La sécurité au coeur de l’organisation de la Coupe du monde 2022

1,5 million de spectateurs sont attendus sur une période de 45 jours dans le micro-Etat qatari pour la Coupe du monde de football en novembre prochain. Ils seront 500 000 dans le pays, les jours les plus importants alors même que le pays ne compte que 2,8 millions d’habitants. Le défi logistique pour accueillir et assurer la sécurité de tous les visiteurs est de taille. Entre risque lié à la cybersécurité, solutions innovantes pour y faire face et coopération accrue, retour sur la sécurité de la Coupe du monde la plus décriée de l’histoire.

Par Camille Léveillé

Les risques cyber : principal défi

Les événements sportifs d’ampleur sont une aubaine pour les cybercriminels. Grâce à des techniques comme l’hameçonnage ou l’ingénierie sociale, ils pourraient récupérer les données personnelles du million et demi de visiteurs attendu. D’autres techniques comme les liens malveillants contenus dans des mails frauduleux envoyés aux supporters pourraient également se démultiplier.

Au-delà des attaques à l’encontre des personnes, les stades ou autres infrastructures clés représentent des cibles potentielles.

Enfin, dernier risque majeur : les attaques par déni de service (DDoS) qui pourraient endommager une partie de l’internet national alors même que le monde entier aura les yeux rivés sur l’émirat. Arabie saoudite, Bahreïn et Emirats arabes unis, trois pays avec qui les relations diplomatiques sont tendues depuis de nombreuses années, seraient les principaux suspects1.

La sécurité par linnovation

Pour assurer la sécurité de tous les visiteurs, Doha mise sur l’innovation. C’est l’un des objectifs de QatarSport Tech, incubateur chargé d’accompagner les start-up souhaitant participer à la Coupe du monde. Entre drones équipés de caméras et système anti-drones, le pays développe peu à peu son arsenal. Le pays fera notamment appel à son robot Al-Asas, un policier initialement chargé de patrouiller dans les zones résidentielles et d’éviter les rassemblements lors de l’épidémie de Covid-19. Avec 6 caméras, 12 heures d’autonomie et son système de reconnaissance faciale, Al-Asas pourrait aisément identifier les contrevenants. Son utilisation pour la Coupe du monde n’a, pour l’heure, pas été dévoilée.

Les innovations permettront également de se prémunir des risques de fraude, comme le système de billetterie choisi par les organisateurs qui entend les réduire massivement. La start up grecque Come Together a en ce sens développé une solution de billets numériques basés sur la blockchain. Le billet dispose d’un QR Code dynamique changeant toutes les 30 secondes. Ce nouveau système permet au billet d’être toujours original et valide, empêchant les fraudes. Elle semble bien positionnée pour être retenue pour la Coupe du monde qui se tiendra au Qatar fin 2022. Enfin, tous les systèmes informatiques pourront être contrôlés à distance depuis le centre de contrôle et de sécurité, plateforme centralisatrice destinée à assurer la sécurité des supporters durant la Coupe du monde et à éviter les rassemblements, potentiellement dangereux.

Une coopération internationale accrue

Le Qatar compte également sur une coopération internationale renforcée pour mener à bien sa mission de sécurité auprès des visiteurs en novembre prochain. Le ministre de l’Intérieur turc, a récemment annoncé que 3 250 personnels de sécurité seraient déployés lors de la Coupe du monde. Parmi eux : la police anti-émeute, des membres des forces spéciales, des chiens détecteurs de bombes et leurs opérateurs et des experts en explosifs.

Des exercices de coopération ont également lieu entre le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie, le Pakistan, la Russie, la France et d’autres. Watan, le dernier en date, a réuni 13 Etats avec la volonté d’évaluer les capacités de réaction des autorités concernées en cas d’incident. « Après avoir mené à bien une nouvelle série de scénarios complexes, nous avons prouvé une fois de plus que nous sommes plus que jamais prêts », a déclaré le Comité de sécurité de la Coupe du monde de la FIFA Qatar 2022 à la fin de l’exercice2.

Interpol, partenaire privilégié de la monarchie pétrolière, a participé à la création de STADIA depuis 2012. Financé le Qatar, le projet a pour objectif « de coordonner les dispositifs policiers et de sécurité de la Coupe du monde de la FIFA2022 au Qatar »3. STADIA est un système numérique à double composante : un référentiel de bonnes pratiques à mettre en oeuvre pendant les manifestations sportives, que les Etats peuvent consulter et alimenter et une « plateforme collaborative en ligne sur laquelle les experts peuvent partager, échanger, analyser et publier des informations sur l’évolution de la sécurité lors de grandes manifestations sportives »4.

Un partenariat renforcé avec la France

La France est grandement impliquée dans l’organisation de la sécurité lors de la Coupe du monde de football. Les deux Etats ont signé le premier accord juridique contraignant en la matière l’année dernière. Le projet de loi devrait être adopté par le Parlement français en septembre. « Ce partenariat vise à assurer un haut niveau de sécurité de la Coupe du monde de football de 2022, au travers d’actions de conseil technique et d’assistance opérationnelle »5 peut-on lire dans l’accord. Les domaines du partenariat sont divers : planification de la gestion sécuritaire, commandement et conduite des dispositifs de sécurité, tactiques et techniques de gestion de l’ordre public et prévention de la commission d’actes illicites par supporteurs violents ou à l’occasion de mouvements de foule, surveillance et protection des sites et enceintes sportives ou encore prévention des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques et l’intervention face à ces menaces. Le partenariat prévoit également le déploiement de gendarmes, policiers et sapeurs-pompiers pour des missions de conseil technique et d’assistance opérationnelle. Somme toute, cet événement sera une occasion pour la France de continuer à préparer et anticiper la sécurité de la Coupe du monde de rugby en 2023 et celle des JOP en 2024.

Si la sécurité des supporters semble être au cœur des préoccupations de l’Etat-hôte, celle des agents de sécurité chargés notamment de celle de la Coupe du monde ne l’est clairement pas. Amnesty International a récemment publié un rapport « Ils nous prennent pour des machines » dans lequel 34 agents témoignent de pratiques s’apparentant à du travail forcé. Alors, dans quel climat sécuritaire se déroulera cette Coupe du monde sous tension ? Réponse à partir du 18 novembre…

1 Rob Fitzsimons, “Cybersecurity at the Qatar 2022 World Cup: The threat and response”, https://www.emeoutlookmag.com/industry-insights/article/529-cybersecurity-at-the-qatar-2022-world-cup-the-threat-and-response

2 “ ‘Watan’ exercise successfully tests security readiness to host Qatar World Cup”, The Peninsula, 17 novembre 2021, https://thepeninsulaqatar.com/article/17/11/2021/watan-exercise-successfully-tests-security-readiness-to-host-qatar-world-cup

3 Projet Stadia, Interpol, https://www.interpol.int/fr/Notre-action/Projet-Stadia

4 Ibid

5 Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du Monde de football de 2022, janvier 2022, https://www.senat.fr/leg/pjl21-325.pdf#annexe