’action en quatre temps. Le premier ? Des forces de l’ordre plus nombreuses, mieux équipées et protégées. Cela passera par exemple par la création obligatoire d’une police municipale armée dans les villes de plus de 5 000 habitants, l’inscription du droit à la sécurité pour tous dans la Constitution, la division par deux du temps de traitement des procédures pénales grâce à la numérisation, mais également par le rétablissement d’une peine minimale d’un an de prison ferme pour les auteurs d’agressions contre les dépositaires de l’autorité publique. Surtout, la candidate LR souhaite doter les forces de sécurité, dont la police municipale, de nouveaux pouvoirs tels que le contrôle d’identité, l’ouverture des sacs et la fouille des véhicules.

La deuxième priorité pour Valérie Pécresse, dans le domaine sécuritaire, est de garantir « l’impunité zéro pour les voyous »2. Au programme notamment, le rétablissement des peines planchers automatiques pour les multirécidivistes et l’abaissement de la majorité pénale de 18 à 16 ans. Les trafiquants seront également exclus des logements sociaux qu’ils occupent, tandis que les détenus devront participer financièrement à leur incarcération.

9 milliards deuros pour la justice

Promettant « un grand plan Orsec pour juger vite et bien », la candidate veut investir massivement dans la justice. Neuf milliards d’euros devraient permettre de recruter 16 000 nouveaux agents dont 3 000 juges, 3 000 greffiers et 2 000 procureurs. Valérie Pécresse se distingue également par sa volonté de promouvoir les travaux d’intérêt général et d’imposer une comparution immédiate pour tous les flagrants délits.

Souhaitant créer 20 000 places de prison, elle propose de transformer, en attendant, des bâtiments désaffectés en centres de détention et de mettre fin à l’aménagement automatique des peines. Elle instaurera aussi des circonstances aggravantes pour les auteurs de crimes commis dans l’un des 62 quartiers dits de “reconquête républicaine” comme c’est déjà le cas dans les écoles ou les transports en commun. Pour lutter contre le fléau des violences conjugales, Valérie Pécresse ambitionne de créer une juridiction spécifique pour protéger les victimes qui instruira en 72 heures et rendra des ordonnances de protection en 6 jours.

Enfin, la dernière priorité est de « mieux armer la République face au risque terroriste et à l’islamisme radical ». Pour cela, les propositions sont légion. Elles incluent la création d’un délit pour consultation de sites terroristes, la mise en place de mesures de surveillance particulières pour les terroristes à leur sortie de prison, afin de prévenir la récidive et la reconnaissance du terrorisme comme forme d’intelligence avec l’ennemi. On peut y ajouter la systémisation des contrôles à nos frontières de toute personne entrant sur le territoire européen ainsi que l’utilisation de la reconnaissance faciale à l’entrée des transports en commun pour identifier les personnes recherchées. Par ailleurs, la radicalisation deviendrait une source réelle et sérieuse de licenciement dans nos entreprises et administrations.

1 https://valeriepecresse.fr/projet/securite-justice/

2 Idem