Le Costa Rica, symbole de la paix démocratique en Amérique Latine

Le Costa Rica, nation bi-océanique, jouit d’une situation géographique privilégiée au centre du continent américain. Deux circonstances qui revêtent une importance particulière à l’heure où chacun évalue les conséquences de la pandémie et de ses effets dévastateurs sur la santé et l’économie internationale. Positionné comme un point stratégique pour garantir les chaînes d’approvisionnement mondiales qui contribuent à la santé et à la sécurité alimentaire mondiales, le Costa Rica prône la paix et la démocratie comme des valeurs essentielles à l’établissement d’un monde plus durable et plus inclusif illustrant la célèbre « Pura Vida » où la recherche de prospérité et de modernité s’effectue en équilibre avec le bien-être et la nature.

Rencontre avec Arnoldo André Tinoco, Ministre des affaires étrangères et du culte du Costa Rica

Propos recueillis par Mélanie Bénard-crozat

Stabilité politique et tradition démocratique

Le Costa Rica mène une politique d’État en faveur de la démocratie, des droits de l’homme, de l’État de droit et du droit international, de la promotion de la paix et du développement durable. Le respect des processus électoraux populaires, avec un accès libre aux citoyens, et le respect de l’indépendance des pouvoirs de l’État, ont été la clé de la stabilité. Celle-ci repose sur le soutien des citoyens à la démocratie et au système politique.

Notre pays accorde une valeur centrale à la politique de neutralité et d’institutionnalité démocratique. Le Costa Rica considère la neutralité comme un instrument important et efficace pour la construction de la paix et la prise de décisions constructives basées sur le consensus et la diplomatie préventive. Notre pays a réussi à établir un système de sécurité multilatéral et coopératif qui incarne la démilitarisation, le développement économique et social et les droits de l’homme, et qui a évolué et continue d’évoluer au fil du temps.

Notre identité costaricienne, qui se distingue par l’abolition de l’armée en 1948 et la proclamation d’une « neutralité perpétuelle, active et non armée » en 1983. En 2014, l’Assemblée législative (Congrès) a proclamé la paix comme un droit humain fondamental, la neutralité perpétuelle dans les conflits entre et au sein des États, et a interdit l’établissement de toute industrie de fabrication d’armes à l’intérieur des frontières du pays. Le Costa Rica est devenu l’antithèse de la pensée conventionnelle qui assimile la sécurité nationale à l’expansion des capacités militaires.

La neutralité et le développement durable sont également liés. Grâce à l’absence de forces armées, le Costa Rica a pu réorienter ses ressources vers des politiques de protection sociale, notamment la santé et l’éducation, qui est gratuite et obligatoire et dont les dépenses minimales sont fixées par la Constitution. Depuis 1997, l’éducation à la paix est enseignée dans les écoles, qui ont développé les compétences et les connaissances qui contribuent à la culture de la paix du pays. Notre pays abrite également la prestigieuse Université de la paix (UPAZ), mandatée par les Nations unies, qui commémore cette année son 42e anniversaire.

Le Costa Rica est un pays de paix. Nous célèbrerons par ailleurs, le 1er décembre prochain, les 72 ans de l’abolition de l’armée. Notre principale force ne réside pas dans nos armes, mais dans notre talent humain.

Contenir les organisations criminelles

Le Costa Rica a établi parmi ses priorités la promotion de la paix sociale, le renforcement de l’État de droit, la coexistence des citoyens, la prévention du crime et la sécurité nationale. La criminalité est considérée comme un problème fondamental et nous faisons de gros efforts pour la réduire, voire l’éliminer. Il nous paraît nécessaire de fournir une coopération internationale et une assistance technique dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée et la corruption, sur un pied d’égalité avec les États à revenu intermédiaire, dont le Costa Rica fait partie.

Par ailleurs, nous sommes parvenus à réduire le taux d’homicides, ainsi que le taux de criminalité violente, grâce à une approche globale dans le domaine de la prévention et de la punition, ainsi que des contrôles renforcés. De même, la question du crime organisé est de la plus haute importance pour la stabilité de la région. Le Costa Rica s’est efforcé de contenir les organisations criminelles transnationales en collaborant avec les pays voisins et la région, en utilisant une approche globale et diversifiée pour renforcer les mécanismes et les politiques qui facilitent, entre autres, le renforcement de l’État de droit, l’indépendance de la justice et la liberté de la presse.

Vers une cybersécurité nationale

Le 8 mai dernier, le gouvernement costaricien a signé un décret déclarant l’état d’urgence national dans tout le secteur public de l’État, en raison des cybercrimes qui ont affecté la structure des systèmes d’information de notre pays. De nombreuses actions ont été menées. Officialisation de la directive N° 133-MP-MICITT, préparation et envoi constant d’alertes techniques aux entités du secteur public, suivi constant des incidents de sécurité informatique dans le secteur public…

Une enquête d’information a été réalisée pour obtenir un diagnostic de la vulnérabilité de la sécurité numérique dans plus de 200 institutions publiques du pays, y compris les gouvernements locaux. La coopération internationale a été gérée en termes de licences pour des programmes de cybersécurité destinés au secteur public et de soutien technique avec Israël, l’Espagne et les États-Unis. Des conseils et une assistance sont fournis pour l’installation des licences du logiciel « microCLAUDIA » avec le soutien d’experts du Centre Cryptologique Espagnol. A ce stade, l’état d’alerte est maintenu et le gouvernement, notamment le ministère des sciences, de l’innovation, des technologies et des télécommunications, poursuit ces échanges avec les instituons à l’instar du déploiement d’une protection contre les ransomwares pour les institutions publiques fournie dans le cadre de la coopération avec l’Espagne. La Commission nationale d’urgence (CNE) prépare également le plan d’urgence national. Il est aujourd’hui évident que cette question doit être considérée comme un investissement et non comme une dépense.

Dans le domaine multilatéral, le Costa Rica a participé activement, en mai et juin, à la deuxième session du Comité ad hoc pour l’élaboration d’une convention internationale sur la lutte contre l’utilisation abusive des technologies de l’information et de la communication à des fins criminelles, qui s’est tenue à Vienne, en Autriche. La future convention, sous l’égide des Nations unies, vise à établir des règles internationales pour lutter contre l’utilisation des nouvelles technologies par des criminels au détriment des valeurs protégées par la société. La nouvelle convention internationale devrait être ouverte à la signature en 2024. En outre, le Costa Rica a signé en juin à Strasbourg le deuxième protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité, la Convention de Budapest.

L’amitié Franco-Costaricienne

Le Costa Rica et la France entretiennent des liens d’amitié de longue date avec une vision commune de la promotion et du respect des droits de l’homme, de la protection de l’environnement, de la défense de l’égalité des sexes, du multilatéralisme et du principe de solidarité internationale. Cela se matérialise dans de nombreuses actions de coopération culturelle, technique et scientifique et la conservation des ressources naturelles et migratoires. L’action climatique est actuellement un domaine d’action et d’intérêt bilatéral privilégié. Nous assumons le leadership conjoint des deux pays au sein de la High Ambition Coalition (HAC), un groupe intergouvernemental de plus de 90 pays qui plaide en faveur d’un accord mondial pour la nature et l’homme avec pour objectif principal de protéger au moins 30 % des terres et des océans de la planète d’ici 2030. Le Costa Rica et la France ont également entamé des démarches pour organiser de concert le sommet des Nations unies sur l’océan en 2025.

Le Costa Rica a officiellement rejoint il y a quelques mois l’initiative internationale PREZODE, une proposition du gouvernement français visant à consolider les réseaux de collaboration scientifique pour aider à prévenir les futures pandémies d’origine animale, grâce à des actions de surveillance et de recherche interdisciplinaire aux niveaux local, national et régional.

Des relations pacifistes à travers le monde

Bien que des différences politiques existent avec certains pays et que la situation avec le Nicaragua suscite des inquiétudes, le Costa Rica est attaché au dialogue, à la paix, à la démocratie et au multilatéralisme avec les pays d’Amérique latine.

Les défis du système économique et financier international pour les pays en développement, la mondialisation, le changement climatique, les nouvelles maladies et la relance durable dans le contexte de COVID-19 et au-delà, génèrent la nécessité de diversifier les risques et de créer des politiques communes dans la région et avec des partenaires extra-régionaux dans toutes les zones géographiques. C’est pourquoi la France, les États-Unis et d’autres partenaires moins traditionnels ou plus récents en Asie, comme la Chine, figurent aujourd’hui parmi les principaux partenaires du Costa Rica.

Nous assurerons notamment le suivi du partenariat stratégique avec les États-Unis en termes de coopération pour traiter les causes structurelles de la migration, en étroite liaison avec le système des Nations unies et ses agences, les organisations régionales, les institutions américaines. Le Costa Rica et les États-Unis, en tant que pays de destination des migrations dans la région, coopèrent activement à l’échange de bonnes pratiques dans les domaines de la sécurité et de l’amélioration de la situation socio-économique des migrants. Actuellement, l’agenda bilatéral sur le changement climatique et la protection de la biodiversité, en particulier la biodiversité marine, a été renforcé. Les États-Unis sont le principal marché des exportations du Costa Rica, la principale source de tourisme et de ses investissements directs étrangers.

Enfin, les relations avec la Chine sont sur le point de s’améliorer sous l’administration Chaves, car nous pensons que les relations avec nos partenaires d’Asie-Pacifique nous permettront d’accélérer le processus de reprise économique qui a touché la population la plus vulnérable du Costa Rica, comme les zones de pêche et les zones rurales. S’il est clair qu’avec ce pays, il existe de nombreuses asymétries à première vue, nos pays sont confrontés à des défis similaires. Et c’est là que nous trouvons des intérêts communs et de solides complémentarités.

Ethique et l’intelligence artificielle

La Recommandation sur l’éthique de l’intelligence artificielle, adoptée lors de la 41e Conférence générale de l’UNESCO en novembre 2021, est considérée comme une réalisation historique. L’intelligence artificielle est un élément de plus en plus omniprésent dans nos vies. Elle est appelée à générer des résultats significatifs en matière de réduction des inégalités et de lutte contre le changement climatique, mais, dans le même temps, ces évolutions génèrent des défis sans précédent : parmi eux, la menace pour la vie privée, les dangers de la surveillance de masse, l’augmentation des préjugés ethniques ou de genre, etc. Aussi, avons-nous souscrit à cette démarche internationale et engagé des actions nationales. Le Costa Rica dispose actuellement d’une feuille de route pour la construction d’une stratégie nationale en matière d’intelligence artificielle, qui répond aux recommandations de l’OCDE et de l’UNESCO intégrant plusieurs principes dont : la transparence et la responsabilité, la protection des données, la sécurité, la durabilité et la gouvernance collaborative.

Horizon 2026

Aujourd’hui, le Costa Rica doit relancer son économie d’une manière socialement, économiquement et écologiquement durable. Nous donnons la priorité au renforcement des capacités d’articulation et de synergie de la coopération internationale afin d’atteindre les objectifs fixés pour l’administration 2022-2026. Nous nous concentrons également sur la recherche de plus grandes opportunités de développement pour les zones rurales et côtières du pays, ainsi que sur le soutien aux populations vivant dans la pauvreté. Cela nécessite des politiques concrètes de développement et de coopération internationale pour combler les écarts structurels. Nous nous consacrons dans cette ligne à la gestion de la coopération pour renforcer l’agriculture familiale et garantir la sécurité alimentaire. Assumant la responsabilité de la réalisation de l’Agenda 2030 pour le développement durable, notre gouvernement s’efforce de canaliser toutes ses actions de politique étrangère vers le renforcement de l’agenda international visant à atteindre les Objectifs de développement durable, dans tous les espaces régionaux et multilatéraux.

L’agenda du droit international et des droits de l’homme est également une priorité de la politique étrangère du gouvernement Chaves Robles, et le Costa Rica poursuivra son ambition et sa défense dans les organisations internationales.

Les migrations constituent un défi actuel et une question prioritaire pour le pays. Les principes de responsabilité partagée et de solidarité internationale sont essentiels pour faire face à la dynamique migratoire mondiale. Le Costa Rica fonde sa politique migratoire sur les principes du droit international et plaidera vigoureusement en faveur des mécanismes et initiatives mondiaux et régionaux visant à garantir une migration sûre, ordonnée et régulière.

Une autre question prioritaire concerne les systèmes de sécurité collective qui soutiennent la sécurité et la souveraineté du Costa Rica, une question fondamentale pour notre pays et un aspect fondamental pour la défense et la survie de l’État. À cette fin, nous continuerons à travailler dans le cadre de l’OEA, des Nations unies et de la CELAC, et à renforcer les alliances stratégiques avec les pays partenaires.

Dans le domaine de la cybersécurité, un défi majeur actuel, nous intensifions la coopération internationale pour générer une transformation des entreprises, du public et du privé vers la numérisation et la réduction de la fracture numérique. Parallèlement, grâce à la coopération Sud-Sud et triangulaire, décentralisée et multi-acteurs, nous gérerons la coopération pour mettre en œuvre la numérisation, la gouvernance numérique et l’automatisation des processus dans les institutions nationales, entre autres, mais aussi la protection des données dans le cyberespace. Le Costa Rica prône la paix et la démocratie comme des valeurs essentielles qui permettront de trouver l’équilibre recherché entre prospérité, modernité, bien-être et nature.